Le sang de la reine

Après l'exécution de Marie-Antoinette, les gendarmes virent sortir de dessous l'échafaud un homme serrant un oeillet entre les dents et tenant à la main un mouchoir maculé du sang de la reine. Il fut arrêté. Il déclara se nommer le citoyen Maingot, frippier de son état. La fleur qu'il tenait à la bouche rappela aux interrogareurs l'affaire de l'oeillet.
- Connaissez vous Rougeville, ci-devant chevalier de Saint Louis? demanda-t-on.

L'homme nia. Passé à la fouille, on trouva sur lui deux images pieuses. On nota en outre que sa peau était marquée de curieux tatouages. On pouvait en effet lire sur sa poitrine les lettres G.B. et sur son bras droit J.H.S. Un crucifix ornait son bras gauche. Interrogé sur l'origine de ces tatouages, il répondit que ses stigmates dataient de 1787, époque où il servait au régiment de Neustrie. Il affirma en outre qu'il avait trouvé par terre les images pieuses et qu'il avait été poussé par la foule et trébuché sur le sang, ce qui expliquait les taches sur ses habits. On l'acquitta.

Transcription d'un encart du N°7 de la revue "Journal de la France" figurant dans un article signé André Castelot consacré au complot de l'oeillet.

Fascinant ! S'agissait-il de M. de Rougeville, maître absolu dans l'art de passer inaperçu...?
Peut-être bien...

La question reste ouverte car cela n'a pas été précisé. André Castelot, en tous cas, conclut son article par une phrase fort élogieuse pour monsieur de Rougeville.

"Alexandre Dumas, en écrivant son fameux Chevalier de Maison-Rouge est demeuré encore bien en dessous de la vérité."

Cela donne envie d'en connaître davantage n'est-ce pas?

Le citoyen Maingot, quand il fut arrété dit que la foule l'avait poussé sous l'echafaud. Je crois me souvenir qu'il était un peu simple d'esprit. Malgré toutes ces reliques "diaboliques et dangereuses" pour l'époque il fut acquitté. Connaissant ses sanguinaires, on peut penser effectivement que ce monsieur n'avait pas toute sa raison. Sinon aujourd'hui de tels témoignages seraient connus.
Mr de Talaru

Le chevaliier de Rougeville

J'ignorais que cet homme avait été acquitté...car faire un tel acte de fanatisme monarchique devant tout le gratin des révolutionnaire mériterait largement la peine de mort...

MagicXarko a écrit:

La question reste ouverte car cela n'a pas été précisé. André Castelot, en tous cas, conclut son article par une phrase fort élogieuse pour monsieur de Rougeville.

"Alexandre Dumas, en écrivant son fameux Chevalier de Maison-Rouge est demeuré encore bien en dessous de la vérité."

Cela donne envie d'en connaître davantage n'est-ce pas?

Avant de s'enfuir en Belgique suite à l'échec de l'affaire de l'œillet, Rougeville avait rédigé un pamphlet intitulé les crimes des parisiens envers leur Reine par l'auteur des œillets présentés à la Reine dans sa prison. Après en avoir fait de multiples copies, il osa aller les déposer sur le bureau du tribunal révolutionnaire, et sur celui du président de la Convention, aux Tuileries, ,et ce, quelques minutes seulement avant l'ouverture des séances ! C'est par ce camouflet, que Rougeville avait dépassé ce qu'écrit Alexandre Dumas.

Ce pamphlet est-il accessible de nos jours? J'aimerais bien le lire

Chou d'amour a écrit:

Ce pamphlet est-il accessible de nos jours? J'aimerais bien le lire

Je ne sais pas du tout ! il faudrait se renseigner auprès des archives Nationales. L'anecdote, une fois de plus, est rapportée par Castelot. Or, à la fin de son livre, il a laissé des références pour ceux qui voudraient consulter des archives. Je regarderai.

Merci!

Je confirme...Lenôtre en parle de cet épisode dans sa biographie sur De Rougeville également. Je chercherai de mon côté aussi.

Chou d'amour a écrit:

Ce pamphlet est-il accessible de nos jours? J'aimerais bien le lire

André Castelot cite ses sources : le dossier Rougeville, aux archives Nationales (f7.6413)

Merci!

Michèle SAPORI qui a écrit avec succès le livre sur ROSE BERTIN peaufine actuellement une biographie, avec documents à l'appui, sur Monsieur DE ROUGEVILLE !!!!!
je dois lire le manuscrit dans le courant de septembre et j'espère que le livre sortira en début d'année 2010.

Michèle a trouvé dans le dossier ROUGEVILLE aux Archives Nationales des documents surprenants et comme LENOTRE invitait ses successeurs à compléter son ouvrage, elle apporte des nouveautés non évoquées par LENOTRE.

ROUGEVILLE a été fusillé à REIMS et il y a un mystère en ce qui concerne le lieu de repos !!!!!!!
après la parution du livre nous envisageons de demander à la ville de REIMS de placer une plaque à l'emplacement du lieu de sa mort surtout qu'il y a eu d'autre personnes fusillées à cet endroit.

Bonne journée MARIE ANTOINETTE

Quel plaisir ce sera de pouvoir regoûter au talent de notre amie Michelle !
Mais il nous faudra encore un peu patienter...

Bien à vous.

Très bonne idée! Notre cher Rougeville fut un parvenu certes, mais un brave homme qui a tout tenté pour la Reine! La biographie de Lenôtre est très bien faite, j'attends ces éléments nouveaux avec intérêt! Il est certain qu'il ne fut pas facile de mettre la main sur cet homme...et j'aimais beaucoup sa façon sournoise et intelligente, d'une patience infinie, de se faire introduire chez la Souveraine à la Conciergerie.

baron de batz a écrit:

Très bonne idée! Notre cher Rougeville fut un parvenu certes, mais un brave homme qui a tout tenté pour la Reine! La biographie de Lenôtre est très bien faite, j'attends ces éléments nouveaux avec intérêt! Il est certain qu'il ne fut pas facile de mettre la main sur cet homme...et j'aimais beaucoup sa façon sournoise et intelligente, d'une patience infinie, de se faire introduire chez la Souveraine à la Conciergerie.

Très bonne idée en effet.


Je vais par ailleurs essayer d'entrer en contact avec les archives nationales pour savoir s'il est possible de consulter le "dossier Rougeville" (je ne sais pas comment cela se passe, ni même si c'est possible). J'aimerais pouvoir lire ce fameux pamphlet.

Fantastique MARIE-ANTOINETTE merci de nous tenir au courant!

Excellente nouvelle, chère Marie Antoinette ! L'ouvrage sur Rose Bertin m'a enthousiasmée par la précision de ses références et la profondeur de ses analyses. Je me réjouis à l'avance de celui qui sortira sur Rougeville !

"La charrette sort de la cour, et débouche dans la multitude. Le peuple se rue, et se tait d'abord. La charrette avance, au milieu des gendarmes à pied et à cheval, dans la double haie des gardes nationaux.
La reine est vêtue d'un méchant manteau de lit de piqué blanc, par-dessus un jupon noir. Elle porte un ruban de faveur noire aux poignets, au cou un fichu de mousseline unie blanc; elle a des bas noirs, et des souliers de prunelle noire, le talon haut de deux pouces, à la Saint-Huberty. La Reine n'a pu obtenir d'aller à l'échafaud tête nue : un bonnet de linon, sans barbes, un bonnet repassé par elle le matin, cache au peuple les cheveux que la Révolution lui a faits, des cheveux tout blancs. La Reine est pâle; le sang tâche ses pommettes et injecte ses yeux, ses cils sont roides et immobiles, sa tête est droite, et son regard se promène, indifférent, sur les gardes nationaux en haie, sur les visages aux fenêtres, sur les flammes tricolores, sur les inscriptions des maisons.
La charrette avance dans la rue Saint-Honoré. Le peuple fait retirer les hommes des fenêtres. Presque en face de l'Oratoire, un enfant, soulevé par sa mère, envoie de sa petite main un baiser à la Reine… Ce fut le seul moment où la Reine craignit de pleurer.
Au Palais-Égalité le regard de la Reine s'allume un instant, et l'inscription de la porte ne lui échappe pas.
Quelques-uns battent des mains sur le passage de la Reine; d'autres crient.
Le cheval marche au pas. La charrette avance lentement. Il faut que la Reine «boive longtemps la mort ».
Devant Saint-Roch, la charrette fait une station, au milieu des huées et des hurlements. Mille injures se lèvent des degrés de l'église comme une seule injure, saluant d'ordures cette Reine qui va mourir. Elle pourtant, sereine et majestueuse, pardonnait aux injures en ne les entendant pas.
La charrette enfin repart, accompagnée de clameurs qui courent devant elle. La reine n'a pas encore parlé au curé Girard; de temps à autre seulement elle lui indique, d'un mouvement, qu'elle souffre des nœuds de corde qui la serrent; et Girard, pour la soulager, appuie la main sur son bras gauche. Au passage des Jacobins, la Reine se penche vers lui et semble l'interroger sur l'écriteau de la porte, qu'elle a mal lu : Atelier d'armes républicaines pour foudroyer les tyrans. Pour réponse, Girard élève un petit christ d'ivoire. Au même instant, le comédien Crammont, qui caracole autour de la charrette, se dressant sur ses étriers, lève son épée, la brandit, et, se retournant vers la Reine, crie au peuple : « La voilà, l'infâme Antoinette!… Elle est f., mes amis…!
Il était midi. La guillotine et le peuple s'impatientaient d'attendre, quand la charrette arriva sur la place de la Révolution. La veuve de Louis XVI descendit pour mourir où était mort son mari. La mère de Louis XVII tourna un moment les yeux du côté des Tuileries, et devint plus pâle qu'elle n'avait été jusqu'alors. Puis la Reine de France monta à l'échafaud, et se précipita à la mort…
«Vive la République!» cria le peuple : c'était Sanson qui montrait au peuple la tête de Marie-Antoinette, tandis qu'au-dessous de la guillotine le gendarme Mingault trempait son mouchoir dans le sang de la martyre.Le soir, un homme, son ouvrage du jour fini, écrivait ce compte, que les mains de l'Histoire ne touchent qu'en frissonnant :
«Mémoires des frais et inhumations faits par Joly, fossoyeur de la Madeleine de la Ville-l'Évêque, pour les personnes mises à mort par jugement dudit Tribunal:

Savoir :
Du 1er mois…………

Le 25, idem.

La Ve Capet pour la bierre [sic] ……6 livres
Pour la fosse et les fossoyeurs……25 [livres]»


La mort de Marie-Antoinette a calomnié la France.
La mort de Marie-Antoinette a déshonoré la Révolution.
Mais il en est de pareils crimes comme de certaines gloires : celles-ci n'ennoblissent, ceux-là ne compromettent pas seulement une génération et une patrie. Gloires et crimes dépassent leur temps et leur théâtre. L'humanité tout entière, associée à elle-même dans la durée et dans l'espace, en revendique le bénéfice ou en porte le deuil; et il arrive que la mort d'une femme désole cette âme universelle et cette justice solidaire des siècles et des peuples, la conscience humaine; il arrive que le remords d'une nation profite aux nations, et que l'horreur d'un jour est la leçon de l'avenir.
Oui, ce jour, dont la postérité ne se consolera pas, demeurera dans la mémoire des hommes l'immortel exemple de la Terreur. Le 16 octobre 1793 apprendra ce que les jeux d'une révolution font d'un peuple hier les amours du monde. Il apprendra comment, en un moment, une cité, un empire, deviennent semblables à cet ami de saint Augustin, entraîné aux combats du cirque, tout à coup goûtant leur fureur et jouissant de leur barbarie.
Le 16 octobre 1793 parlera aux philosophies humaines. Il s'élèvera contre les cœurs trop jeunes, contre les esprits trop généreux, contre l'armée de ces Condorcet qui meurent sans vouloir renier l'orgueil de leurs illusions. Il avertira les systèmes de leur vanité, les rêves de leur lendemain. Il montrera le fait à l'idée, les passions aux doctrines, à Salente le bois des Furies, aux utopies l'homme.
Ce jour enfin rappellera l'Histoire à la modestie de ses devoirs. Il lui conseillera un ton plus prudent, une raison plus humble. Il lui enseignera qu'il ne lui appartient point de flatter l'humanité, de la tenter, d'exaspérer ses présomptions, de solliciter ses impatiences, et de l'appeler, en l'enivrant de mots, aux aventures d'un progrès continu et d'une perfectibilité indéfinie.

Joli

Tout ceci est issu de ces mémoires de Joly?

La première citation est issue de l'ouvrage des frères Goncourt ... un peu fantaisiste quant à la vraisemblance , car comment la Reine aurait-Elle pu repasser Elle-même Son bonnet? Pourquoi aurait-Elle souhaité aller à la mort la tête nue?

Bien à vous.

Majesté a écrit:

La première citation est issue de l'ouvrage des frères Goncourt ... un peu fantaisiste quant à la vraisemblance , car comment la Reine aurait-Elle pu repasser Elle-même Son bonnet? Pourquoi aurait-Elle souhaité aller à la mort la tête nue?

Bien à vous.

En signe de deuil, peut-être ? Sais pas... Je suggère... je me suis toujours demandé la raison d'être de cette affirmation, moi aussi.

Oui en effet c'est assez troublant... mais pourquoi pas ?! En effet ce texte viens des frères Goncourt.

Majesté a écrit:

La première citation est issue de l'ouvrage des frères Goncourt ... un peu fantaisiste quant à la vraisemblance , car comment la Reine aurait-Elle pu repasser Elle-même Son bonnet? Pourquoi aurait-Elle souhaité aller à la mort la tête nue?

Bien à vous.

Non, ça ne tient pas la route !