La nuit du 5 octobre, déroulement des faits

Nous connaissons la fameuse scène du balcon, qui eut lieu le 6 octobre 1789 à Versailles, lorsque Marie-Antoinette a été obligée de se montrer sur le balcon de la cour de marbre devant le peuple en colère.
Il y a plusieurs versions de cette scène : celle où elle vient directement seule au balcon, celle où elle vient accompagnée de ses deux enfants Marie-Thérèse et Louis-Charles et enfin celle où elle vient juste avec Louis-Charles...la plus répandue étant celle où elle se trouve avec ses deux enfants.
D'après Esterhay, qui ne précise pas comment il a eu cette information donc prudence, elle n'aurait emmené que Louis-Charles avec elle.....

Toujours est-il que pendant cet instant, une fois seule au balcon, elle a réussi à subjuguer toute une foule en furie, juste avec une révérence et un regard sûr...personnellement je pense que les personnes capables de ça se comptent sur les doigts d'une main...

Tiens ? Je ne connais que deux versions, moi... la plus courante, rapportée par les historiens, qui veut qu'elle se soit présentée avec ses enfants, que la foule ait crié "point d'enfants", et qu'elle les ai repoussés vers l'intérieur pour rester seule face à la meute où pointaient quelques gueules de fusils.

Elle tenait les bras croisés sur sa poitrine, ce qui peut correspondre à plusieurs gestes, quand on essaie de visualiser la scène, mais signifie toujours une attitude de retrait, voire de défense.

Elle a ensuite effectué une révérence de cour. Pourquoi ? Avec cette pointe de crânerie qui caractérisera Marie Antoinette jusqu'au bout ?

Une autre version que je connais la fait paraître d'emblée seule. Mais elle n'est donnée que par le docu canadien, je crois.

Seule avec le dauphin, Chou ? Ne serait-ce pas une erreur de la part d'Esterhazy ?

Il y a aussi la version orchestrée par La Fayette qui baiserait la main de la Reine et apostropherait de la sorte la populace :
"La Reine a été trompée, et elle promet d'être fidèle au peuple comme Jésus-Christ à son Eglise!"
Si je ne l'avais lu que récemment ,j'aurais pu croire à une invention rocambolesque de PPDA, mais c'est les propos que tenait Guy Tréjean qui incarne le général dans le film de Delannoy avec Michèle Morgan...Alors ?

Bien à vous.

Citation :

Seule avec le dauphin, Chou ? Ne serait-ce pas une erreur de la part d'Esterhazy ?

Ben Esterhazy ne parle que du Dauphin en effet...mais il a peut être oublié Madame Royale c'est possible...
Il est vrai que Marie-Antoinette n'hésitait pas à paraître avec le Dauphin, pour essayer de montrer le futur Roi au peuple et de l'attentrir, comme lors du 20 Juin 1792 aux Tuileries par exemple...mais pour le 6 Octobre 1789, je trouve aussi plus logique (et plus répandu par les historiens) qu'elle avait sa fille avec elle aussi...

Citation :

Il y a aussi la version orchestrée par La Fayette qui baiserait la main de la Reine et apostropherait de la sorte la populace :
"La Reine a été trompée, et elle promet d'être fidèle au peuple comme Jésus-Christ à son Eglise!"

:quoi1:  Celle là on peut l'oublier je pense

Lescure nous décrit de manière très précise le déroulement de ces 2 journées noires pour la famille royale.
Un point qui m'a assez frappé et auquel je n'avais pas fait vraiment attention, c'est le temps qu'à mis La Fayette pour rejoindre Versailles le 5 Octobre.
Selon la plupart des sources, la foule de Paris, constituée principalement de femmes, mais avec quelques hommes déguisés en femme, est arrivée à Versailles vers les 17-18 heures.
La Fayette aurait été témoin dès leur rassemblement à Paris, en début de journée, de ce qu'il s epassait, mais il a pris le temps de réunir 20.000 hommes armés avant d'aller secourir le Roi. Résultat : il est arrivé à Versailles avec son armée vers 23h30-minuit : le Roi avait déjà eu à accueillir 12 femmes à Versailles pour leur signer un engagement en ce qui concerne le pain, et ses quelques gardes aux entrées de Versailles avaient déjà été plus ou moins massacrés, étant donné qu'on leur avait donné l'ordre de ne pas tiré sur la foule.
A partir de là, on peut comprendre que dès le soir du 5 Octobre, Louis XVI et Marie-Antoinette ont commencé à douter des compétences de La Fayette. Surtout quand ce dernier leur promet par la suite de les protéger sans bavures jusqu'au départ de la foule, lui qui avait avant déclaré :"Sire, j'ai préféré venir à vos pieds avec vingt mille hommes armés plutôt que de périr en place de Grève". Et quand on voit son inefficacité lors du lendemain...à partir de là on comprend tout à fait le dégoût de la famille royale pour cet homme...

Au passage Lescure nous donne le nom des deux malheureux gardes du corps décapités au matin du 6 Octobre, et dont la tête a été trimballée au bout d'une pique jusqu'à Paris, aux cotés de la voiture de la famille royale : il s'agit de Messieurs des Huttes et de Varicourt

Le sobriquet de Général Morphée n'est effectivement pas volé par La Fayette, car en plus de ce que tu rappelles, Chou, le lendemain matin, il ne se présente à la famille royale qu'après l'invasion du château par la foule qui a été repoussée à l'extérieure, dans la Cour de marbre...

Bien à vous.

Un très beau témoignage de Rivarol (je ne connaissais pas cet homme...) en ce qui concerne "la magie" Marie-Antoinette lors de cette scène du balcon :
"Son génie redressa tout à coup l'instinct de la multitude égarée, et s'il fallut à ses ennemis des crimes, des conjurations et de longues pratiques pour la faire assassiner, il ne lui fallut à elle qu'un moment pour se faire admirer...".

Et que c'est vrai...

Chou d'amour a écrit:

Un très beau témoignage de Rivarol (je ne connaissais pas cet homme...)

Le Comte Antoine de Rivarol (1753-1801) , d'origine italienne ( Sophie ) est un pamphlétaire royaliste à qui l'on doit cette citation que j'apprécie :
"La raison est historienne, mais les passions sont actrices."

Bien à vous.

Cette citation est sublime, Chou ! Merci !

Tiens, puisqu'on parle de cette scène du balcon, Donner en donne une interprétation très personnelle dans son "roi sans lendemain".

Je me suis toujours demandé à quel geste correspondait ces "bras croisés sur la poitrine" que la reine avait en passant sur le balcon. Eh bien, pour Donner, c'est un geste réfléchi, celui du sacrifice à la grecque. Il voit ainsi en Marie Antoinette, que l'on savait amoureuse de comédies, une authentique tragédienne. Il la fait d'ailleurs boîter "de la même jambe que Sarah Bernhardt".

Or, quelle jambe a-t-on amputée à Sarah Bernhardt???
J'ai quelques livres sur la tragédienne, je pourrais le retrouver

Bien à vous.

Je n'arrive pas à trouver la précision par écrit...cependant d'après une photographie, il semble que ce soit sa jambe droite qu'on lui ait coupée...

Bien à vous.

C'est la jambe droite.

Citation :

A 60 ans passés, la “divine Sarah” se blesse au genou droit en sautant du parapet dans la scène finale de Tosca. La gangrène s’installe : dix ans plus tard, l’actrice est amputée. Elle affrontera l’opération avec un rare courage et refusera de laisser son handicap mettre fin à sa carrière : la mort la surprend en 1923, en plein tournage d’un film.

Or, il me semblait que Marie Antoinette souffrait de la jambe gauche. Peut-être parce qu'elle est droitière, et que c'est alors son côté le plus fort. En considérant que c'est une vraie de vraie droitière, bien sûr...   A vrai dire, je n'ai jamais lu d'information étayée sur le sujet. Il est tout aussi problable que notre reine ait souffert de la jambe droite, elle aussi.  

Mais, je ne crois pas qu'il faille prendre la métaphore de Donner au pied de la lettre, Majesté. Il écrit "elle boîtait de la même jambe que Sarah Berhnardt" parce que c'est plus beau stylistiquement que "elle boîtait comme Sarah Bernhardt", à mon avis.

D'ailleurs, il la fait boîter jusqu'à la petite chambre de Fersen, tout là haut, tout là haut... le 6 octobre, à sa sortie du balcon ! C'est dire si ses renseignements sont fiables !  

Mais je trouve l'interprétation intéressante. Marie Antoinette mains jointes sur la poitrine pour s'offrir en sacrifice. Je ne le vois pas comme ça... Mais ça donne à réfléchir...

Tiens, puisqu'un parle d'elle...



Quelle allure ! Et quelle époque...  

Citation :

Le Comte Antoine de Rivarol (1753-1801) , d'origine italienne ( Sophie ) est un pamphlétaire royaliste à qui l'on doit cette citation que j'apprécie :
"La raison est historienne, mais les passions sont actrices."

Ah merci

Tu as raison cette citation est fort appréciable et très juste

Une anecdote touchante montrant encore une fois l'extrême bonté de Marie-Antoinette, et sa faculté du pardon : en 1790, peu après la communion de sa fille, elle fit à la députation du comité de l'Assemblée, qui recherchait les fauteurs des 5 et 6 Octobre, cette réponse admirable :
"Je ne serai jamais délatrice d'aucun de mes sujets. J'ai tout vu, j'ai tout su, et j'ai tout oublié."
Voilà ce que j'en pense :

Oui, je trouve cette réponse superbe aussi.

J'étais devant ce balcon hier, les porte-fenêtres de la chambre du roi furent légèrement ouvertes et la cour du marbre baignait dans un beau soleil. Le balcon lui-même me semblait bien étroit, pas de place pour mettre plusieurs personnes en même temps.

Ben...d'après certains Lafayette se trouvait sur le balcon aussi...mais sinon quand Marie-Antoinette y est venue avec ses enfants, qui n'étaient pas bien grands, ça devait passer je pense...

La Fayette et le roi s'y sont tenus tous les deux, aussi. Ca fait déjà plus imposant...

Oui c'est sûr que la petite Mousseline ou le petit Chou d'amour à côté d'eux...tout juste s'ils dépassaient de la rambarde

En ce 6 Octobre, triste jour (d'ailleurs il pleut c'est un signe ), un article est paru dans le nouvel Obs, sur cette même journée de l'année 1789 :

La nuit froide et pluvieuse du 5 au 6 octobre 1789 marque la fin d'une époque. C'est en effet la dernière nuit que la monarchie passe à Versailles. La veille, tandis que le roi pratiquait son passe-temps favori, la chasse, et que Marie-Antoinette se divertissait au Petit-Trianon, l'agitation grondait à Paris: le pain manquait. Une horde de femmes en colère, hurlant des slogans hostiles à la monarchie, était partie de l'Hôtel de Ville pour Versailles afin de demander des subsides au roi. Cette foule déchaînée était suivie par la Garde nationale en armes, ayant à sa tête le général Lafayette. Arrivées dans la soirée, les femmes avaient obtenu du roi la promesse d'avoir du pain. D'autre part, le roi avait accepté de sanctionner enfin les décrets élaborés après la nuit du 4 août. Mais ni le peuple ni la Garde nationale ne s'étaient dispersés après ces promesses. Louis XVI restait populaire, mais on déplorait qu'il fût mal conseillé par la cour. La foule campa donc sur place. A l'aube, des émeutiers s'introduisirent dans le palais et pénétrèrent dans les appartements de la reine, tuant quelques gardes du corps au passage. La reine n'eut que le temps de se réfugier chez le roi. C'est la Garde nationale qui rétablit l'ordre. Le roi était en position de faiblesse et la famille royale fut obligée de se montrer au balcon. La foule mêla à ses ovations l'ordre que le roi s'installe à Paris. Le souverain dut s'incliner. Tandis que le canon tonnait, un immense cortège se forma qui ramenait à Paris "le boulanger, la boulangère et le petit mitron". Le roi s'installa donc aux Tuileries. Cet événement marque un tournant dans la Révolution: depuis 1682, le gouvernement siégeait à Versailles. Le peuple ajoutait une nouvelle victoire à ses acquis: ramener le souverain dans la capitale.

C'est fou... cet article fait par endroit preuve d'une immense précision :

Citation :

Marie-Antoinette se divertissait au Petit-Trianon

Il y a pourtant différents témoignages. L'un rapporte qu'elle s'est plainte de l'absence de Madame de Polignac, cette après-midi-là. L'autre qu'elle était seule dans sa petite grotte... Aucun, en tout cas, qu'elle se divertissait...

Puis, à d'autres endroits, on devient tout à coup vague :

Citation :

Une horde de femmes en colère

Et les hommes déguisés en femmes, ils sont où ? Les meneurs, qui chauffaient les autres ? Ceux qui avaient été payés par le Palais Royal et consorts ?

Ah Pim t'es dure là!

Ce n'est qu'un article du nouvel Obs, faut pas trop leur en demander non plus

Mais dans l'ensemble le gros y est...ils n'ont pas mis Lafayette avec les poissardes

Oui, comme tu dis, "le gros y est" : ils montrent Marie Antoinette en train de se divertir ! Si c'est pas de la désinformation, ça, qu'est-ce que c'est ? Elle a perdu ses proches amis, elle a perdu deux de ses enfants, elle vient de voir agoniser et mourir son fils dans les pires souffrances... A la vérité, elle se divertit plus beaucoup, Marie Antoinette, en automne 89...

Ah j'avoue que ce passage ne m'a pas choqué, dans le sens où l'auteur ne dit pas qu'elle se divertissait tout le temps, mais juste qu'elle se divertissait quand l'alerte a été sonnée à Versailles...nous savons qu'elle était dans sa grotte à ce moment là...et..selon moi elle se reposait, avec des soucis certes, mais elle ne travaillait pas non plus

Mais ce n'est pas innocent... Ils auraient pu dire : "Marie Antoinette était au petit Trianon", ou même "se reposait au petit Trianon", j'sais pas, moi... "se promenait au petit Trianon"... Mais, non, ils ont glissé subrepticement une image subliminale de la fofolle : "Marie Antoinette se divertissait au petit Trianon". Et nous replongeons à corps perdus dans les clichés éculés !

Ce que je veux dire, Chou, c'est que la désinformation ne tient qu'à un mot, choisi au lieu d'un autre, et qui colore toute la phrase en teintes plus marquées que celles de la neutralité.

Et, d'abord, petit Trianon, y'a pas de tiret !