Paris, 10 novembre 1697
Vous aurez appris que la paix a été signée avec l'empereur et l'empire; c'est un grand acheminement vers la paix générale.
Je ne crois pas que la guerre éclate en Pologne, car il n'est pas sûr que notre prince de Conti y aille, et il pourrait bien y renoncer, ce que j'estimerais beaucoup plus heureux pour lui que la couronne de Pologne; c'est un pays sauvage et sale, et les grands y sont trop ambitieux.
Nous avons eu ici, pendant deux mois, l'électeur de Saxe, de sorte que je connais bien sa force; mais il est étonnant qu'on en parle dans les journaux.
On ne pourrait pas en dire autant du prince de Conti; car, quoiqu'il soit de plushaute taille que l'électeur, il est tout à fait faible.
A ce que je vois, vous aimez le jeu aussi peu que moi; l'ombre est ici très à la mode ; on ne joue que ce jeu et le lansquenet.
La danse est passée de mode; mais elle pourrait bien y revenir, car la nouvelle duchesse de Bourgogne l'aime beaucoup.
Je suis ici souffrante, et j'ai gardé la chambre pendant huit jours, ce qui ne m'étonne pas, car à Paris je ne peux être en bonne santé.
J'en fais l'expérience depuis vingt-six ans; mais on m'appelle en ce moment pour aller à l'église, car il est dimanche; monsieur le Dauphin viendra ensuite dîner avec nous et jouer au lansquenet.
Le soir, nous irons à l'Opéra voir une pièce nouvelle; ce n'est qu'un ballet, mais il est fort joli; il a pour nom Y Europe galante '.
On y voit comment les Français, les Espagnols, les Italiens et les Turcs font l'amour; l'humeur de chaque nation y est représentée d'une façon fort divertissante.