Jeudi 23, à Versailles.
M. de Seignelay entra chez le roi qui étoit encore dans son lit et lui apporta des lettres de M. de Lauzun qui arriva mardi matin à Calais, ayant emmené avec lui la reine d'Angleterre et le prince de Galles que le roi d'Angleterre lui confia, la nuit du dimanche au lundi.
Il y avoit plus de quinze jours que ce projet-là étoit fait. Milord Povits, mari de la gouvernante, avoit emmené secrètement le prince de Galles de Portsmouth à Londres, et l'avoit caché dans une mauvaise maison d'un faubourg.
Il y avoit soixante personnes qui étoient du secret et à qui l'on n'avoit pu s'empêcher de le confier.
Le roi d'Angleterre se coucha avec la reine le dimanche à son ordinaire, et la fit relever une heure après pour la mettre entre les mains de M. de Lauzun qui la vint attendre à la porte dela chambre.
Il l'a fit monter en carrosse avec lui, et ensmte ils allèrent prendre le prince de Galles avec sa nourrice et la remueuse.
Ils avoient des relais de carrosse jusqu'au dessous de Graves! ngue , où ils montèrent dans un yacht qui attendoit M. de Lauzun; et le capitaine ne savoit point qui il menoit, et même M. de Lauzun, qui avoit avec lui un Anglois pour lui expliquer les commandements que feroit le capitaine du yacht, avoit ordre du roi d'Angleterre de le poignarder en cas qu'il voulût faire quelque manœuvre contraire au dessein qu'on avoit d'arriver à Calais ou à quelque port de France.
Saint-Victor, qui avoit toujours été du secret, avoit suivi le carrosse seul à cheval.
Milord Povits et sa femme avoient pris les devants et joignirent la reine dans le yacht, où la reine fut toujours cachée à fond de cale, et où elle étoit entrée portant le prince de Galles sous son bras comme un paquet de linge sale. L'enfant n'a point crié ni dans le carrosse ni dans le yacht, et tout s'est conduit fort heureusement et fort habilement.
La reine, arrivant à Calais, n'a point voulu qu'on lui fît aucuns honneurs.
M. de Lauzun mande au roi que le roi d'Angleterre lui avoit donné ordre de ne remettre la reine qu'entre ses mains, et qu'il étoit bien malheureux de ne pouvoir exécuter cet ordre, n'ayant pas la permission de se présenter devant S. M. Le roi lui a fait réponse de sa propre main, lui a écrit une lettre très-obligeante, et lui permet de revenir à la cour.
Le roi même a dit à ses ministres durant le conseil: « Il sera bien surpris et bien aise de « voir de mon écriture ; autrefois il y étoit accoutumé »
Le roi a envoyé un de ses gentilshommes ordinaires à la reine d'Angleterre pour se réjouir de son heureuse arrivée; et S. M. fera partir incessamment des carrosses, des gardes et toutes sortes d'officiers pour servir la reine.
On meuble Vincennes pour la recevoir.
Monsieur le Premier conduit la maison comme son père l'avoit conduite en pareille occasion, allant au-devant de la feue reine d'Angleterre.
Le roi a écrit à Mademoiselle de Montpensier, qui est retournée à Paris depuis quelques jours, qu'il faisoit revenir M. de Lauzun à la cour; qu'elle n'en devoit pas être fâchée, et qu'il n'avoit pu s'empêcher d'accorder la permission de le voir à un homme qui venoit de faire une action si heureuse et si importante. — Il n'y eut le soir ni appartement ni comédie.
Le roi a signé ce matin le contrat de mariage d'un de ses maîtres d'hôtel, nommé Courchamp, avec mademoiselle Guéry, femme de chambre de madame la Dauphine.
Les fiançailles se feront chez madame d'Arpajon; l'ordre est que les femmes de chambre se fiancent chez la dame d'honneur.
M. d'Avaux a salué le roi ce matin, revenant de son ambassade de Hollande.
Le change des ambassadeurs se devoit faire à Quiévrain, entre Mons et Valenciennes, mais M. de Staremberg, ambassadeur d'Hollande, a prié qu'on le laissât encore pour quelques jours à Paris, et l'on envoya ordre à M. d'Avaux de ne point s'arrêter à Mons et de revenir droit ici.
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Dim 23 Déc - 16:32
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