globule Administrateur
Nombre de messages : 2229 Date d'inscription : 04/10/2017
| Sujet: La Toinettomania Ven 28 Déc - 22:22 | |
| Un article qui date un peu (2010) mais qui reste d'actualité, signé Annie Duprat, spécialiste du sujet. Au printemps 2006, à la sortie du film de Sofia Coppola, Marie-Antoinette, la France entière a semblé être prise d'une folle passion pour la représentation cinématographique qui leur était offerte, celle d'une pauvre jeune fille adolescente - pendant dix-neuf ans quand même - entre 1770, date de son arrivée en France, et octobre 1789, date de son départ contraint, et sans retour, pour Paris. Plusieurs dizaines de livres ont été édités ou réédités alors, des sites Internet lui sont dédiés, des milliers de pages de magazines ont été consacrés au « goût Marie-Antoinette », que ce soit dans le domaine des arts décoratifs, de la musique ou de la mode. De Bordeaux à Paris, en passant par Versailles, plusieurs expositions ont conforté le public dans l'idée que cette jeune et jolie reine était une adorable personne, victime de la vindicte de la racaille populaire parisienne. Cette Toinettomania a recouvert l'histoire de France et occulté les racines profondes de la Révolution française. Pareil engouement pour un personnage, très réussi dans le cadre de l'écriture cinématographique, nous révèle la profondeur de l'esprit people dans une société hypermédiatique, soumise à la double dictature de l'image et de la vitesse. On se pose parfois la question de la peopolisation de la politique : transformer Marie-Antoinette en star people ou en Lady Di, revient à peopoliser l'histoire. La monarchie française, au siècle des Lumières et des philosophes, est encore absolue et de droit divin ; lors de la cérémonie du sacre, le roi prête plusieurs serments, dont celui de défendre l'Église, de conserver l'intégrité du royaume et de protéger ses sujets. Ces engagements appartiennent au registre du sacré. La reine, dont la fonction essentielle est d'assurer la pérennité de la dynastie en mettant au monde des héritiers, n'est pas sacrée. Mais sa présence dans la basilique de Reims souligne son importance. Loin d'être une quelconque icône de la mode ou une fashion victim, comme les libelles du temps l'ont décrite avec malveillance et perfidie et comme les gazettes d'aujourd'hui nous la présentent avec bienveillance et admiration, Marie-Antoinette est une reine de France encore méconnue, sans doute parce que trop montrée, racontée, exaltée ou décriée. Il y a plus de deux cent cinquante ans naissait Marie-Antoinette, fille de Marie-Thérèse, impératrice d'Autriche. Otage de considérations diplomatico-dynastiques d'une très haute importance (le fameux « renversement des alliances »), elle est offerte à la France pour devenir l'épouse du dauphin, le futur Louis XVI. La Révolution les conduit en 1793, à quelques mois d'intervalle, sous le couteau de la guillotine. La mémoire du couple royal qui s'est progressivement construite depuis lors a emprunté des chemins très différents : tandis qu'une vulgate ancienne, pourtant balayée depuis longtemps à la fois par la lecture des mémorialistes et par les travaux de la recherche scientifique ultérieure, continue à colporter l'image d'un roi balourd, tout juste capable de faire des serrures et d'aller à la chasse, les représentations de la reine ont longtemps oscillé entre deux pôles : l'Autrichienne, femme de pouvoir, intrigante et dédaigneuse, et la reine des plaisirs, séductrice, frivole, limite sotte, « tête à vents » pour reprendre la formule de sa mère. Aujourd'hui, la Toinettomania tend vers cette dernière image, mais sans connotation négative. Il est presque impossible de raconter une « vraie » Marie-Antoinette. Il y a eu en fait des Marie-Antoinette successives : une petite fille, Marie-Antonia que l'on appelait Antoine, quinzième enfant de Marie-Thérèse et de son époux François Ier de Lorraine, jeune archiduchesse, convaincue de la supériorité de la maison des Habsbourg sur celle des Bourbons, partie pour devenir la dauphine de France sous le nom de Marie-Antoinette, puis une jeune reine enjouée et séductrice mais contrôlée de près par les espions de sa mère car elle était la garante de l'alliance autrichienne. Lorsque la Révolution éclate, une nouvelle reine apparaît : la femme frivole a laissé la place à une femme dure, hautaine, que tous les événements révolutionnaires choquent profondément. Admise au conseil du roi - une autre révolution à Versailles au sein de la grande Révolution française - elle y fait part de son rejet absolu de tout ce qui se passe, alors que Louis XVI adopte une attitude plus conciliante ou, à tout le moins, attentiste. Rien de semblable chez son épouse qui, à aucun moment, ne transige avec les principes monarchiques et catholiques romains dans lesquels elle a été élevée. Elle choisit même de ne s'entretenir avec aucun prêtre avant son exécution, puisqu'on ne lui présente qu'un prêtre constitutionnel ! On est loin de la jeune femme intéressée par son propre reflet dans les yeux des hommes, par les jeux, la danse et la mode... _________________ - Je ne vous jette pas la pierre, Pierre -
|
|
soho23
Nombre de messages : 321 Date d'inscription : 01/12/2018
| Sujet: Re: La Toinettomania Ven 28 Déc - 22:24 | |
| - globule a écrit:
- Un article qui date un peu (2010) mais qui reste d'actualité, signé Annie Duprat, spécialiste du sujet.
Annie Duprat a écrit de bons livres sur Marie-Antoinette. _________________ London bridge is falling down
|
|
soho23
Nombre de messages : 321 Date d'inscription : 01/12/2018
| Sujet: Re: La Toinettomania Ven 28 Déc - 22:37 | |
| Alors là j'ai de la lecture pour toute la soirée ! _________________ London bridge is falling down
|
|
Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: La Toinettomania | |
| |
|