Le Boudoir de Marie-Antoinette

Prenons une tasse de thé dans les jardins du Petit Trianon
 
AccueilAccueil  PortailPortail  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
Le Deal du moment : -28%
Précommande : Smartphone Google Pixel 8a 5G ...
Voir le deal
389 €

 

 Les Lumières, matrice de l'idée européenne ?

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
pimprenelle

pimprenelle


Nombre de messages : 40562
Date d'inscription : 23/05/2007

Les Lumières, matrice de l'idée européenne ? Empty
MessageSujet: Les Lumières, matrice de l'idée européenne ?   Les Lumières, matrice de l'idée européenne ? Icon_minitimeMer 2 Jan - 19:37

A l'heure où on a failli perdre la Grèce, l'Italie, le Portugal, où l'Angleterre s'apprête à quitter le navire, où des voix de plus en plus virulentes s'élèvent contre la construction européenne trop technocrate, trop inhumaine... il n'est sans doute pas inutile de revenir aux racines de ce mouvement convergent. Wink

Comment l'idée d'Europe a-t-elle pu germer avant l'existence des nations ? Le XVIIIe siècle a-t-il vu la naissance de l'intellectuel européen ? Avant la naissance de l'Europe politique et institutionnelle, retour sur les racines de l'idée européenne en compagnie Kent Wright, historien des Lumières.

Les Lumières, matrice de l'idée européenne ? 838_wr10
Le salon littéraire de Madame Geoffrin, lecture de L’orphelin de la Chine de Voltaire.
Parmi les invités, Montesquieu, Diderot, D'Alembert, Turgot et Marmontel, Anicet Charles Gabriel Lemonnier 1812, Musée des Châteaux de Malmaison et de Bois Préau
• Crédits : Corbis Historical / Josse/Leemage - Getty


A trois mois de l'échéance fixée pour le Brexit, et à cinq mois des élections européennes, le destin de l’Union semble en jeu - pas seulement sa forme, mais son existence même. Toutes les crises existentielles - qui comportent une menace de mort, pour les institutions comme pour les individus - ont un point commun : celui de faire porter l’attention sur la question des origines, de la naissance. Ainsi, si l’on essaie de penser à la fois l’idée moderne d’Europe et les origines de l’UE, on ne peut faire l'économie d'un retour vers le XVIIIe siècle. En effet, que ce soit les pères fondateurs de l'Union - Jean Monnet, Robert Schuman, tous ceux que l'historien britannique Alan Milward a appelés les "saints européens" - ou ses architectes, tous ont convoqué Montesquieu et Voltaire comme source d'inspiration. Alors pour reprendre les termes de Tzvetan Todorov dans son essai L'Esprit des lumières (2006) "Sans l'Europe, pas de Lumières, sans les Lumières, pas d'Europe" ?

Emmanuel Laurentin s'entretient avec Johnson Kent Wright, professeur à l’Arizona State University (Etats-Unis), spécialiste de la pensée politique française à l’époque des Lumières et chercheur associé à l’Institut d’Etudes avancées (IAE) de Nantes.


Bibliographie
Anthony Pagden, The Enlightenment : And Why it Still Matters, Random House, 2013
Ernst Cassirer, Rousseau, Kant, Goethe : deux essais, Belin, 2011
Peter Gay, Le suicide d'une République : Weimar 1918-1933, Gallimard, 1995
Franco Venturi, L'Europe des lumières : Recherches sur le 18e siècle, éditions de l'EHESS, 1972

Podcast : https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/une-histoire-de-lidee-deurope-14-les-lumieres-matrice-de-lidee-europeenne

_________________
rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
Revenir en haut Aller en bas
madame antoine

madame antoine


Nombre de messages : 6891
Date d'inscription : 30/03/2014

Les Lumières, matrice de l'idée européenne ? Empty
MessageSujet: Re: Les Lumières, matrice de l'idée européenne ?   Les Lumières, matrice de l'idée européenne ? Icon_minitimeDim 5 Mai - 11:34

Dans le même ordre idée, voici également un article de fond.

Au XVIIIe siècle, la mise en Lumières de l’Europe

  • Souvent injustement présenté comme une joute philosophique menée par des écrivains prospères reçus à la Cour, le mouvement des Lumières, porté par Voltaire, Montesquieu, Diderot, Rousseau ou Grimm, a profondément marqué la construction intellectuelle de l’espace européen.


Voltaire se croyait admis, fêté et donc respecté. Il est tombé de haut. En janvier 1728, il est à l’Opéra dans la loge de la comédienne Adrienne Lecouvreur, qui a des bontés pour lui. Sans doute agacé par ce marivaudage, le chevalier de Rohan lui fait des réflexions acides, puis finit par lui lancer, pour lui rappeler ses origines roturières : «Arouet, Voltaire, enfin avez-vous un nom ?» La réponse est implacable : «Voltaire ! Je commence mon nom et vous finissez le vôtre !» Le chevalier lève sa canne, puis se ravise.

Quelques jours plus tard, alors qu’il dîne chez son ami le duc de Sully, Voltaire est interrompu par un valet qui le prie de descendre dans la rue pour une entrevue urgente. Sans méfiance, il suit le messager. Sur le trottoir, il est saisi par trois hommes de main qui lui administrent une volée de coups de bâton. Dans un carrosse, une voix crie après quelques minutes : «C’est assez !» La voix de Rohan. Voltaire remonte chez Sully et raconte sa mésaventure, décidé à se faire justice. Une gêne s’installe autour de cette table aristocratique. On l’engage à se modérer, on lui déconseille de s’attaquer à un Rohan. Après tout, suggère-t-on, il n’est pas inhabituel pour un roturier d’être rossé par les laquais d’un grand seigneur. Mortifié, isolé, lâché par ceux qu’il croyait ses amis, Voltaire ne décolère pas. Il va voir la police, prend ses relations à témoin, clame partout qu’il provoquera Rohan en duel et prend même des leçons d’escrime. Tant et si bien que les autorités le font embastiller pour éviter le scandale. Il ne trouve qu’un expédient pour se faire libérer : annoncer qu’il s’exile en Angleterre, ce qui lui est accordé.

Petites causes, grands effets : cette mésaventure donne aux Lumières une impulsion décisive. A Londres, Voltaire fréquente les écrivains, les hommes politiques, étudie les institutions politiques, assiste à l’enterrement de Newton, admiratif devant cette nation qui offre à un simple homme de science des funérailles grandioses. Il en revient quelques années plus tard, frotté d’idées nouvelles, initié aux sciences, sûr que le système politique anglais, fondé sur la séparation des pouvoirs et plus libéral, surpasse de loin la manière française, absolue et vouée à la religion catholique. Il publie les Lettres philosophiques, ou Lettres anglaises, grenade littéraire qui va ébranler les bases de la monarchie et faire pénétrer en France, plus que bien d’autres livres, la philosophie des Lumières.

Respect de la raison

Ce voyage est suivi par bien d’autres, ceux de Voltaire lui-même, mais aussi de Diderot, d’Helvétius, de Grimm, ou bien précédé de la longue errance de Montesquieu à travers le continent, à la recherche du bon système politique. Alliés à la diffusion du livre, qui répand le savoir, ces pérégrinations diffusent, à travers l’Europe, ce grand mouvement de pensée qui bouleverse les idées de l’humanité et fonde, en pensée, les bases de l’Europe d’aujourd’hui : respect de la Raison, libertés publiques, régimes politiques équilibrés, justice humaine, abolition de la peine de mort, politique économique dédiée au développement, ouverture sur le monde, délibération publique, disputes intellectuelles : le mouvement des Lumières.

On le présente souvent comme une joute littéraire ou philosophique, menée par des écrivains prospères reçus à la Cour et chez les Grands, génies du style et de la conversation, combattants de salons, conseillers des princes, sapant à coups de formules assassines et de brillants raisonnements les bases de la tradition et de la religion, publiant avec succès leurs contes et leurs traités, engrangeant leurs droits d’auteurs et défiant des autorités plutôt débonnaires de leurs libelles composés dans des châteaux. On moque volontiers, chez les historiens conservateurs, leurs contradictions : Voltaire entouré de jeunes marquises admiratives pour aligner ses épigrammes contre les privilèges, faisant argent dans la spéculation boursière et vivant à grandes guides dans ses demeures aristocratiques ; Rousseau, abandonnant ses cinq enfants à l’Assistance publique avant de publier l’Emile, son lourd traité d’éducation ; Montesquieu, le libéral seigneur de La Brède, n’osant pas lutter franchement contre l’esclavage qu’il réprouvait en principe ; Diderot, l’athée et l’ennemi de la noblesse, financé par l’autocrate Catherine II de Russie, qui lui rachète sa bibliothèque quand il veut doter sa fille et lui paie d’avance cinquante ans de gages pour qu’il continue à s’en occuper.

La réalité était toute différente. En plaidant pour la raison contre les dogmes catholiques, en s’appuyant sur la science et non sur la religion pour philosopher, en fustigeant la société à ordres, en demandant une justice plus humaine et plus rationnelle, en condamnant les guerres incessantes, en cherchant les voies de la prospérité économique, en affrontant le parti dévot puissant auprès du roi, en louant le modèle anglais d’équilibre des pouvoirs, les philosophes payaient de leur personne. Il fallait ruser avec la censure, échapper aux arrestations, supporter l’exil, risquer à chaque phrase la prison, l’amende, ou le bannissement. Souvent la seule solution pour écrire librement était de publier à l’étranger, sous pseudonyme, ou bien de chercher la protection d’un puissant, séduit par leur talent et la force de leur pensée. Voltaire fit fortune par goût du luxe, certes, mais aussi et surtout pour gagner l’indépendance que des mécènes inconstants lui auraient refusée. Rousseau, en dépit de son succès immense, choisit pour la même raison une vie austère et misérable dans des masures perdues dans les bois, survivant en copiant de la musique, plutôt que de se soumettre au bon plaisir d’amis fortunés. Pour publier
l’Encyclopédie, Diderot dut multiplier les chicanes et les détours que lui imposaient les censeurs inspirés par l’Eglise. La sociologie, disent aujourd’hui certains universitaires, «est un sport de combat». Un combat où les coups ne sont pas portés et où l’on ne risque ni ses deniers ni sa liberté. Le vrai combat fut celui de ces philosophes de la liberté, révulsés, d’abord, par les injustices, les cruautés, les archaïsmes de la société d’Ancien Régime qui reposait sur les intangibles préceptes de la religion et de la tradition aristocratique et qu’il fallait combattre par le brio et la profondeur du savoir.

Phénomène européen, à coup sûr. L’affaire commence sans doute en Angleterre, refuge de Voltaire, dès le siècle précédent. Elle doit beaucoup à trois penseurs, un Anglais et deux Ecossais. John Locke, d’abord, est un philosophe, un économiste et un historien. Médecin et philosophe, fonde la pensée rationaliste moderne dans la lignée de Descartes et s’oppose à l’absolutisme alors dominant en Europe. Protégé par le comte de Shaftesbury, il consacre sa vie à la médecine et à l’étude, écrivant plusieurs traités fondamentaux qui vont servir de base aux conceptions rationnelles et limités du pouvoir politique, réfutant Hobbes et sa doctrine de l’Etat tout-puissant. David Hume, ensuite, inaugure la philosophie empirique qui marquera profondément la pensée anglo-saxonne et se répandra dans toute l’Europe. Il voyage d’abord en France, avant de retourner dans son pays et publier plusieurs ouvrages fondamentaux sur les sciences, la philosophie et la politique, qui auront une profonde influence sur le plus grand philosophe de la fin du XVIIe siècle, l’Allemand Emmanuel Kant, professeur à Heidelberg. Enfin, Adam Smith, premier économiste libéral, sera à l’origine des grands débats qui agiteront le siècle autour du libre commerce, de l’entreprise et du rôle d’un Etat moderne en économie. L’extraordinaire talent pédagogique de Voltaire assurera la diffusion de toutes ces idées en France, où le mouvement des Lumières connaît sa plus grande gloire, jusqu’auprès des souverains de toute l’Europe, Frédéric II en Prusse, Joseph II en Autriche, Catherine II en Russie, même si ces «despotes éclairés» n’écoutèrent pas toujours, loin de là, les prescriptions libérales et modérées qu’on leur dispensait. A cela il faut ajouter l’œuvre de Spinoza, polisseur de verres à lunettes en Hollande, qui renouvelle la philosophie, ou de Cesare Beccaria, penseur italien qui publie, à 26 ans, sous l’influence des Lumières, un traité
Des délits et des peines qui va poser les fondements de la justice moderne, ou encore les écrits de l’Allemand Grimm, du Suisse Helvétius ou encore, plus romanesque encore, la longue errance de Rousseau entre Genève et Paris, modèle de méditation transfrontière.

L’éclat de style

C’est ainsi que se constitue, à l’échelle du continent, un extraordinaire réseau international d’idées, de Pologne en Espagne, d’Ecosse en Italie, avec ses livres traduits en plusieurs langues, ses libelles, ses pamphlets qui parcourent l’Europe, ses salons, comme ceux de Mme du Deffand ou de Mme Geoffrin à Paris, ou celui de Voltaire à Ferney, près de la frontière suisse, où l’on vient de tous pays, sa chaîne de protecteurs aristocratiques séduits par la force des raisonnements et l’éclat du style des philosophes, ses imprimeurs qui accueillent, en Hollande ou en Belgique, les ouvrages mis à l’index par les pouvoirs royaux ou ecclésiastiques.

Ce mouvement avait pris corps à la Renaissance, quand les sciences, les voyages, les découvertes avaient commencé de miner l’ancienne conception du monde modelée par la religion et par l’héritage du monde féodal. La Raison, cet acide redoutable, rongeait les préjugés anciens par sa logique, mais aussi par la force de l’exemple - les aberrations de la société à ordres, les cruautés de la justice royale, les humiliations infligées aux gens de peu. Elle frappait les esprits indépendamment des origines de classe, ralliant les caractères rebelles, les têtes originales, les aventuriers, comme Mirabeau ou La Fayette, et les hommes d’entreprise. Les idées des Lumières, en consacrant par le verbe la liberté, en montrant la voie de l’égalité, bousculaient à terme les intérêts de toutes les classes, les nobles délégitimés par le principe du mérite personnel, les prêtres attaqués dans leurs convictions essentielles, les bourgeois eux-mêmes, que l’aspiration égalitaire troublerait bientôt, les souverains enfin, dépouillés des protections de l’absolutisme par l’idéologie de la séparation des pouvoirs et de l’
Habeas corpus. Montesquieu, Voltaire, Diderot, Grimm, d’Alembert voulaient une monarchie constitutionnelle respectueuse des monarques, tout comme une religion déiste renvoyée à la conscience individuelle, qui s’accommodait d’un catholicisme dominant mais moins impérieux, tolérant avec les autres religions et autorisant la liberté de pensée.

L’universel

D’autres, entraînés par la force de leurs idées, allaient beaucoup plus loin. Paul-Henri Thiry d’Holbach et Diderot professaient un athéisme qui leur semblait le prolongement naturel du règne de la Raison, frappant la religion d’Etat à son fondement même, dans une attaque hautement subversive. Rousseau enfin, aux intuitions radicales, théorisa le régime de souveraineté populaire et de démocratie qui allait, quelques décennies plus tard, fournir leurs armes intellectuelles aux révolutionnaires jacobins.

Issues d’une classe particulière - mi-bourgeoise, mi-aristocratique - dans des circonstances particulières - l’ébranlement de l’absolutisme européen et de la religion toute-puissante -, les Lumières européennes atteignirent à l’universel. Elles ont fourni leurs armes aux révolutions populaires du XIXe siècle en Europe, aux mouvements démocratiques en Amérique latine, en Chine ou en Russie, et même aux révoltes anticoloniales du XXe siècle. Leur puissance intellectuelle les a prolongées jusqu’à aujourd’hui, pour demeurer la base philosophique des démocraties contemporaines et la référence principale de cette Union européenne dont on dit tant de mal, mais qui a créé un espace politique et culturel conforme aux anticipations du mouvement des Lumières, une Europe du droit telle que la rêvait, deux siècles plus tôt, l’Union européenne de la philosophie.


Laurent Joffrin
https://www.liberation.fr/

Bien à vous

madame antoine

_________________
Plus rien ne peut plus me faire de mal à présent (Marie-Antoinette)
Revenir en haut Aller en bas
 
Les Lumières, matrice de l'idée européenne ?
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Vers une fédération européenne : le projet de Matteo Angelo Galdi (1798)
» Recréer la musique européenne du XVIIIe s
» Samedi 20 mai 2017: La Nuit européenne des musées
» Les Cantemir, l’aventure européenne d’une famille princière au XVIIIe siècle
» Fashioning Fashion.Deux siècles de mode européenne 1700-1915

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le Boudoir de Marie-Antoinette :: Contexte social et économique :: Le XVIIIe siècle dans le monde-
Sauter vers: