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 À la galerie Troubetzkoy, où l'on repeint des classiques de l'art

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Chakton

Chakton


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MessageSujet: À la galerie Troubetzkoy, où l'on repeint des classiques de l'art   À la galerie Troubetzkoy, où l'on repeint des classiques de l'art Icon_minitimeMer 13 Mar - 7:30

Intéressant comme concept. tongue

  • Fondée en 1978 par le prince Igor Troubetzkoy, unique en son genre, la galerie Troubetzkoy est un ovni dans le paysage artistique parisien : elle vend des reproductions de tableaux tombés dans le domaine public. Pierre Léonforte en dresse le portrait de famille.


Paris, avenue de Messine, VIIIe arrondissement. Parfum romanesque concentré, entre Patrick Modiano et Yves  Navarre. Et cette enseigne inchangée depuis quarante ans : « Galerie Troubetzkoy, répliques de tous tableaux. » Une curiosité absolue, inaugurée en 1978 sous le parrainage de la ­comtesse de Paris, amie de cette famille de princes russes si nombreux et si aventureux qu’ils essaimèrent dans le monde entier dès le XVIIIe siècle.

Ainsi des parents d’Igor Troubetzkoy (né, lui, à Paris en 1912), le fondateur de cette galerie : le prince Nikolaï Nikolaïevitch Troubetzkoy et la comtesse Ekaterina Mikhaïlovna Moussine-Pouchkine sont partis vivre en Californie à l’orée du XXe siècle, où est né leur fils Youri, le frère d’Igor. Là, ils possèdent des milliers d’hectares d’arbres fruitiers, bientôt vendus à un studio de cinéma. Le prince Nikolaï mise ensuite presque toute sa fortune sur une banque russe, dont on sait ce qu’il advient avec la révolution d’Octobre... Réfugiée à Nice, la famille, qui perd ce qui lui restait comme liquidités dans un garage Mercedes fictif, maintient malgré tout un train de vie aisé.

Grands, beaux, intrépides, les frères Troubetzkoy font parler d’eux. Ténébreux et sexy, Youri plaît beaucoup aux dames plus âgées qui hantent le casino de l’hôtel Ruhl, sur la promenade des Anglais. Il veut tourner au cinéma et remporte à 16 ans le concours « Monsieur Cinémonde ». La suite se joue à Hollywood, où les studios se battent pour faire tourner comtesses baltes, archiducs autrichiens, marquis parisiens et aristos russes en exil. ­Engagé par Paramount, doué pour la joie de vivre, Youri – devenu « Youcca » – n’a jamais été un bon acteur, mais il fait une carrière sympathique. On le voit dans de nombreux films muets, au générique sous divers pseudos, selon qu’il tourne à Hollywood ou à Paris avec Douglas Fairbanks, Pola Negri ou Charles Vanel. Puis sous son vrai nom à l’avènement du parlant. Spécialité : les comédies musicales (son ciné-personnage inspirera à Michel Hazanavicius The Artist avec Jean Dujardin).

À la fin des années 1930, les princes russes ne font plus rêver le public américain et Youcca disparaît des écrans. Un temps barman en Alaska, Youri-Youcca finit par rentrer en France. Son frère Igor, monté de Nice à Paris, y est devenu un champion cycliste acclamé. Proche de Félix Youssoupov, ex-« plus bel homme de l’empire russe », Igor sort beaucoup, invité partout et par tous. En 1946, devant le Ritz, il rencontre l’héritière milliardaire américaine Barbara Hutton : le mariage, un an plus tard, fait grand bruit. Marieuse en série barbotant dans le sang bleu depuis ses premières noces, ayant brièvement passé la bague au doigt de Cary Grant avant l’annulaire d’Igor Troubetzkoy, Barbara épousera par la suite une flopée de maris. Resté sportif, Igor s’adonne aux frissons automobiles, pilotant Gordini et Ferrari, côtoyant Juan Manuel Fangio et Maurice Trintignant (le père de Jean-Louis), remportant plusieurs victoires au passage... Retiré des championnats automobiles en 1949, divorcé de Barbara Hutton en 1951, il partage son existence entre son moulin de Gif-sur-Yvette et son appartement situé square de l’Avenue-Foch. Le prince Igor est aussi un peintre qui n’aime pas vendre et préfère acheter, de Dufy à Derain, de Soutine à Van Dongen, de Staël à Kandinsky – peut-être l’influence du cousin Paul Troubetzkoy, génie italien de la sculpture, ou de l’ami, peintre lui aussi, Serge Poliakoff.

Remarié en 1976 avec Christiane Murat, après de ­longues années de vie à deux informelle mais fidèle, voici donc Igor Troubetzkoy aux rênes de cette galerie insolite, ouverte sur un coup de tête. L’idée a été lancée par son ami Gérard Delorme, photographe spécialisé dans les soirées mondaines et gendre de Christiane. La mode est aux affiches et Delorme a imaginé faire mieux que les posters sans passer par la case faussaire : imprimer sur châssis-toile une photo d’œuvres tombées dans le domaine public – « des répliques mochetingues qui ressemblaient à des toiles cirées », se souvient, rieur, le fils adoptif d’Igor, Arnaud Troubetzkoy. Les doigts tachés de peinture, celui qui a renoncé au titre de prince se remémore les ­débuts de la galerie paternelle : « Mon père était déjà âgé de 65 ans. Il était doté de nombreux talents tout en étant assez paresseux. Il avait une sainte horreur de perdre son temps et la seule idée de tenir une galerie lui répugnait. Il avait déjà refusé plusieurs offres financées par des banquiers et des grands marchands. À peine celle-ci ouverte, il s’en est lassé. » Et c’est Arnaud, sorti tout frais de l’université Paris-Dauphine, qui reprend le flambeau, son penchant artistique l’emportant sur sa formation en gestion. Très vite, il en améliore les techniques et élargit les thèmes : plus de trois cents vues de Venise et de Paris, des natures mortes, des portraits du XIXe, des orientalistes... Il conquiert une clientèle internationale.

À la galerie Troubetzkoy, où l'on repeint des classiques de l'art Troube10

  • Caméos chez Scorsese et Soderbergh


Quatre décennies plus tard, le procédé de réplique aux mêmes dimensions que les originaux s’est sophis­ti­qué jusqu’au bluff parfait grâce au numérique. Imprimé sur toile de peintre, le tirage photo haute définition est ensuite repeint à la main par des artistes chevronnés, puis vernis et encadré. En clair, la galerie Troubetzkoy fabrique et vend des copies de tous les tableaux dont les auteurs sont tombés dans le domaine public. Nullement répréhensible : cette reproduction est protégée par la législation encadrant la photographie et non la peinture. Au dos du tableau, un tampon indélébile atteste de la provenance de la copie. Des interdits ? « Oui, répliquer des “modernes” morts il y a moins de soixante-dix ans et les contemporains vivants. En revanche, la galerie a le droit d’accepter de réaliser une reproduction de ceux-ci pour le compte d’un client dont on sait qu’elle ne sortira pas de sa sphère privée. » En cas d’achat pour faire un cadeau, on peut échanger quand ça ne plaît pas, sauf si c’était une commande expresse. De faux Troubetzkoy circulent-ils ? « Non, aucun intérêt. » Ou alors, il faut être très pervers, à l’instar de ce snobisme rare consistant à posséder et collectionner des Troubetzkoy.

Depuis cette première cliente décoratrice qui, chargée d’un hôtel en Arabie saoudite, a passé commande de cent vingt tableaux, la galerie a vendu plus de quarante mille répliques. Ses clients sont autant les particuliers qui, comme pour les bijoux, ont mis les vrais au coffre et exhibent les copies, que ceux qui souhaitent dupliquer un tableau aimé de tous après un héritage dûment partagé. Les plus fourbes le font même auparavant, histoire d’escamoter l’original. Très assidus, certains commissaires-priseurs des grandes maisons d’enchères « offrent » au vendeur d’un tableau de plus de 100 000 euros une reproduction de chez Troubetzkoy.

À leur suite, les décorateurs d’hôtels, le prince Volkonski ou Grégoire Tolstoï sont venus commander des ­répliques des portraits de leurs ancêtres. De ces tableaux, il y en a plein les palaces parisiens et cannois, mais également à Vaux-le-Vicomte, au château de Louveciennes et dans les musées : ­Giverny ou Utrillo-Valadon à Montmartre, par exemple.

Encore est-ce compter sans le septième art. Cézanne et moi, Artemisia, Lautrec, Minuit à Paris, Thomas Crown, Gangs of New York... : la liste des films où ils apparaissent, loués le temps d’une scène, est infinie. Dans Ocean’s Eleven et Ocean’s Twelve, une réplique de Picasso a été vue quinze secondes à l’écran. Pas de quoi créer une émeute pour autant. La meilleure vente de la galerie, c’est Fête flamande de Jan Brueghel, reproduit à plus de soixante exemplaires. Le prix ? 790 euros, cadre compris.

Cet article est à retrouver dans le numéro 66 (mars 2019) de Vanity Fair France.
https://www.vanityfair.fr/

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