22 avril 1683: Bontemps

Bontemps

La discussion s'annonce plus difficile



Bontemps doit renégocier pour trois ans le prix des viandes destinées à plusieurs personnes du château



L'entrepreneur Claude Delapille, veuve du marchand boucher Pierre Dufresne, connaît bien son affaire



Il s'agit d'établir trois tarifs de prix sur lequel les deux parties doivent se mettre d'accord



"Comme vous le savez, ces viandes de bœufs, de mouton et de veau sont destinées en premier lieu pour la suite du roi et mes services, d'autre part pour la ménagerie, la pompe et les gens du château et, enfin, pour les pauvres de la Charité"



"Disons quatre sols neuf deniers pour les premières, trois sols huit deniers pour les deuxièmes et quatre sols quatre deniers pour ces dernières"



" Vous savez que le marché est important et que vous pourrez faire largement votre profit



Ne pouvons-nous envisager des prix moindres?"



Claude Delapille se laisse finalement convaincre et, toujours en présence de Mathurin Lamy, le marché est conclu dans les termes suivants:

"Volontairement (elle) a promis et s'oblige à messire Alexandre Bontemps, conseiller premier valet de chambre ordinaire du roi, intendant des châteaux et parcs, domaines et dépendances de Versailles, et secrétaire général des Suisses et Grisons, à ce présent et acceptant, de fournir et livrer toutes et chacune les viandes de boucherie qui sont bœufs, mouton et veau, qui seront demandées à ladite veuve, et nécessaires tant pour le château dudit Versailles, la ménagerie et la pompe, qu'aux pauvres malades de la Charité dudit Versailles, et ce pendant trois années à commencer du 23ème jour du présent mois



Ce présent marché fait moyennant et à raison, savoir la viande pour mon dit sieur Bontemps, quatre sols six deniers la livre, celle de la ménagerie, de la pompe et des gens du château, trois sols six deniers la livre, qui se doit porter sur le compte de ladite ménagerie, et celle qui se fournira extraordinairement audit château, le roi y étant, aussi quatre sols la livre, toutes lesquelles viandes ladite veuve Dufresne fera porter et peser sur les lieux au fur et à mesure qu'il en sera nécessaire pour lesdites fournitures, à peine de toutes dépenses, dommages et intérêts"



Cela sera tout pour cette fois



Il glisse les nouveaux contrats dans son portefeuille in folio de maroquin rouge orné de fleurs de lys aux quatre coins



Toutefois, le travail est loin d'être terminé lorsqu'il regarde les 11 articles consignés dans le registre de la régie du domaine:



1- Les redevances annuelles dont le domaine est chargé envers quelques églises, curés et particuliers



2- Les réparations et entretiens des maisons et fermes dépendant du domaine


3- La rétribution des religieux (les missionnaires et les récollets)


4- Les gages des officiers de justice et du château, des gardes-chasses des parcs, des Suisses employés aux portes des châteaux et parcs de Versailles


5- Les gratifications à d'anciens officiers et le paiement de logements à des officiers domestiques des maisons royales


6- L'entretien de la ménagerie, des équipages et harnais entretenus par l'ordre du roi pour le service de l'intendance et les salaires des domestiques qui en ont la charge


7- L'entretien d'une charité (en fait une infirmerie) pour les bas officiers et domestiques des maisons royales


8- Les nourriture et paillasses pour les prisonniers de Versailles


9- L'achat de bois à brûler, de cire, de bougies, de suifs et de chandelles, les menues dépenses de balais, de houssoirs, de brosses, de cires à frotter, de vins de messe pour la chapelle, de blanchissage de linge, etc ...


10- Le salaire pour le petit personnel chargé de l'entretien du jardin (enlèvement des mauvaises herbes notamment)


11- La dépense pour les labours et hersages



Tout cela semble avoir été fait un peu de façon empirique et il est vrai que certains articles peuvent surprendre car des dépenses sont imputées à l'intendance alors qu'elles auraient pu l'être à la surintendance générale des Bâtiments, et réciproquement



Mais il a bien fallu défendre ses prérogatives face à l’immense département que dirige Jean-Baptiste Colbert



Fort heureusement, Bontemps a les meilleurs relations du monde avec le secrétaire d’État



Ce qui inquiète cependant toujours l'intendant, c'est de savoir s'il va pouvoir honorer l'article 4 et recevoir de Colbert dans sa charge de contrôleur général des Finances cette fois, ses ordonnances pour payer ces nombreux gens du château, invisibles pour la plupart, mais qui font pourtant de Versailles un lieu agréable à vivre en dépit des nombreux chantiers commandés par la surintendance ..