Les détenus de la Conciergerie

En investissant les papiers de Fouquier-Tinville aux Archives nationales, je suis tombé sur cette dernière lettre d'un condamné à mort, parmi des centaines d'autres. A noter que Claude François Berger a été trahi par quelqu'un de son proche entourage qui avait connaissance de ses écrits !

Lettre d’adieu de Claude François Berger à sa fille.
A.N. W//136, d 2, p 137


Au citoyen Fouquier, accusateur public du tribunal extraordinaire et révolutionnaire au Palais de justice à Paris.


Adieu ma fille, adieu pour toujours. Je suis condamné pour avoir, dit-on, fomenté, excité la contre-révolution. Je n’y pensais jamais, mais le vrai, c’est que je suis catholique et que j’ai marqué trop d’attachement pour cette religion de nos pères. Dieu soit béni et loué de tout.
Je me recommande à tes prières et à celles de tous nos amis que je ne reverrai plus que dans l’éternité. Je vais y paraître sous peu d’heures. Dieu veuille me faire miséricorde et me pardonner mes innombrables péchés comme je pardonne de tout mon cœur à mes juges qui visiblement se sont trompés en me déclarant convaincu d’un crime auquel je ne pensais jamais. Je pardonne de même à mes ennemis qui sont cause de mon arrestation et de ma mort.
Console, ma chère enfant, ta pauvre mère, soutiens là dans sa vieillesse et dans l’affliction terrible où elle va se trouver. Qu’elle mette son malheur aux pieds de la croix, et qu’elle s’abandonne aux décrets de la sainte providence, toujours justes et adorables, quelques terribles qu’ils soient.
Je t’engage de nouveau ma fille à prendre soin de ta mère et d’engager tes frères et sœurs à la soulager, à la consoler de leur mieux. Elle a ses droits de mariage à réclamer, son frère pourra lui rendre ce service. En tout cas ton frère aîné, que j’en charge particulièrement, fera bien de l’aller consoler, ou même de l’emmener avec lui.
A ma pauvre femme, du chagrin et désagrément que j’ai pu lui causer, qu’elle me pardonne et se souvienne tous les jours de moi dans ses prières. Je demande pardon, je pardonne nommément à ton frère aîné le chagrin qu’il m’a causé et notamment par son mariage. Dieu veuille lui pardonner. Je pardonne aussi à ta sœur aînée et à cadet les chagrins qu’ils m’ont causés par leur désobéissance, leur mépris pour moi et leur mère. Que Dieu leur en donne un sincère repentir et qu’ils réparent leurs fautes en redoublant d’affection, de respect et de soumission envers leur pauvre mère, ma tendre épouse que j’embrasse de tout mon cœur pour la dernière fois.
J’embrasse Nanette, ma chère fille, qu’elle continue les soins auprès de sa pauvre mère. Dieu la récompensera, je l’en prie et l’en prierai dans le ciel s’il a pitié de ma pauvre âme, comme je l’en conjure et l’espère de son infini miséricorde, par le sang précieux de son fils notre seigneur.
Je meurs un vendredi, jour consacré à sa passion et à sa mort.
Mes enfants n’oubliez jamais votre père et engagez tous vos amis à prier pour lui. N’oubliez jamais vos devoirs envers votre mère, envers Dieu et envers la patrie.
Adieu ma chère amie, je t’embrasse de nouveau. Je vais maintenant me préparer à la mort par un abandon aux volontés de Dieu. Ne veuillez point de mal à ceux qui ont provoqué ma mort et ne cherchez jamais à la venger. Celle de Jésus-Christ ne l’est point encore vengée. Au reste, comme innocent de ce qu’on m’impute et bien intimement persuadé que sur des écrits non signés, non envoyés, je ne méritais pas ce supplice.
N’importe ma bonne amie, je meurs résigné à la volonté du très haut qui me l’a ainsi permis pour me faire expier ici-bas mes horribles péchés, et duquel j’espère miséricorde.
Adieu ma chère file, adieu, que le ciel te bénisse et surtout qu’il te comble de ses grâces, seul vrai bien.

De la Conciergerie, ce vendredi 13 septembre 1793, 3h ¼

Signé : Berger

Je me rappelle aussi que je peux devoir six livres à la veuve de Charanton, jadis notre vigneronne. Son fils a épousé la fille de la Robineau. Qu’on la lui paye et tout ce que pense redevoir à quelques vignerons ou ouvriers. J’en charge vos consciences. Adieu encore une fois ma chère fille.


Berger, Claude François, âgé de 65 ans, cultivateur propriétaire, natif de
La Ferté-sous-Jouarre, domicilié à Pouilly-sur-Loire, canton de La Charité-sur-Loire, département de la Nièvre.
Condamné à mort comme contre-révolutionnaire par le tribunal révolutionnaire de Paris et exécuté le 13 septembre 1793.

On dirait du Greuze !

olivia a écrit:

On dirait du Greuze !

... ou du Madame Elisabeth! En tout cas, c'est (hélas) aussi beau, et tout aussi émouvant ...

En tout cas, quelle belle âme !

Il me semble avoir lu ça dans le livre : La dernière lettre

Dans cette lettre poignante ( merci, Berry ! ) deux choses me frappent . Ce sont l'extrême inquiétude de cet homme qui revient comme un leitmotiv d'abandonner sa femme à la solitude, et sa soumission totale à ce qu'il croit être la volonté de Dieu .

Je suis d'accord en tout point. Et cette insistance sur le "je vous embrasse", comme si, au fur et à mesure que la lettre s'écrit, il avait de nouveau envie de l'embrasser, et que les lignes déja écrites avaient déja fait effet... c'est émouvant

Citation :

Il me semble avoir lu ça dans le livre : La dernière lettre

Effectvement, cette lettre se trouve dans le livre d'Olivier Blanc : La dernière lettre, prisons et condamnés de la Révolution, 1793-1794, Paris, R. Laffont, 1985. Olivier Blanc a fait une sélection des lettres les plus émouvantes dans les papiers de l'accusateur public Fouquier-Tinville qui se trouve dans la série W//111 à 154 des Archives nationales. On y trouve également la lettre d'Olympe de Gouges adressée à son fils, dont je vous ferai part prochainement.

Berry a écrit:

Olivier Blanc a fait une sélection des lettres les plus émouvantes dans les papiers de l'accusateur public Fouquier-Tinville

Cela signifie donc que comme la lettre de Marie-Antoinette, de nombreuses autres, sinon toutes n'ont jamais été transmises à leurs destinataires...
Ce Fouquier est vraiment une ordure infâme !

Bien à vous...pas à lui!

Citation :

Dans cette lettre poignante ( merci, Berry ! ) deux choses me frappent . Ce sont l'extrême inquiétude de cet homme qui revient comme un leitmotiv d'abandonner sa femme à la solitude, et sa soumission totale à ce qu'il croit être la volonté de Dieu .

En effet, c'est très émouvant, cette crainte qu'il a de laisser sa femme seule. On peut imaginer comme il a veillé sur elle pendant toutes ces années de vie commune.

Majesté a écrit:

Berry a écrit:

Olivier Blanc a fait une sélection des lettres les plus émouvantes dans les papiers de l'accusateur public Fouquier-Tinville

Cela signifie donc que comme la lettre de Marie-Antoinette, de nombreuses autres, sinon toutes n'ont jamais été transmises à leurs destinataires...
Ce Fouquier est vraiment une ordure infâme !

Bien à vous...pas à lui!

Oui, sale type. Toutes ces dernières pensées et volontés qu'il a cyniquement bafouées.

Majesté a écrit:

Berry a écrit:

Olivier Blanc a fait une sélection des lettres les plus émouvantes dans les papiers de l'accusateur public Fouquier-Tinville

Cela signifie donc que comme la lettre de Marie-Antoinette, de nombreuses autres, sinon toutes n'ont jamais été transmises à leurs destinataires...
Ce Fouquier est vraiment une ordure infâme !

Bien à vous...pas à lui!

Oui, mais la lettre C'est à vous ma soeur .... est interceptée par Robespierre et cachée chez lui ...
C'est sous son lit que Courtois la découvrira .

.

Berry a écrit:

Effectvement, cette lettre se trouve dans le livre d'Olivier Blanc : La dernière lettre, prisons et condamnés de la Révolution, 1793-1794, Paris, R. Laffont, 1985. Olivier Blanc a fait une sélection des lettres les plus émouvantes dans les papiers de l'accusateur public Fouquier-Tinville qui se trouve dans la série W//111 à 154 des Archives nationales. On y trouve également la lettre d'Olympe de Gouges adressée à son fils, dont je vous ferai part prochainement.

Nous savions déjà le personnage sans coeur. Mais là, vraiment...
Tous ces gens qui ont dû désespérer de ne pas avoir un dernier au revoir d'un être cher !    

Je suis sur un mystère concernant un certain PIERRE GANDON né à BOYNES et mort dans son lit à BOYNES et qui a été condamné à mort par le Tribunal Revolutionnaire quelques jours après la mort de la Reine - 20 Octobre 1793
je ne sais pas pourquoi il a été condamné et surtout innocenté, donc relaxé !!!!!!!

par contre je viens de trouver qu'un certain LAMBERT, natif de BOYNES ancien porte-clefs de la maison de MONTMORENCY LUXEMBOURG avait été condamné à mort par le Tribunal Révolutionnaire comme complice d'une conspiration contre la souveraineté du peuple(en réalité comme ancien serviteur de la famille qui avait émigrée.

la photo est celle du monument érigé dans le cimetière de Boynes rappelant l'innocence de PIERRE GANDON !!!!!

Amicalement MARIE ANTOINETTE

Comme je vous l'avais promis, je vous poste trois lettres d'Olympe de Gouges écrites pendant sa détention. Les deux premières sont adressées à Fouquier-Tinville et la dernière est sa lettre d'adieux à son fils, que évidemment Fouquier-Tinville s'est abstenu de lui transmettre et l'a gardé dans ses papiers comme toutes les autres.

Lettre d’Olympe de Gouges à l’accusateur public au tribunal révolutionnaire, le citoyen Fouquier-Tinville
A.N. W//150/d1 p 11.

De l’Abbaye le 29 juillet l’an II de la République

Je suis détenue dans les prisons depuis onze jours. J’ai été interrogée deux fois, plus d’humeur que de justice a produit le renvoi de cette inique arrestation devant vous. Quelque soit ma juste indignation pour la persécution atroce de quelques lâches ennemis, j’éprouve une douce satisfaction de paraître devant un homme aussi intègre qu’éclairé. J’ose espérer qu’au nom de l’innocence opprimée, vous voudriez accélérer mon premier interrogatoire devant vous, qui sera je pense l’époque de mon élargissement.
Après les salutations civiques d’une vraie républicaine.




Lettre d’Olympe de Gouges à l’accusateur public au tribunal révolutionnaire, le citoyen Fouquier-Tinville
A.N. W//151/d1 p 88.

De l’Abbaye le 6 août 1793

La multitude des affaires dont vous êtes surchargé vous a sans doute empêché de vous occuper d’une infortunée à laquelle on ne peut faire d’autres reproches que d’avoir servi sa patrie avec un zèle peu commun. Veille, fortune, repos, je lui ai tout sacrifié, et c’est de notoriété publique, à laquelle même mes ennemis sont forcés de convenir.
Citoyen, vous n’êtes pas sans connaître ce que j’avance, des hommes de mauvaise foi, payés sans doute par nos ennemis communs, ont trouvé jour de noircir l’innocence et de me traduire au tribunal révolutionnaire. Jusqu’à ce moment ce tribunal n’avait pas à prononcer sur une cause aussi intéressante que celle qui me concerne. Je ne demande ni pitié ni indulgence pour mon sexe, la loi seule sera mon plus fort appui. Citoyen je vous demande, au nom de l’humanité souffrante et de tout le bien que j’ai fait à mon pays, de mettre un terme à l’odieuse tyrannie dont je suis la victime depuis 20 jours.
J’ai fait une chute dangereuse dont les administrateurs et chirurgiens sont instruits, et cependant je ne peux obtenir de remèdes qui me sont convenables sous le spécieux prétexte que je devais sortir de jour en jour. D’après toutes ces observations, veuillez, je vous prie, accélérer mon interrogatoire. Je ne vous parle pas de reconnaissance, elle se trouve dans le cœur du vrai républicain quand on lui fournit les moyens de justifier l’innocence opprimée.




Lettre d’adieu d’Olympe de Gouges à son fils.
A.N. W//132, p 192

Au citoyen Fouquier, accusateur public du tribunal extraordinaire et révolutionnaire au Palais de justice à Paris.

Je meurs, mon cher fils, victime de mon idolâtrie pour la patrie et pour le peuple. Ses ennemis, sous le spécieux masque du républicanisme, m’ont conduite sans remords à l’échafaud.
Après cinq mois de captivité, je fus transférée dans une maison de santé où j’ai été libre comme chez moi. J’aurais pu m’évader, mes ennemis ni mes bourreaux ne l’ignorent pas, mais convaincue que toute la malveillance réunie pour me perdre ne pourrait parvenir à me reprocher une seule démarche contre la Révolution, j’ai demandé moi-même mon jugement. Pouvais-je croire que des tigres démuselés seraient juges eux-mêmes contre les lois, contre même ce public assemblé qui bientôt leur reprochera ma mort.
On me présente mon acte d’accusation trois jours avant ma mort. Dès l’instant de la signification de cet acte, la loi me donnait le droit de voir mes défenseurs et toutes les personnes de ma connaissance. On m’a tout intercepté, j’étais comme au secret, ne pouvant pas même parvenir à parler au concierge. La loi me donnait aussi le droit de choisir mes jurés, on me signifia la liste à minuit et, le lendemain matin à sept heures, on me fait descendre au tribunal, malade et faible et n’ayant pas l’art de parler au public, semblable à Jean-Jacques ainsi que par ses vertus, je sentis toute mon insuffisance.
Je demandai le défenseur que j’avais choisi, on me dit qu’il n’y est pas, ou qu’il ne voulait pas se charger de ma cause. J’en demande un autre à son défaut, on me dit que j’ai assez d’esprit pour me défendre. Oui, sans doute, j’en avais de reste pour défendre mon innocence qui parlait aux yeux de tous les assistants. Je ne nie pas ce qu’un défenseur aurait fait pour moi dans tous les services et bienfaits que j’ai rendu au peuple. Vingt fois j’ai fait pâlir mes bourreaux et, ne sachant que me répondre à chaque phrase qui caractérisait mon innocence et leur mauvaise foi, ils ont prononcé ma mort de crainte que le peuple opine d’une iniquité dont le monde n’a pas encore offert l’exemple.
Adieu mon fils, je ne serai plus quand tu recevras cette lettre, mais quitte ton état, l’injustice que l’on fait à ta mère et le crime que l’on commet envers elle.
Je meurs, mon fils, mon cher fils, je meurs innocente. On a violé toutes les lois pour la femme la plus vertueuse de son siècle*……la loi, rappelle-toi de mes prédications sans cesse.
Je laisse la montre de ta femme ainsi que la reconnaissance de ses bijoux au
Mont-de-Piété, le flacon et les clés de la malle que j’ai fait passer à Tours.


Olympes de Gouges

* Deux mots illisible

Quelle détresse et quelle solitude devant la mort !  C'est terrible .
Je retiens et note l'image des tigres démuselés .  Outre la cruauté naturelle des bourreaux,  elle met en évidence ( démuselés )  l'autorisation de tuer qui vient de haut, et l'impunité à la clef .

Merci, cher Berry !  

Le procès verbal de l'exécution de Marie-Antoinette trouvé à l'hôtel de la Marine lors des journées du patrimoine.

..... la nommée Marie-Antoinette, veuve de Louis Capet .......

Est-ce que l'on a le droit de vomir devant un tel document ?

Le monstre froid de l'Administration, dans toute son horreur!

Très émouvants documents.

Merci cher Berry !

Merci Berry, la lettre à son fils est très émouvante.

Marie Antoinette's cell