Un air d’Italie. L'Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution
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Sublime&Silence
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Sujet: Un air d’Italie. L'Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution Dim 2 Juin - 10:14
Un truc à faire !
Palais Garnier - du 28 mai au 01 septembre 2019
Issu du ballet de cour, qui était en vogue à l’époque des Valois, et de l’opéra italien, que le cardinal Mazarin avait introduit en France, l’opéra français vit le jour au début du règne de Louis XIV, avec la création, en 1669, de la première « Académie d’opéra ».
Cette institution inédite, appelée à jouer un rôle central dans la vie musicale française, devait participer du rayonnement culturel de la France. Pour célébrer le 350e anniversaire de la première scène lyrique française, la Bibliothèque nationale de France et l’Opéra national de Paris s’attachent à retracer l’activité de l’Académie royale de Musique, depuis l’époque du Roi‑Soleil jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
Autour d’une centaine de pièces, issues de la BnF, des musées de France et des Archives nationales (partitions manuscrites, maquettes de décors et de costumes, projets de salles, règlements administratifs, etc.), le spectateur est invité à assister à la naissance d’un « goût français » qui dut s’affirmer dans la relation équivoque entre une ambition nationale et l’aspiration à un modèle transalpin.
Commissariat Christian Schirm Mickaël Bouffard Jean-Michel Vinciguerra
https://www.operadeparis.fr/
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globule Administrateur
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Sujet: Re: Un air d’Italie. L'Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution Dim 2 Juin - 10:21
Sublime&Silence a écrit:
Un truc à faire !
Carrément !
Un roi qui s'exerçait à la danse six heures par jour, Voltaire et Rousseau divisés sur l'art lyrique: au palais Garnier, une exposition retrace les débuts teintés de passions et de controverses de l'Opéra de Paris qui fête cette année ses 350 ans.
Organisée avec la Bibliothèque nationale de France, "Un air d’Italie. L'Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution" (28 mai-1er septembre) expose près de 130 pièces, manuscrits, dessins, maquettes de décor, estampes et partitions, certaines pour la première fois.
- "Dancing King" -
La passion de Louis XIV pour la danse est connue. L'exposition souligne combien le fondateur de l'Académie de danse en 1661, puis de l'Académie d’opéra en 1669, prenait cet art au sérieux.
"A partir de 15 ans, il s'exerçait à la danse au moins six heures par jour, le matin et le soir", explique à l'AFP Jean-Michel Vinciguerra, commissaire de l'exposition. "C'était aussi important que la chasse ou l'escrime".
Le monarque, qui avait élevé la danse en art noble, a interprété plus de 70 rôles dans 26 ballets. L'exposition montre un dessin célèbre mais rarement exhibé, celui d'un jeune Louis XIV dans un magnifique costume de soleil dans le Ballet de la Nuit. "Ce ballet avait une signification politique car le soleil devait chasser et dissiper les nuages qu’évoquaient les récents troubles de la Fronde", d'après le commissaire.
- Mazarin, lyricomane en chef -
Les Français doivent au cardinal Mazarin l'importation de l'opéra d'Italie, son pays d'origine. Devenu le tout-puissant ministre d'Anne d'Autriche en 1643, il fait venir des musiciens et chanteurs italiens.
"Mais il demande de produire de nouveaux décors pour flatter le goût des Parisiens", précise M. Vinciguerra. Ainsi, dans les décors d'un opéra à succès de l'époque, "La Finta pazza", figurent le Pont-Neuf, la statue de Henri IV et même... les tours de Notre-Dame.
"Pour la première fois, le public parisien voit des personnages s'élever dans les airs ou descendre des cintres du théâtre. Cela provoque un émerveillement scénique absolument inconnu", explique le commissaire.
Le public critique toutefois ensuite la longueur des spectacles et leur coût.
Si Mazarin, mort en 1661, insuffla le goût du lyrique, c'est sous son successeur Colbert que le premier théâtre lyrique français a été institué avec le privilège d’opéra accordé en 1669 au poète Pierre Perrin. Deux ans plus tard, en collaboration avec Robert Cambert, était créé le premier opéra français proprement dit, "Pomone".
- Un match France-Italie -
La tension entre pro-opéra italien et pro-opéra français a dominé les débuts de l'Opéra, notamment lorsque d'autres théâtres parisiens, dont la Comédie-Italienne, ont voulu disputer le privilège de l'Opéra de Paris et ont commencé à parodier son répertoire et ses chanteurs.
En 1752, la représentation de "La Serva padrona" (la servante maîtresse) de Pergolesi déclenche la querelle dite des Bouffons.
Selon le commissaire, "une partie du public est ulcéré de voir des personnages comiques envahir et profaner ce temple du bon goût qu'est l'Opéra de Paris", tandis d'autres jugent ennuyeuse la finesse du style français.
Les philosophes s'en sont mêlés: Rousseau était partisan de l'opéra napolitain tandis que Voltaire "mettait la tragédie française au sommet de l'art littéraire".
- Les Callas du XVIIe siècle -
Jean-Baptise Lully, qui a dominé la vie musicale en France à l'époque du Roi-Soleil, a créé de nombreuses "tragédies en musique" mettant en avant les femmes.
Ainsi, Marthe Le Rochois, dont le portrait n'avait encore jamais été exposé, a été la première cantatrice "star" française.
La première troupe de danse a également ses premiers danseurs et danseuses "étoiles" avant l’heure comme Marie-Thérèse Perdou de Subligny et Claude Ballon.
- Incendie et Révolution -
Jusqu'à la construction du palais Garnier, l'Opéra de Paris aura connu 13 salles depuis 1669.
Beaucoup de salles ont brûlé, notamment celle du Palais-Royal, un incendie en 1781 immortalisé sur une toile prêtée par le musée Carnavalet.
L'exposition qui s'arrête à la Révolution, s'attarde sur une oeuvre prémonitoire: l'opéra "Tarare" (1787) d'Antonio Salieri. "Elle met en scène un soldat qui se rebelle contre l'autorité du sultan et son épilogue proclame l'égalité de tous les individus quels que soient leur sexe, leur religion et leur condition sociale", décrit M. Vinciguerra.
Son succès lui vaudra d'être repris même après la chute de Louis XVI.
https://www.rtl.be/info/index.htm
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Sublime&Silence
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Sujet: Re: Un air d’Italie. L'Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution Dim 2 Juin - 10:34
globule a écrit:
Sublime&Silence a écrit:
Un truc à faire !
Carrément !
N'est-ce pas ? J'ai ça aussi :
Organisée par la Bibliothèque nationale de France et l’Opéra national de Paris, cette exposition s’inscrit dans le cadre du 350e anniversaire de l’Opéra de Paris et retrace l’histoire, souvent tumultueuse, de la première scène lyrique française dans ses rapports avec la culture italienne. Né à Florence vers 1600, l’opéra de cour se diffuse dans les autres villes de la péninsule, avant de gagner la France, grâce à la politique culturelle de la reine Marie de Médicis, puis de celle du cardinal Mazarin, qui s’emploient durant la première moitié du siècle à faire la promotion du spectacle italien. En 1669, après plusieurs années d’expérimentations, l’opéra français voit enfin le jour, lorsque Louis XIV fonde le premier théâtre d’opéra, destiné non plus à une élite courtisane, mais à un public payant son droit d’entrée. Il accorde un « privilège d’opéra » à un entrepreneur de spectacles qui doit dès lors former une troupe et louer une salle. Conçu « à l’imitation des Italiens », l’Opéra de Paris a pour mission de promouvoir des « représentations en musique et en vers français ». Jusqu’à la Révolution, il ne cesse d’exercer sa mission dans une tension permanente entre référence à un modèle transalpin et affirmation d’une ambition nationale.
L’exposition fait revivre ces années flamboyantes de l’Opéra, où se croisent les figures de Louis XIV, Lully, Campra, Rameau, Gluck et Salieri, pendant que Paris s’affirme comme l’une des capitales musicales de l’Europe.
Avec un vrai bon dossier.
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globule Administrateur
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Sujet: Re: Un air d’Italie. L'Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution Dim 2 Juin - 10:44
Cool. ça vient d'où ?
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Sublime&Silence
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Sujet: Re: Un air d’Italie. L'Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution Dim 2 Juin - 10:57
globule a écrit:
Cool. ça vient d'où ?
Toujours https://www.operadeparis.fr/ Ok. Je partage tout.
I. Aux origines de l'opéra français
Le ballet de cour
Maître du ballet de la Nuit, Costume pour le Soleil levant dans la dernière entrée du Ballet de la Nuit, 1653, plume, lavis et gouache rehaussée d'or, BnF, Estampes et photographie BnF
Apparu en France à la fin du XVIe siècle, le ballet de cour doit beaucoup aux baladins italiens actifs sous le règne des derniers Valois. Admirative des divertissements raffinés des cours d’Italie, la France institue rapidement un spectacle chorégraphique à part entière qui réunit – autour de la danse – la poésie, la musique, la peinture, le costume et le chant. À partir d’une idée italienne est créé un genre national où se produisent Louis XIII et Louis XIV eux-mêmes, ce dernier incarnant pendant 18 ans plus de 70 rôles dans 26 œuvres, dont le célèbre Ballet de la Nuit qui le consacrera comme le Roi-Soleil.
Lorsque Mazarin introduit l’opéra italien en France, avec La Finta Pazza (1645), le Vénitien Giovanni Battista Balbi règle des intermezzi, dansés entre les actes, comme cela se pratique en Italie. Sans lien avec la narration principale, ces balletti mettent en scène des perroquets, des singes et des autruches, pour plaire au petit roi âgé de sept ans. Quand Louis XIV atteint l’âge de danser, Mazarin tente d’acclimater l’opéra italien au goût français en y intégrant de la danse, comme dans Le Nozze di Peleo e di Teti (1654) de Caproli, « comédie italienne en musique entremêlée d’un ballet sur le même sujet ».
Malgré une plus grande cohérence thématique, la greffe ne survit pas à la mort du cardinal et il faut attendre l’avènement de l’opéra français pour espérer une véritable fusion des genres. Le ballet de cour lui lègue ses traits distinctifs : l’intégration de la danse à la dramaturgie, l’orchestre à cinq parties de cordes et le faste des costumes.
Tailleur des Menus Plaisirs du roi, Costume de ballet pour un danseur, brodé de fils d'or et d'argent, XVIIe s., BnF, Musique, Bibliothèque-musée de l'Opéra BnF
L’opéra italien
Attribué à Noël Cochin ou à Nicolas Cochin d’après Giacomo Torelli, Décor du prologue de La Finta pazza de Sacrati, 1645, planche gravée, BnF, Musique, Bibliothèque-musée de l'Opéra BnF
En souvenir des spectacles qu’il a organisés à Rome à la cour des Barberini, le cardinal Mazarin, nouveau ministre d’Anne d’Autriche, entend révéler aux Français toute la pompe des opéras de son pays natal. En 1645, il invite à Paris une troupe de musiciens qui interprète La Finta Pazza de Sacrati, créée à Venise en 1641. Si cet opéra italien, le premier joué en France, est augmenté de ballets comiques pour amuser le jeune Louis XIV, ce sont surtout les décors et l’extraordinaire machinerie théâtrale déployée par Giacomo Torelli qui marquent le public. Les changements de décor à vue procurent un émerveillement scénique jusqu’alors inconnu en France.
En 1647, Luigi Rossi créé l’Orfeo, « comédie à machines et en musique à la mode d’Italie » qui éblouit l’entourage royal. Mais, très vite, les adversaires du cardinal dénoncent le coût exorbitant du spectacle et l’obscurité de la langue italienne. La critique porte : durant toute la Fronde, plus aucun opéra n’est donné à Paris, mais la tragédie à machines connaît un heureux développement, grâce à Corneille qui s’associe avec Torelli et capte le savoir-faire de l’Italien au profit de ses tragédies, parfois accompagnées de musique.
Pour acclimater l’opéra italien au goût français, les compositeurs y ajoutent des danses spectaculaires qui ont d’autant plus les faveurs du public que le roi lui-même s’y produit. En 1662, pour fêter le mariage du souverain, Cavalli crée Ercole amante, mais Lully impose au Vénitien de somptueux ballets, d’une longueur exceptionnelle, qui rallient à sa cause un public amateur de belle danse. C’est alors le dernier opéra italien représenté à Paris sous le règne de Louis XIV.
Israël Silvestre d’après François Francart, Décorations et machines pour les Noces de Thétis et Pélée, frontispice gravé, 1654, BnF, Arsenal BnF
Il y a encore 3 autres parties. je les sépare pour des raisons de clarté.
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globule Administrateur
Nombre de messages : 2223 Date d'inscription : 04/10/2017
Sujet: Re: Un air d’Italie. L'Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution Dim 2 Juin - 11:03
Sublime&Silence a écrit:
Il y a encore 3 autres parties. je les sépare pour des raisons de clarté.
Bonne idée !
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Sublime&Silence
Nombre de messages : 205 Date d'inscription : 31/08/2017
Sujet: Re: Un air d’Italie. L'Opéra de Paris de Louis XIV à la Révolution Dim 2 Juin - 11:08
je continue
II. Les créateurs de l’opéra français
Jean Berain, Projet de costume pour le fleuve Sangar dans Atys de Lully, vers 1676, plume, encre brune, aquarelle, lavis gris et traces de pierre noire. BnF, Musique, Bibliothèque-musée de l’Opéra BnF
Pour contrer l’influence italienne qui triomphe à la Cour, le poète Pierre Perrin et le musicien Robert Cambert s’associent et créent en 1659 La Pastorale d’Issy, « première comédie française en musique représentée en France ». Jouée plus tard devant le roi et la reine, elle séduit également Mazarin qui exhorte les deux auteurs à imaginer un opéra en français. La mort du cardinal en 1661, suivie du départ de Cavalli en 1662, ouvrent une voie à Perrin qui conçoit, dès 1667, le projet d’établir une « académie de poésie et de musique ». Celui-ci trouve son aboutissement le 28 juin 1669 lorsque Louis XIV accorde à Perrin un « privilège » pour fonder la première académie d’opéra.
La nouvelle académie a le monopole des spectacles chantés à Paris et dans les autres villes du royaume, à l’exception de la Cour ; le privilège couvre une durée de 12 ans et son détenteur a l’autorisation de lever des recettes pour se dédommager des frais engagés pour la réalisation des décors, costumes et machines.
À peine l’aventure de l’opéra français commence-t-elle que Perrin se retrouve emprisonné pour dettes et ne peut assister, en 1671, à la représentation de son premier opéra, Pomone. L’année suivante, l’intrigant Lully lui rachète son privilège et rebaptise l’Opéra « Académie royale de musique ».
En s’associant à Quinault pour la qualité littéraire des livrets, à Beauchamps pour la grâce du ballet et à Vigarani pour le faste de la scénographie, Lully invente, avec Cadmus et Hermione (1673), la tragédie en musique, forme dramatique spécifiquement française promise à un grand succès.
Après 1687, l’Académie royale de musique perd son compositeur, son librettiste et son chorégraphe avec la mort de Lully, puis celle de Quinault, suivies du départ de Beauchamps. S’ouvre alors une période d’expérimentation qui mène à l’éclosion d’un genre nouveau : l’opéra-ballet, où chaque partie forme un petit tableau avec sa propre intrigue, reliée aux autres par un vague fil poétique.
Sans détrôner la tragédie en musique, l’opéra-ballet met en scène des sujets plus légers, remplace le merveilleux par l’exotisme, attribue un rôle accru à la danse et introduit une multitude de personnages fantaisistes, parfois comiques, souvent contemporains, qui renouvellent les rôles sérieux de la mythologie et du roman de chevalerie. De même, les palais à colonnes et les bocages d’Arcadie doivent partager la scène avec des places de villes et des hameaux à l’architecture moderne.
Au milieu des Espagnols, des Turcs et des Chinois, les personnages comiques écartés par Lully resurgissent à travers les figures dansantes d’Arlequin ou de Polichinelle, issues de la commedia dell’arte. Des airs italiens assez virtuoses commencent à se glisser dans la musique, tandis que prospèrent des opéras à thématique ultramontaine, comme Le Carnaval de Venise (1699) de Campra, où s’enchâsse un opéra italien en miniature. Mais cette italomanie demeure un phénomène superficiel qui relève davantage d’un goût pour l’exotisme que d’une véritable hybridation esthétique. Ainsi, le costume de l’Arlequine tient plus du bal masqué que du théâtre italien et les forlanes dansées par des Vénitiennes n’ont en réalité d’italien que le nom.
Face à l’Académie royale de musique, qui détient le monopole des spectacles chantés en français, la Comédie-Italienne, installée à l’Hôtel de Bourgogne, prend pour cible le genre sérieux de l’Opéra, incarné par la tragédie en musique, et devient dans les années 1680 et 1690 le berceau de la parodie d’opéra. Palaprat et Dufresny créent ainsi des pièces qui mettent en scène des personnages nobles sous des traits burlesques, qui s’expriment de façon grossière dans un mélange de français et d’italien. Ravalant les opéras de Lully et Quinault au rang de farces bouffonnes, ces premiers « opéras comiques » avant l’heure suscitent le rire des mélomanes.
Chassés de leur théâtre en 1697 pour avoir déplu au roi, les Italiens trouvent alors refuge chez les Forains, qui tirent profit de cette situation pour s’approprier leur technique de jeu et élargir leur répertoire. Souvent considérés comme des saltimbanques ambulants et sans gloire, ces derniers parviennent à s’imposer en quelques années comme les plus sérieux concurrents de l’Opéra.
Après la création de l’Opéra-Comique en 1715 et le rétablissement de la Comédie-Italienne en 1716, le comique forain poursuit sa propre voie, mais finit par contaminer les autres scènes rivales. Les années 1740 témoignent du succès des pièces bouffonnes à l’Opéra, avec Les Amours de Ragonde (1742) de Mouret, qui raconte la passion d’une mégère pour un jeune paysan, mais surtout Platée (1749) de Rameau, véritable chef-d’œuvre du genre comique et point d’orgue de la parodie d’opéra.
Le modèle classique à l’épreuve de la virtuosité italienne
L’arrivée à l’Opéra de Paris d’une troupe de chanteurs italiens provoque, en 1752, un véritable choc culturel. Le succès retentissant de La Serva padrona de Pergolèse est à l’origine de la querelle des Bouffons qui oppose les partisans de l’opéra napolitain, regroupés derrière Grimm et Rousseau, à ceux de la musique française qui, choqués de voir des « histrions ultramontains » profaner ce temple du goût qu’est l’Opéra de Paris, en appellent à Rameau, vu comme le garant du grand genre de la tragédie. Par œuvres et pamphlets interposés, chacun s’interroge sur la place du comique à l’Opéra, la préséance de la mélodie ou de l’harmonie, l’expressivité du chant et le naturel du récitatif parlando qui s’apparente au discours animé.
Les uns jugent tape-à-l’œil la virtuosité des Italiens pour le chant, le violon et la danse, quand les autres perçoivent comme ennuyeuse la finesse du style français. La danse à l’Opéra, jusqu’ici imperméable aux sauts et aux tours prodigieux des Italiens, est confrontée en 1739 à la virtuosité technique de Barbara Campanini. Battant l’entrechat à huit, la « Barbarina » suscite la controverse, certains craignant que la danse noble française ne soit déclassée par les cabrioles des bouffons italiens.
De même, pour les décors, l’introduction par Servandoni de l’audacieuse perspective per angolo vient bouleverser la rigoureuse symétrie observée par les Berain pendant près d’un demi-siècle. Ainsi, quand Boucher transpose à l’Opéra son univers pictural éthéré, certains ne manquent pas d’opposer les lacunes du « peintre de chevalet » français aux ingénieux tours d’optique de l’architecte italien.
L’une des principales caractéristiques de l’Opéra de Paris au XVIIIe siècle est d’avoir maintenu à son répertoire ce que l’on appelait les « anciens opéras », c’est-à-dire ceux de Lully et de ses proches successeurs. Ce phénomène prend une dimension particulière dans les années 1750 et 1760, entre la fin de la querelle des Bouffons (1754) et l’arrivée de Gluck à Paris (1774). Durant cette période, l’Opéra de Paris ne crée plus que 13 tragédies, dont la plupart proviennent de l’ancien répertoire remis au goût du jour.
Non seulement des œuvres considérées comme démodées continuent d’être remises à la scène, mais leur récurrence devient un enjeu qui touche à l’identité même de l’opéra français. Pour ses défenseurs, la reprise cyclique des « anciens opéras » incarne un attachement au « genre national », au moment où celui-ci se trouve mis en cause par la musique italienne, tandis qu’aux yeux de leurs détracteurs, tel Grimm, il ne s’agit que d’un « vieux et détestable fonds » que l’Opéra présente sous un nouvel habillage.
En effet, pour rendre acceptables ces anciens ouvrages, les directeurs de l’Opéra les adaptent, les réorchestrent, y ajoutent ou suppriment des pièces, et les transforment en pots-pourris plus ou moins hétéroclites selon les cas. La reprise des vieux succès qui ont forgé l’identité musicale française oblige aussi les dessinateurs de décors et de costumes à se positionner par rapport à leurs prédécesseurs, tel Boquet qui tantôt réinvente l’habillement des personnages des anciennes tragédies de Lully, tantôt se contente de moderniser les prototypes légués par Berain.
Réformer l’opéra
Dans les années 1770, un grand vent de réforme souffle sur l’Opéra de Paris. La musique, la dramaturgie, la danse, les costumes, les décors et, même la gestion administrative de l’institution, sont visés par des volontés réformatrices.
Une nouvelle querelle franco-italienne surgit et oppose deux camps sur la façon de renouveler la tragédie lyrique française. Les uns se rangent derrière Gluck, qui tente d’appliquer ses réformes en France, par une meilleure liaison de l’air et du récitatif, mais aussi par une utilisation plus dramatique de l’orchestre, des chœurs et de la pantomime. Les autres en appellent à Piccinni pour imposer à l’opéra français certaines conventions de l’opera seria, ainsi qu’un langage musical italianisant, favorisant la mélodie.
Du côté de la danse, l’arrivée de Noverre à la tête du ballet de l’Opéra, de 1776 à 1781, est pour lui l’occasion d’appliquer sa réforme. Dénonçant le caractère mécanique, symétrique et ornemental de la danse française, il veut faire du danseur un acteur à part entière qui, par le biais de la pantomime, peut raconter une histoire et exprimer des passions. Cela suppose un costume plus authentique, débarrassé des masques, perruques, panaches, paniers et gants qui privent le danseur de son expressivité et déforment les proportions de sa silhouette. Malgré l’appui de Boquet, dessinateur des habits de l’Opéra, le refus exprimé par les interprètes du ballet, ne permet pas à Noverre d’aller au bout de ses idées.
À l’aube de la Révolution
L’incendie de l’Opéra de 1781 apparaît comme un mauvais présage pour l’Académie royale de musique. Contrainte de se déplacer du Palais-Royal à la porte Saint-Martin, loin du centre culturel de la capitale, elle tente de renouveler son répertoire en continuant d’accueillir des compositeurs italiens qui s’emploient moins à promouvoir la musique de leur pays qu’à consolider le modèle de la tragédie lyrique, mis à mal par le départ de Gluck en 1780. En 1787, Beaumarchais fournit à Salieri un livret au parfum révolutionnaire, Tarare, qui embrase la capitale.
Le succès n’étant pas toujours au rendez-vous, l’Opéra voit son existence menacée. Le violoniste Viotti se demande s’il est du devoir de l’État d’entretenir une institution qui accumule autant de déficits et, dans un mémoire adressé au roi, se propose de racheter le privilège de l’Opéra. Quelques mois plus tard, Louis XVI cède l’Opéra – qui relevait de l’intendance des Menus Plaisirs – à un corps public, celui de la ville de Paris, qui en reprend en 1790 le contrôle financier. Mais la loi du 13 janvier 1791, qui proclame la liberté des théâtres et met fin au système des privilèges, est fatale à l’Académie royale de musique : elle entraîne l’ouverture d’une foule de salles dans la capitale et accroît l’offre théâtrale.
Dans ce contexte, l’administrateur Leroux rédige un Rapport sur l’Opéra qu’il remet au corps municipal de Paris. Certain que la ville peut tirer profit de cette institution, il parvient à convaincre le premier gouvernement révolutionnaire de la nécessité de sauver l’Opéra et, pour de nombreuses années encore, d’en assurer le rayonnement.
Jean-Louis Prieur, Le Peuple faisant fermer l’Opéra le 12 juillet 1789, entre 1789 et 1795, dessin, BnF, Musique, Bibliothèque-musée de l'Opéra BnF
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