07 juin 1799: Madame Victoire, s'éteint en émigration à Trieste

Madame Victoire, s'éteint en émigration à Trieste

Le départ en exil des deux filles survivantes de Louis XV, tantes du roi Louis XVI, Adélaïde et Victoire, dites "Mesdames Tantes", crée en février 1791 un très grand émoi. Par la disproportion entre les faits et l'ampleur des rumeurs et des réactions, il constitue un indicateur de l'état de fièvre révolutionnaire et de défiance envers le Roi.
Mesdames Adélaïde et Victoire, quasi-recluses dans leur château de Bellevue, ne jouent alors plus depuis longtemps de rôle politique. La question religieuse anime la plupart de leurs conversations, elles ne se montrent, depuis octobre 1789, que très exceptionnellement aux Tuileries. Pourtant, on estime alors que le départ de Mesdames Tantes donne davantage de liberté à Louis XVI pour agir, voire annonce son propre départ.

C'est d'ailleurs Louis XVI qui signe leur passeport, refusé par la Municipalité. Bailly, à la tête d'une députation, représente au Roi les alarmes qu'occasionne ce départ et l'engage à s'y opposer. « Ce que vous me demandez est inconstitutionnel, répond le Roi; montrez-moi un décret de l'Assemblée qui interdise les voyages, je défendrai à mes tantes de partir: jusque-là, elles sont libres de sortir du royaume ainsi que tous les autres citoyens."

On apprend le 24 février 1791 leur arrestation à Moret, puis à Arnay-le-Duc.

De l'Hôtel de la Poste, on les transfère au presbytère en attendant une décision de l'Assemblée nationale.

Mesdames écrivent alors: "Ne voulant être que citoyennes, nous réclamons la justice de l'Assemblée. Nous vous prions, monsieur le Président, de vouloir bien nous obtenir d'Elle les ordres nécessaires." Mirabeau, saisi par Montmorin, s'active pour obtenir la libération de Mesdames mais c'est au général Menou que revient l'honneur de la phrase décisive: "L'Europe sera bien étonnée, dit-il, lorsqu'elle apprendra que l'Assemblée Nationale a passé quatre heures entières à délibérer sur le départ de deux dames qui aiment mieux entendre la messe à Rome qu'à Paris." 

Dans la foulée, Mirabeau fait voter le décret: "L'Assemblée nationale, attendu qu'il n'existe aucune loi du royaume qui s'oppose au libre voyage de Mesdames, tantes du roi. déclare qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur le procès-verbal de la commune d'Arnay-le-Duc et renvoie l'affaire au pouvoir exécutif."

Arrivées en Italie, la suite de leur existence ne fut qu'une longue fuite devant la progression des armées et les idées de la Révolution dans la péninsule: à Albano, à Caserte, dans le royaume de Naples, à Monfredonia, dans tout le sud...

En mai 1799, elles s’embarquent à Brindisi sur une frégate russe qui les conduit à Corfou, puis à Trieste (19 mai 1799)

C'est là que le 7 juin s'éteint Madame Victoire.

"Dix-huit jours après être arrivée à Trieste, elle s’éteignit doucement, ainsi qu’elle avait vécu, sans colère ni rancœur. Au milieu de sa petite cour d’évêques, de prêtres, de dames et de vieux gentilshommes qui l’avaient suivie jusqu’au fond de l’Adriatique, Adélaïde demeurait seule debout comme une statue voilée sur un sépulcre. (...)
Elle passa huit mois encore sur la terre après Victoire, puis elle disparut; on ne sait rien de sa mort qu’une date: 18 février 1800."





[Illustr. Madame Victoire, par Adélaïde Labille-Guiard ]