Le révolutionnaire Bernard de Saintes

Le révolutionnaire Bernard de Saintes de Jacques Ravey
Publibook, 2009, 105 p

Voici la quatrième de couverture

Passé le temps des idéaux et des espoirs, toute révolution contre un système inique est menacée par cela même qu'elle a combattu : les dérives, les délires de la toute puissance, la folie. 1789 ne dérogea pas à la règle. Parmi les figures de l'époque, une a retenu l'attention de Jacques Ravey : Bernard de Saintes.
Anticlérical et républicain convaincu, il pourrait a priori apparaître comme un être éclairé et soucieux de la paix et de la justice. Or, suite à sa nomination au Comité de Sûreté Générale, il dévoila des aspects plus sombres et tyranniques de sa personnalité. Qu'on le voie comme un homme zélé ou jusqu'au-boutiste, qu'on voie en lui un petit despote ou un fanatique, il incarne la face noire d'une période où les pouvoirs nouvellement acquis tournèrent la tête à bien des hommes qui, sans eux, seraient restés dans l'anonymat. Plus qu'une biographie, c'est ainsi une sourde réflexion sur les errements dramatiques de l'autorité que mène Jacques Ravey.

Bernard de Saintes régna par la peur et la terreur. Sa meilleure alliée , au cours de ces actions dans les provinces françaises , fut la guillotine. Figure effrayante de la FRance d'après 1789-inquiétante aujourd'hui car elle renvoie à cette fragilité de la conscience humaine aveuglée, prête à basculer dans la démesure-elle méritait un portrait complet et documenté. Ce à quoi répond l'ouvrage de Jacques Ravey qui rend compte , avec une partialité contenue, de la trajectoire mortifère d'un révolutionnaire dévoyé.

Comme son nom l'indique bien , il est originaire de Saintes, issu d'un milieu bourgeois. Son père est notaire royal. Il est né en 1751 et se marie en 1778 avec Marie-Louise Frère de La Pommeraye. 3 enfants naîtront de cette union . Il aura une deuxième fille d'une autre union non maritale.
Avocat de formation , il est nommé en 1775 au présidial de Saintes. Très tôt , il s'intéresse à la vie politique de sa région et adhère en 1775 à la lo loge de l'Orient à Saintes. Brillant orateur et très fougueux , il devient vite un des avocats les plus en vue de la ville. C'est son tempérament plus que son physique qui lui donne cette réputation. Car l'un de ses collègues en a fait cette description: " Il est un squelette animé, c'est la mort vivante. "
Il fut choisi pour porter les cahiers de doléances de sa région aux Etats Généraux.

Gagné par le virus du jeu politique, il accumule les postes:
-Président du tribunal du district
-Colonel de la Garde Nationale
-Administrateur du district de Saintes
-Juge du tribunal. Ce poste lui permet de rebondir politiquement et du coup, il en profite pour faire virer de son poste le maire de Saintes et le remplacer par un pote à lui , un certain Jacques Garnier. Bernard sera député de Charente Inférieure en 1791. Il développe ses talents à l'Assemblée. C'est ainsi que le 20 mars 1792, il votera les pleins crédits pour la fabrication de nouvelles machines devant servir aux exécutions capitales, c'est à dire les guillotines. Cette décision n'est pas tout à fait anodine car le docteur Guillotin était son médecin à Saintes avant 1789.

Membre de la Convention, il vote la mort du roi et est nommé le 23 janvier 1793, membre du Comité de Sûreté Générale. Installé dans l'hôtel de Brionne , ce comité a pour mission la charge de la police de la républiqueavec toutes ses attributions.
Bernard de Saintes est chargé d'appliquer la loi des suspects . Mais il entend bien se débarasser de ceux qui le gênent. Il n'hésite pas à dénoncer l'un de ses collègues : Jean-Pierre Brissot dit de Warville et l'envoie donc à la mort.

La Convention a voté le 24 février 1793 , la levée d'une armée de 300 000 hommes et en confie le bon déroulement au Comité de Sûreté Générale. Ainsi donc un décret du 9 mars 1793 confie à Bernard de Saintes la surveillance de ce rucretement pour da région. Il devient donc ce que l'on appelle un conventionnel en mission. Il a le profil type : anticlérical notoire , partisan de la guillotine et appliquant à la lettre la doctrine révolutionnaire. Bref, c'est l'homme de la situation.

Vous pouvez admirer son portrait à cette adresse

http://fr.wikipedia.org/wiki/André-Antoine_Bernard

Bernard de Saintes quitte Paris en compagnie d'un autre conventionnel , à savoir un certain Jean Guimberteau , natif d'Angoulême. Au passage , ils s'arrêtent à Orléans venant au secours de Léonard Bourdon . Ils mettent en oeuvre leurs méthodes et font exécuter 9 personnes.
Arrivés dans leur région, ils inspectent tout : côtes, poudrières, ports...Mais à la demande de la Convention, ils doivent prolonger leur mission pour s'occuper des Vendéens.
Repartis sur Paris, Bernard de Saintes est envoyé cette fois dans l'est de la France. Il s'agit cette fois de s'assurer de la sécurité des frontières de l'est. Il part en compagnie d'un ex-curé.

En ce qui concerne Léonard Bourdon , j'ai un livre sur lui : Léonard Bourdon, le léopard de la Révolution de Jacques Bauchy . Je crois que j'ai déjà parlé de lui sur ce forum . Il faut que je retrouve mon livre car je ne sais plus où je l'ai mis...

La Franche-Comté est en état d'insurrection suite à cette levée en masse d'hommes pour combattre . C'est que cela pénalise les paysans . Il faut dire que l'exemple de la Vendée donne des idées.
Tout de suite , Bernard de Saintes entend mater cette rébellion là et il fait régner un climat de terreur. Ainsi, il destitue en masse les autorités du département et fait voyager dans les districts le Tribunal révolutionnaire avec la guillotine avec un simple mot de sa part : " tout citoyen qui refuse d'accepter de ma part une fonction publique est déclaré traître à la patrie ! "Il fera emprisonner 400 personnes et 21 seront guillotinées.
Mais c'est que la guillotine ne suit plus ! Le comble, c'est qu'il écrit au Comité de Salut public pour se plaindre du manque de guillotines : " Il en faudrait au moins une par district, les prêtres réfractaires rognent chaque jour très inutilement nos subsistances qui sont rares. Je vais prendre sur moi la construction d'une nouvelle guillotine pour relever sa camarade."

Les victimes de la révolution en Franche Comté

http://www.jeanmariethiebaud.com/web/index.php?op=readart&id=489

Comme la guillotine ne suffit plus pour l'heure, il utilise les armes. C'est ainsi qu'il fait fusiller deux prêtres qui furent dénoncés . Il s'agit des abbés Claude-Ignace Tournier , âgé de 27 ans et Joseph Huot 43 ans.
Les dénonciateurs se trouvaient souvent dans les sociétés populaires, qui sont le support local des grands mouvements politiques.

Dans une de ces sociétés là, il fait la connaissance d'un certain Pierre-Joseph Briot , avocat comme lui. Très vite, ce dernier devient son pote et lui rend le service de redynamiser le commerce local en attirant à Besançon les horlogers Suisse.

Pierre-Joseph Briot

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Joseph_Briot

Mais le coup d'éclat de Bernard de Saintes est d'avoir pu s'emparer de la Principauté de Montbéliard et ce sans tirer un seul coup de feu. Cette principauté appartenait au prince de Wurtemberg.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Principauté_de_Montbéliard

Pour asseoir son autorité , il y fait construire une guillotine qui lui coûtera 961 livres et 5 sols ( voici donc le prix d'une guillotine ! ). Elle restera sur la place de la Révolution jusqu'en Juillet 1794 et sans avoir servi. C'était juste un décor de terreur et un moyen de chantage.
Car il entend bien faire payer tout de suite les habitants de cette principauté. Allez , hop , création d'un impôt révolutionnaire . Voilà quel était le choix : ou bien vous casquez ou bîen vous êtes raccourci...
Il n'y a pas à dire : la guillotine était un moyen efficace pour faire rentrer des sous...

Sans compter qu'il applique très vite le programme révolutionnaire qu'il inaugure en profanant les tombes des ducs enterrés au château. Les cadavres resteront plusieurs jours à la vue de la population . IL s'empare des églises et des biens des émigrés.
Bref, il est l'homme fort du moment devant qui tous doivent ployer , ce qui fait qu'il devient aussi l'homme le plus détesté de cette région...

Pays de Montbéliard-Un pays, une âme intégrale .

https://www.youtube.com/watch?v=4in0o7EE8z8

Il profitait de sa position forte pour abuser comme le rapporte cet extrait suivant d'un livre :

La Baronne de Vaudey demandée en mariage par Bernard de Saintes


Mais bientôt le régime de la terreur allait faire trembler la jeune République : Antoine André Bernard des Jauzines rebaptisé Bernard de Saintes alias Pioche Fer Bernard , député de la Convention , envoyé comme représentant en mission dans l’est de la France , arrive à Besançon où il s’empressa de faire dresser la liste de tous les parents d’immigrés , parmi lesquels la citoyenne Barberot-Vaudey figurait en bonne place , afin de les faire enfermer dans trois couvents de la ville transformés illico en prison . Madame d’Arçon , la mère d’Elisabeth ( 1 ) demanda une audience au conventionnel avec l’espoir d’obtenir pour sa fille une simple garde à vue au domicile familial bisontin de la grande-rue , sous la surveillance d’un garde national , comme cela était parfois toléré.

« Nous nous rendîmes chez lui , écrit Elisabeth pour solliciter cette faveur. Il occupait un très bel hôtel , qui avait été bâti par le dernier intendant. Son costume , composé d’une veste qu’on appelait alors carmagnole , ainsi que le bonnet rouge qui couvrait sa tête contrastaient singulièrement avec la beauté des appartements dans lesquels il nous reçut . C’était un homme de 45 ans ( 42 ans, Bernard étant né le 21 juillet 1751 ), d’une figure fort commune , dont le premier abord me parut effrayant par la brusquerie et la grossièreté de ses manières . Mais bientôt, il parut s’adoucir et nous laissa l’espérance qu’il accorderait à ma mère sa demande sans le promettre cependant positivement. Il nous retint assez longtemps et nous raccompagna jusqu’au perron de l’hôtel. En sortant , nous nous regardâmes avec surprise et effroi ; nous n’osions nous communiquer nos craintes.

Le lendemain , l’adjudant Général Jean-Baptiste Viénot de Vaublanc vint annoncer à la mère et la fille , dévorées par l’angoisse d’une incarcération toujours possible , que Bernard , veuf et père de plusieurs enfants , proposait de sauver la tête de la jeune Elisabeth en l’épousant.
N’était-elle pas en procédure de divorce pour éviter la saisie des biens de la femme d’un émigré ? La jeune femme éluda la proposition avec adresse tandis que Bernard s’en allait annexer la principauté de Montbéliard. N’abandonnant pas l’espoir d’un mariage avec la jeune et belle Elisabeth , le conventionnel jacobin lui fit passer à deux reprises des mots doux par l’intermédiaire de Pierre Joseph Briot ( 1771-1826 ), l’ardent révolutionnaire franc-comtois , futur député au Conseil des Cinq Cents, Gouverneur de l’île d’Elbe puis Conseiller d’état à Naples.

Un second conventionnel arriva sur ces entrefaites à Besançon. Ce jeune député n’était autre Qu’Augustin Bon Joseph de Robespierre dit Bonbon, le frère cadet du Grand Robespierre, celui qu’on avait surnommé l’incorruptible . Assurément plus humain , ce nouveau représentant en mission convoqua Pioche Fer Bernard à Besançon pour lui reprocher sans ambages ses arrestations massives et toutes ses cruautés inutiles. Pour s’en justifier devant la Convention , Bernard crut utile de reprendre le chemin de Paris et en oublia ses projets matrimoniaux.

( 1 ) Le mari d’Elisabeth avait choisi d’émigrer avec le comte de Narbonne.

Source :

Elisabeth Le Michaud d'Arçon : Maîtresse de Napoléon de
Jean-Marie Thiébaud et al. Editions Cabédita, 2006, 166 p : 23 euros

J'espérais trouver en vidéo le bâtiment de la préfecture de région à Besançon mais je n'ai pas trouvé .
A la place et pour s'inspirer de cette région qui a reçu la visite de ce monstre , voici une très belle vidéo sur Besançon ( pour les amoureux des petites bêtes ! )

https://www.youtube.com/watch?v=s6qCT_9z2UY

Bernard de Saintes fut le premier à se servir lors des enchères concernant la vente des biens nationaux. Il se permit même d'acquérir des objets qui n'avaient même pas été encore répertoriés. La vente d'une voiture du prince au quart de son prix fit beaucoup parler. L'opposition à Bernard de Saintes ne cessait de monter et l'on profita d'une halte de Bonbon Robespierre à Vesoul pour venir le trouver et tout lui raconter.
L'affrontement fut direct et brutal entre les deux hommes, Bernard de Saintes ne voulant rien entendre.
Bonbon Robespierre obtint alors , grâce à l'appui de son frère, des pouvoirs spécifiques du Comité de Salut Public.
Celui-ci fait alors relâcher les personnes arrêtées et le conventionnel Bernard de Saintes est vert de rage !

Les deux hommes s'affrontent encore à Besançon lors d'une réunion politique à propos de la présence dans la salle de la maîtresse de Bonbon Robespierre , à savoir Madame de la Saudraye !
A présent , la haine règne entre les deux hommes.
Mais Bernard de Saintes est appelé pour une mission en Bourgogne et il s'installe avec sa suite dans l'une des meilleurs deumeures de la ville de Dijon.
Et conformément à son habitude , il fait régner un climat de terreur dans la région...
La chasse aux aristocrates, aux prêtres et aux instituteurs commence ...

Beaucoup parmi les condamnés à mort l'ont été pour des motifs tout à fait futiles comme par exemple le fait de refuser de boire dans le verre d'un sans-culotte. Il change le réglement des prisons . Désormais, le riche doit payer pour le pauvre . Voici ce que dit mon livre : " En réalisant ce réglement , Bernard de Saintes a la certitude que cet arrêté mettra fin définitivement à l'anarchie qui règne dans la prison. Il ne se doute pas que , bientôt , il goûtera lui-même au régime carcéral qu'il a mis en place."

Bientôt , Bernard de Saintes fait des disciples dans la région , disciples qui utilisent les mêmes méthodes que lui.

Les autorités de Franche-Comté ont été tellement traumatisées par le souvenir laissé par Bernard de Saintes qu'elles mutltiplient les contacts pour protéger la région de possibles dégâts que celui-ci serait susceptible encore de faire. Pour cela, elles prennent contact avec la maîtresse de Bonbon Robespierre. Cette personne jouera un rôle important dans la chute de Bernard de Saintes car elle n'oublia jamais l'humiliation qu'il lui fit subir !

Vengeance de femme est un plat qui se mange froid !

Madame de Chimay a écrit:

Vengeance de femme est un plat qui se mange froid !

Redoutable !

Oui, mais là , c'est pour la bonne cause !
Bernard de Saintes était vraiment un homme infâme et pour un peu , Bonbon Robespierre m'apparaît vraiment comme un homme plus sympathique. D'ailleurs, j'ai vraiment envie d'en savoir plus sur lui et de lire sa bio .

Madame de Chimay a écrit:

Bonbon Robespierre m'apparaît vraiment comme un homme plus sympathique. D'ailleurs, j'ai vraiment envie d'en savoir plus sur lui et de lire sa bio .

Peut pas être pire que son frère...

Pourtant Bernard de Saintes m'apparaît pire que Maximilien de Robespierre.
Ce dernier était incorruptible , Bernard de Saintes , non. A lui les belles nanas, les beaux immeubles et châteaux , le fric, la gloire et le pouvoir...
Dallas avant l'heure quant tu nous tiens...
Il y a dans la vie du conventionnel Bernard de Saintes tous les ingrédients d'un bon feuilleton Tv ...

Madame de Chimay a écrit:

Pourtant Bernard de Saintes m'apparaît pire que Maximilien de Robespierre.

Je parlais de Bonbon...

Bernard de Saintes est pire que Bonbon Robespierre car lui, au moins , a fait preuve d'un peu d'humanisme et est parvenu à faire relâcher des personnes que Bernard de Saintes avait fait emprisonner ...
Petit à petit , les deux hommes en sont venus à se haïr !

Seigneur !
Je disais : Bonbon ne peut être pire que son frère....