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 L'ignorance, point de départ ?

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globule
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MessageSujet: L'ignorance, point de départ ?   L'ignorance, point de départ ? Icon_minitimeDim 21 Juin - 12:35

Alain Corbin, "historien du sensible", a publié en février dernier "Terra Incognita : une histoire de l'ignorance" (Albin Michel), sorte de relecture de l’histoire des sciences de la Terre au prisme de l’ignorance entre le XVIIIe et la toute fin du XIXe siècle.

L'ignorance, point de départ ? 97822210

Alain Corbin est souvent surnommé « l’historien du sensible » pour ses travaux novateurs qui couvrent de multiples sujets parmi lesquels l'intimité, l’odorat (Le Miasme et la Jonquille, 1982), le corps, le désir masculin (Les Filles de noce, 1978), l'homme et son rapport au rivage (Le Territoire du vide, 1990), le paysage sonore dans les campagnes françaises du XIXe siècle (Les Cloches de la terre, 1994) ou encore l'apparition des vacances (L’Avènement des loisirs, 1996). Plus récemment, il s'est intéressé à l'Histoire de la virilité avec Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello (2011), à l'arbre comme source d'émotions (La Douceur de l'ombre, 2013), à l'Histoire du silence (2016) et à des Paroles de Français anonymes : au coeur des années trente (2019). Le magazine Marianne disait tout récemment de lui qu'il avait "ouvert la voie à une histoire sociale profondément humaine", autour de sujets qui n’étaient jusque là pas pris au sérieux.

  • "Pour moi l’histoire est un voyage dans le passé comme il y a des gens qui aiment voyager sur la Terre et dans l’espace. Ce voyage dans le passé va à la rencontre de gens différents de nous, et la mission de l’historien est de comprendre ces gens, pas de les juger. Comme le disait Cicéron déjà, l’historien ne doit rien refuser d’entendre. (…) Si on veut jouir de l’histoire, (…) [on doit] comprendre les différences et non tout ramener à l’aune du présent : c’est un point de vue de voyageur dans le temps."
    (Alain Corbin)


Terra Incognita, paru le 26 février dernier chez Albin Michel, se présente comme un "feuilletage des ignorances" du XVIIIe siècle à la Belle Époque, en étudiant plus particulièrement l'histoire des sciences de la Terre au prisme de ce que les hommes ne savaient pas. Il s'agit donc bien d'une histoire à l'envers, d'un "contre-champ" de l'histoire telle que, précisément, nous la connaissons aujourd'hui. L'historien clarifie son enjeu dès les premières lignes de l'introduction : "Comprendre les hommes du temps jadis suppose de prendre en compte ce qu’ils ne savaient pas.". Du milieu du siècle des Lumières au seuil du XXe siècle, à une époque où le désir de savoir dite "libido sciendi" des hommes connaît une très forte accélération, Alain Corbin remet en contexte les avancées, les obstacles mais surtout les lacunes des sciences de la terre alors balbutiantes, entraînant son lecteur avec délectation dans les mystères des volcans, pôles, abysses sous-marins, montagnes et nuages.

  • "Au XVIIIe siècle, soi-disant le siècle des Lumières – c’est vrai par bien des côtés—, on ne savait rien des profondeurs marines, on ne savait pas l’origine des phénomènes atmosphériques, on ne connaissait rien des nuages ni des glaciers, on s’imaginait très mal ce que pouvaient être les fortes altitudes des montagnes (...), on s’imaginait que les ouragans, volcans et tremblements de terre étaient des signes de la colère de Dieu comme le Déluge…"
    (Alain Corbin)


  • "Avant l’extrême fin du XVIIIe, on ne savait pas que les phénomènes atmosphériques venaient de très loin, le localisme triomphait. Puis on a vite compris qu’il y avait des ouragans, des cyclones, des anti-cyclones – ce sont des découvertes du premier XIXe siècle. On a établi des cartes des vents qui aidaient la prévision. C’est très intéressant, mais il faut bien comprendre que c’est tardif !"
    (Alain Corbin)


Or cette exploration scientifique soulève également la question du lien puissant qui unissait les sciences aux arts, les unes nourrissant les autres dans une relation interdépendante. Car ce sont d'abord les peintres comme Caspar Wolf qui ont permis d'analyser la moyenne montagne en la représentant sous tous ses angles, ou les romanciers comme Jules Vernes qui ont fait connaître au grand public les mystères des pôles ou des entrailles terrestres. Mais à l'inverse, l'ignorance joue ici aussi un rôle fondamental pour Corbin : que connaissait Proust des pôles, ou Victor Hugo des nuages ? Rien, et c'est peut-être précisément, propose l'auteur, ce qui leur laissait toute licence poétique.

  • "Quand on lit Chateaubriand, Balzac ou Zola, on n’arrive pas à penser, ou du moins on oublie de penser, à ce qu’ils ne savaient pas."
    (Alain Corbin)


Alain Corbin en vient donc à dire qu'on aurait perdu une forme de "communauté d'ignorance" qui permettait aux hommes de communiquer et de parler librement entre eux, sans honte ni inhibition, notamment au comptoir des cafés. De plus, l'ignorance stimule le rêve, donc la création... Bernardin de Saint-Pierre écrit ainsi en 1784 un véritable éloge de l'ignorance : "Grâce à mon ignorance, je me laisse aller à l’instinct de mon âme. (...) Je n’ai pas besoin de savoir que cette forêt appartient à une abbaye ou un duché, pour la trouver majestueuse.".

  • "[Aujourd'hui] en ce qui concerne l’ignorance, ce qui me frappe c’est cette ignorance partagée (…) par les immunologues et la population, qui a été fascinée par cette ignorance qui était inattendue. (...) Ça renforce ce que je pense : l’ignorance partagée soude les populations. Si à 8h du soir tout le monde se propulsait sur les balcons pour encenser les soignants, ce n’était pas seulement un rite gratulatoire à mon sens mais aussi une façon de se rapprocher des voisins, ça soude cette ignorance partagée."
    (Alain Corbin)


Au terme de cette exploration palpitante, Alain Corbin précise que notre représentation de la Terre est aujourd'hui en plein bouleversement grâce aux avancées de la science : extraction de carottes de glace polaire, nanotechnologies qui explorent les profondeurs terrestres, intelligence artificielle et robotique... À une époque où nous sommes précisément frappés par notre ignorance des causes et de la nature d'un virus qui nous échappe, ce retour sur l'histoire de l'ignorance semble tomber à pic. La question reste ouverte : que gagnerions-nous à admettre que nous ne savons pas tout ?

  • "Il y a une expression que je n’aime pas beaucoup, « sauver la planète ». La planète va disparaître dans 4 milliards d’années peut-être, elle ressemblera à Saturne dans deux milliards, et la disparition du genre humain est inéluctable. C’est pas pour sauver la planète, c’est pour sauver les conditions de vie, de biologie sur la planète qui permettent la persistance du genre humain, de la vie que nous voyons autour de nous. Sur ça je suis assez optimiste finalement, (…) je crois que les courant marins d’une part, l’hydrogène d’autre part ça va nous tirer d’affaire."
    (Alain Corbin)


L'ignorance, point de départ ? 838_in10
Femme seule dans une forêt de séquoias anciens• Crédits : Justin Lewis


Lien pour écouter : https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/en-route-pour-linconnu-25-lignorance-point-de-depart

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