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 Du XVIIIe siècle à aujourd'hui, petite histoire d'une révolution olfactive

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Sublime&Silence

Sublime&Silence


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Date d'inscription : 31/08/2017

Du XVIIIe siècle à aujourd'hui, petite histoire d'une révolution olfactive Empty
MessageSujet: Du XVIIIe siècle à aujourd'hui, petite histoire d'une révolution olfactive   Du XVIIIe siècle à aujourd'hui, petite histoire d'une révolution olfactive Icon_minitimeMar 23 Fév - 14:09

Pour l’historien des sensibilités Alain Corbin, la perception de l’odorat et son influence sur les structures sociales ont considérablement évolué jusqu'à l'époque contemporaine, où la désodorisation atteint son apogée.

Du XVIIIe siècle à aujourd'hui, petite histoire d'une révolution olfactive Image10
« L'Âme de la rose » (1908), de John William Waterhouse. •
©BRIDGEMAN IMAGES



  • Interview Pascale Tournier et Julie Quaillet

    Historien, spécialiste du XIXe siècle en France, Alain Corbin écrit en 1982 le Miasme et la jonquille. Dans cet essai de référence traduit en une dizaine de langues, l’historien analysait les enjeux que soulève la « révolution olfactive ».

    Ainsi nommait-il la modification de la perception des odeurs par la société, d’abord ses élites, puis tous ses pans, depuis la fin du XVIIIe siècle et la « bataille de la désodorisation » menée par les hygiénistes.

    De l’ambiance pestilentielle communément admise à l’hyperesthésie collective, cette entreprise a abouti au silence olfactif de notre environnement. Une « victoire de l’hygiène » poussée à son comble par les masques et les gestes de protection de notre début de XXIe siècle. Rencontre.

    • Comment peut-on décrire une société à partir de l’étude de sa perception des odeurs ?


    Chaque société a une façon de se comporter à l’égard des odeurs : il y a une historicité des façons de humer l’odeur. Et chaque époque a sa façon propre de considérer et de traiter les « mauvaises odeurs ». Dire que, sous Louis XIV, ça « puait » est un anachronisme : rien ne nous dit que, pour le Français de l’époque, les odeurs perçues étaient nauséabondes ! S’il n’existe alors aucune trace de description de puanteur, on sait pourtant que les corridors étaient jonchés de matières fécales et d’urine…

    Un peu plus tard, Louis XVI et Marie-Antoinette se sont fait installer des water-­closets personnels, comme un début de prise de conscience de la fétidité ambiante. Cette nouvelle intolérance olfactive des élites sera rendue plus prégnante encore par les théoriciens de l’hygiénisme au XIXe siècle. Dès lors se dessinent, derrière le déchet désormais nauséabond, les contours d’un nouvel ordre social.

    • Quel est le rôle des odeurs dans la société ?


    Il y a deux approches, scientifique et sociale, pour en rendre compte. La scientifique, d’abord, avec le néohippocratisme : dans la droite ligne d’Hippocrate (IVe siècle av. J.-C.), la pourriture, la mauvaise odeur se fait malsaine, c’est-à-dire vecteur de maladie, et on n’aura de cesse de la traquer.

    De nouveaux usages se répandent au XVIIIe siècle : parmi ceux-ci, l’eau de Javel et le chlore. Des caveaux où s’entassent les corps en putréfaction aux égouts, puis aux étals des bouchers et au pavé des rues, les préfets font asperger du précieux liquide la moindre source de puanteur, participant à l’effort de désinfection.

    L’autre aspect est social. Il consiste à vouloir se distinguer de l’autre en dégageant une odeur forte, ou, au contraire, à la fin du XVIIIe siècle, à se mettre en valeur par sa subtilité. Sous Marie-Antoinette, tout est délicat : les robes sont couleur pastel, on commence à utiliser des eaux de toilette aux parfums doux pour dissimuler les odeurs corporelles, loin des musc, ambre, et civette prisés jusqu’alors : parfois d’origine animale, ils ont désormais la réputation d’exciter les instincts primitifs.

    L’odeur forte, considérée comme une forme d’archaïsme, se fait l’apanage des paysannes. La littérature reflète cette tendance : dans les Rougon-­Macquart, Zola décrit que la séduction se produit à distance dans les classes supérieures tandis que, au bas de l’échelle, on s’empoigne !

    Cette révolution olfactive n’est cependant pas linéaire, le XIXe siècle connaît des hauts et des bas. Avec Joséphine, notamment, qui vient de Martinique et en apprécie les senteurs plus marquées. Bonaparte lui aurait même écrit, revenant de ­campagne : « Ne te lave pas, j’arrive ! » Mais c’est une parenthèse : il y a une vraie volonté des élites de se démarquer du peuple par la délicatesse de ses effluves.

    • L’odorat semble pourtant un sens disqualifié : on fait moins grand cas de sa perte que de celle de n’importe quel autre sens… Comment l’expliquer ?


    Chaque culture autour du monde a une façon de hiérarchiser les sens ; la nôtre, depuis Platon, privilégie deux sens, considérés comme plus nobles : la vue et l’ouïe. Ils disqualifient l’odorat et le toucher car, en quelque sorte, trop « animaux ». Flairer assimile à la bête. Victime de sa fugacité, la sensation olfactive ne saurait solliciter durablement la pensée…

    Mais, sens de l’animalité, il est aussi celui de la conservation, et les efforts sanitaires de Jean-Noël Hallé, ce médecin qui entreprit la désinfection de Paris, s’appuyant sur la mission de sentinelle de l’odorat, enrayent un temps la disqualification de ce parent pauvre des sens.

    Là encore, la littérature entre en jeu : parmi d’autres, Rousseau, qui le nomme le sens « de l’imagination et du désir », en fait la promotion. Pour eux, l’odorat ébranle le psychisme plus profondément que l’ouïe ou la vue. Le discours hésitant sur le sujet démontre qu’on aurait trop vite fait de reléguer l’odorat hors du champ de l’histoire sensorielle.

    • Les odeurs ont donc encore leur sens social ?


    Là encore, nous sommes confrontés aux aléas de l’histoire : après Mai 68, certains jeunes se sont émancipés des codes de l’élite, cette liberté nouvelle passant notamment par moins d’hygiène. Mais cette mode a été transitoire ! Sans doute, justement, car la tolérance à la mauvaise odeur est très basse et qu’elle reste un élément de distinction sociale et personnelle.

    La tolérance à la mauvaise odeur reste un élément de distinction sociale et personnelle.

    Par ailleurs, il existe une dimension spatiale à la discrimination sociale liée à l’odorat : ce que l’on pourrait nommer une « géographie sensorielle ». Outre le fait que les villes s’organisent en fonction des odeurs, en reléguant en périphérie les activités sources de puanteur, des thèses actuelles ont démontré que le prix de l’immobilier était moins élevé dans les quartiers qui « sentent » plus fort, et que l’on éprouvait différemment les odeurs si l’on est né à Brest ou dans sa campagne…

    Aujourd’hui, les masques créent un filtre supplémentaire. On constate comme un amenuisement de l’être, encore plus évident chez les anosmiques, qui sont malheureux. Même si, au fond, c’est toute notre faculté de respirer qui est mise à mal.


https://www.lavie.fr/idees/histoire/du-xviiie-siecle-a-aujourdhui-petite-histoire-dune-revolution-olfactive-71401.php


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