27 août 1718: A Carcassonne

Un exécution ratée, le bourreau lynché.
"Émotion populaire".
Carcassonne, Aude, 1718.

Instrument de la justice, personnage tout aussi méprisé que craint, le bourreau de Carcassonne officie le samedi 27 août 1718, sur la place publique de la ville, jour de marché.

Si la foule, curieuse, est nombreuse, elle n'en attend pas moins un travail "bien fait".

L'exécuteur de la haute justice va payer cher sa maladresse.

"Le 27 dfe ce mois, jour de samedi, plusieurs personnes domiciliées en la présente ville et autres des villages circonvoisins, s'estant par curiosité rendues à la place publique pour être présentes à certaine exécution à mort qui s'y fit ce jour là d'une manière très cruelle par la faute de l'exécuteur de la haute justice et dans le tems que ledit exécuteur d'en retournoit chez lui, il seroit arrivé qu'un grand nombre de personnes qu'on a reconnu être des artisans de cette ville portant des tabliers et des païsans de la campagne qui estoient venus au marché, lesquels estant indignés contre ledit exécuteur à cause de ladite exécution qu'il avoit si mal faite, auroient avec une fureur sans mesure couru après ledit exécuteur et à grands coups de pierres et de bastons l'auroient assommé le long de la rue dite des Carmes".
Vers les " quatre heures après midy", le "conseiller du roy, magistrat présidial en la sénéchaussée de Carcassonne" se rend dans la rue des carmes "y aiant eu une émotion populaire contre l'exécuteur de la haute justice lequel a esté assommé à coups de pierres et bastons et ensuitte porté dans son domicille près de la porte appellée la porte des Carmes".
Le magistrat, accompagné d'un médecin, y trouve "un cadavre estandu à terre ... auquel nous aurions trouvé plusieurs blessures à la teste, estant tout sanglant".
Les premiers témoignages accusent plusieurs hommes qui ont été repérés dans le tumulte "trois jeunes hommes d'une taille avantageuze, couleur bazanée, cheveux châtains, âgés de vingt ans, vestus d'une veste de toille, habitant de la présente ville".

L'enquête est lancée et seront repérés comme "meneurs":

-Le nommé La Montagne, cy devant laquais
-Rouilh, portefaix
-Cristophle
-Hiérome, cardeur
-Un jeune homme nommé François
-Jean Gout, 24 ans, boulanger de Carcassonne
-Pierre Mélair, garçon sculpteur.
Seuls ces deux derniers (d'après ce qui reste de la liasse du procès) seront arrêtés et interrogés.

Témoignages:
Antoine Mazières, métayer, 50 ans:
Le 27 août, "menant sa charrette, estant à l'entrée de la rue des Carmes, il vit une grande foule quy s'aprocha de la charrette et quelques uns de cette foule qu'il ne connoist pas, luy enlevèrent les bastons de sa charrette malgré luy".
Raymond Gouny, tisserand de draps des faubourgs, 18 ans:
"Passant à la rue des Carmes pour aller à la place publique ... pour y voir l'exécution qu'on y devoit faire, il fust arrêté par ladite rue par une quantité prodigieuse de peuple quy, tout animé, poursuivoient l'exécuteur ... qui feust (fut) assommé dans ladite rue à coups de bastons et de pierres".
Pierre Gros, boulanger, 52 ans :
"Estant à sa boutique ... il avoit ouï une grande rumeur à la place publique ... et avoit ouï en même temps que plusieurs gens disoient que le bourreau avoit manqué l'exécution, ce quy, luy ayant donné la curiosité d'y (aller), il auroit veu (vu) que ledit bourreau fuioit à grands pas du cotté de la rue des Carmes poursuivy par une grande multitude de peuple, lequel dit bourreau se seroit d'abord jetté dans sa boutique pour esviter les mauvais traitements de cette multitude quy bientost après l'auroit fait sortir de ladite boutique et il auroit esté obligé de se reietté (rejeter) dans la boutique voisinne (des Demoiselles Degros)".
Il en est ensuite extirpé par "un grand nombre de gens quy tenoient des gros battons et quelques autres quy jetoient des pierres".
Jean Sevy, maître cardeur, 42 ans :
"Il devoit se faire une exécution à la place publique de ladite ville, il s'y seroit rendu avec le nommé Pierre Puiol ... pour voir ladite exécution mais comme il seroit arrivé que le bourreau l'avoit mal faitte, il auroit veu une multitude de peuple qui estoit présent, se seroit partagée en deux après que le bourreau eut pris la fuite dont l'une auroit pris du cotté de la rue des Carmes et l'autre du cotté du couvent de ladite place ....
Se retirant chez luy une heure après ... passant par la rue des Carmes, il auroit ouï dire qu'on avoit tué le bourrau et continuant leur chemin, il auroit veu au millieau de ladite rue ... une foule de gens atroupés autour du cadavre ... et s'estant aproché par curiosité, il auroit eu de la paine de (le) reconoitre tant il estoit murtry".
Françoise Marty, 48 ans, dit "qu'estant dans sa boutique, rue des Carmes, auroit veu que le bourreau avoit été d'abord attaqué par trois jeunes hommes qui auroient crié : "Tue! Tue!".

Des deux jeunes hommes inculpés, la liasse ne dit rien du verdict et de la sentence qui leur ont été rendus.

 
AD Aude, série judiciaire, B830.