Louis Gamain

Dans une émission radiophonique , j'ai entendu ce matin Franck Colard, en promotion pour son ouvrage Pouvoir et Poison, évoquer le serrurier Louis Gamain qui a fabriqué la fameuse armoire de fer pour son élève ou plutôt collaborateur de confection, Louis XVI...Malgré sa délation, il est compromis lors du procès du Roi.
Franck Collard a parlé du fait que Louis Gamain aurait été témoin au procès de Marie-Antoinette qu'il aurait accusée d'avoir voulu l'empoisonné...pour se disculper d'être royaliste...
Il me semble n'avoir jamais entendu parler de cela...Me trompé-je?

Bien à vous.

De quelle délation parles-tu Majesté?

J'ignorais aussi cela...mais alors ce Franck Collard aurait trahi un royaliste puis ensuite Marie-Antoinette? Et bien...

Cette accusation ne me dit rien non plus. Mais ça peut m'avoir échappé. Le compte-rendu du procès de la reine est accessible ici.

Effectivement, ce misérable Gamain a inventé une fable destinée à faire passer Louis XVI pour un de ces despotes orientaux de l'Antiquité qui faisaient empoisonner des témoins gênants (comme par exemple, dans les légendes, l'architecte qui connaissait l'emplacement où tous les trésors du royaume étaient cachés).

La fable de Gamain, c'est un peu ça. C'est Gamain en effet qui a installé la fameuse armoire de fer. Et c'est lui qui a indiqué son emplacement à Roland de la Platière. Pour se donner du crédit, ce misérable ingrat (au père duquel Louis XVI avait ménagé une place de choix, puisque c'est lui qui avait enseigné la serrurerie au Roi) prétendait que Louis XVI (et non Marie-Antoinette) avait tenté de l'empoisonner pour qu'il emporte le secret dans la tombe. Quel secret, d'ailleurs? Lisez l'Enquête sur le procès de Louis XVI, par Paul et Pierrette Girault de Coursac, et vous verrez qu'il n'y avait rien de bien compromettant dans la trop célèbre armoire.
Quant à cette affaire d'empoisonnement, quelle grotesque plaisanterie! Des dizaines de témoins ont pu voir ce scélérat se pavaner en parfaite santé à l'époque où il disait avoir été agonisant à cause du poison.

C'est dommage que les biographes de la Reine ou même des contemporains n'en parlent pas, car c'est intéressant à savoir! Merci petit Normand!

Oui il a juste essayé comme il a pu de sauver sa vie quoi...c'est sûr que côté fidélité il y a du boulot...
Et puis...Louis XVI tenter d'empoisonner quelqu'un? Mais ce n'est pas du tout crédible...

Si les biographes de Marie-Antoinette n'en parlent pas c'est sans doute tout simplement que comme l'indique Petit Normand, Franck Collard confond les deux procès car une affaire d'empoisonnement devait faire meilleur effet auprès de ses lecteurs si elle concernait Marie-Antoinette plutôt que Louis XVI...:s:

Bien à vous.

La clef du mystère se trouve sur cet excellent site. Où l'on apprend que Gamain invente une histoire pour arranger ses affaires (patriotiques et financières), y mèle la reine, y confond commodément les dates... et le fin mot de l'histoire, aussi.

L'affaire se traite à la tribune le 28 floréal an II (17 mai 1794). J'épingle ces phrases extraites du discours prononcé par le représentant Peyssard. Edifiant !

C'est à la tribune de la liberté que doivent retentir les crimes des oppresseurs du genre humain. Pour peindre un roi dans toute sa laideur, je n'aurai recours ni à l'histoire ancienne, ni aux longues horreurs dont la monarchie que vous avez brisée offre l'enchaînement désastreux, j'en saisirai seulement le dernier anneau. Je nommerai Louis XVI; ce mot renferme tous les forfaits; il rappelle un prodige de scélératesse et de perfidie; à peine il sortait de l'enfance qu'on vit se développer en lui le germe de cette féroce perversité qui caractérise un despote. Ses premiers jeux furent des jeux de sang, et sa brutalité croissant avec son âge, il se délectait à l'assouvir sur tous les animaux qu'il rencontrait.

On sait le parti qu'il a tiré d'un tel apprentissage; on sait combien les pages de la révolution ont été rougies du sang versé par ses mains homicides, mais on avait ignoré le dernier procédé de sa barbarie. On le connaissait cruel, traître et assassin. L'objet de ce rapport est de le montrer à la France entière, présentant de sang-froid un verre de vin empoisonné à un malheureux artiste qu'il venait d'employer à la construction d'une armoire, destinée à receler les complots de la tyrannie. Vous penserez peut-être que ce monstre avait jeté les yeux sur une victime inconnue; c'est au contraire un ouvrier employé par lui depuis vingt-six ans; c'est un homme de confiance ; c'est un père de famille qu'il assassine, avec un air d'intérêt et de bienveillance (Capet était l'élève de Gamain dans l'art de la serrurerie). Êtres affreux, qui récompensez ainsi ceux qui vous servent, quel cas faites-vous donc du reste des hommes ? Quel sort leur est réservé par vos caprices ? La France le sait, elle a donné l'exemple à la terre, et la terre sera bientôt déroyalisée.

Citation :

on sait combien les pages de la révolution ont été rougies du sang versé par ses mains homicides

Ca, c'est un comble !

C'est quand même assez étrange toute cette histoire, car il me semble que Gamain a fait la rampe de l'escalier du Petit Trianon, ou le chiffre de la Reine, je ne me souviens plus très bien. Ceci dit il a participé à la confection de l'escalier.
Mr de Talaru

D'après le document que nous a posté Pim, il semblerait surtout qu'on a utilisé le nom de Gamain pour créer une accusation contre le Roi...mais si Louis XVI était son élève, en tant d'années de complicité dans ce labeur de passion, les deux hommes devaient sûrement partager une certaine amitié .

Bien à vous.

Ce qui n'a pas empêché Gamain de raconter cette histoire abracadabrante ! Sans oser aller jusqu'à accuser le roi de l'avoir littéralement empoisonné, d'accord... belle preuve d'amitié...

Oui ce discours me laisse perplexe...
Disons qu'il est encore plus exagéré et faux que les discours pro-révolutionnaires, dans le sens où ce discours là est plus anti-royaliste et surtout anti-Louis XVI...il ne vise pas à montrer que la révolution est nécessaire, il vise à incendier Louis XVI...au résultat ça donne ce truc

Encore un peu et il voudrait qu'on pleure sur ce "fildèle serviteur"

... bon père de famille, et tout et tout...

Avec une femme malade et des enfants en bas âge...bref une machine à attendrir

pimprenelle a écrit:

Ce qui n'a pas empêché Gamain de raconter cette histoire abracadabrante !

J'ai osé croire que ce puisse fianalement être une calomnie vis à vis du serrurier... J'avais foi en la notion d'amitié ...Tu parles !
Louis Gamain ne pouvait pas ignorer la bonté de Louis XVI...c'est donc un véritable scélérat !

Bien à vous.

... hé, mais une rétribution à vie, ça étouffe pas mal les scrupules... Plutôt que le risque de finir sur l'échafaud parce qu'on a été trop proche du tyran !

C'est comme ça qu'on forge de bons patriotes !

pimprenelle a écrit:

La clef du mystère se trouve sur cet excellent site. Où l'on apprend que Gamain invente une histoire pour arranger ses affaires (patriotiques et financières), y mèle la reine, y confond commodément les dates... et le fin mot de l'histoire, aussi.

L'affaire se traite à la tribune le 28 floréal an II (17 mai 1794). J'épingle ces phrases extraites du discours prononcé par le représentant Peyssard. Edifiant !

C'est à la tribune de la liberté que doivent retentir les crimes des oppresseurs du genre humain. Pour peindre un roi dans toute sa laideur, je n'aurai recours ni à l'histoire ancienne, ni aux longues horreurs dont la monarchie que vous avez brisée offre l'enchaînement désastreux, j'en saisirai seulement le dernier anneau. Je nommerai Louis XVI; ce mot renferme tous les forfaits; il rappelle un prodige de scélératesse et de perfidie; à peine il sortait de l'enfance qu'on vit se développer en lui le germe de cette féroce perversité qui caractérise un despote. Ses premiers jeux furent des jeux de sang, et sa brutalité croissant avec son âge, il se délectait à l'assouvir sur tous les animaux qu'il rencontrait.

On sait le parti qu'il a tiré d'un tel apprentissage; on sait combien les pages de la révolution ont été rougies du sang versé par ses mains homicides, mais on avait ignoré le dernier procédé de sa barbarie. On le connaissait cruel, traître et assassin. L'objet de ce rapport est de le montrer à la France entière, présentant de sang-froid un verre de vin empoisonné à un malheureux artiste qu'il venait d'employer à la construction d'une armoire, destinée à receler les complots de la tyrannie. Vous penserez peut-être que ce monstre avait jeté les yeux sur une victime inconnue; c'est au contraire un ouvrier employé par lui depuis vingt-six ans; c'est un homme de confiance ; c'est un père de famille qu'il assassine, avec un air d'intérêt et de bienveillance (Capet était l'élève de Gamain dans l'art de la serrurerie). Êtres affreux, qui récompensez ainsi ceux qui vous servent, quel cas faites-vous donc du reste des hommes ? Quel sort leur est réservé par vos caprices ? La France le sait, elle a donné l'exemple à la terre, et la terre sera bientôt déroyalisée.

Citation :

on sait combien les pages de la révolution ont été rougies du sang versé par ses mains homicides

Ca, c'est un comble !

Oh mince, je ne savais pas que vous aviez déjà pris la peine de recopier tout ce discours effroyable. Je l'ai fait également dernièrement pour le sujet des Après-Midi de Louis XVI.
https://maria-antonia.forumactif.com/louis-xvi-f63/les-apres-midis-de-louis-xvi-jd-bourzat-t1468-75.htm

Je vois que nous en tirons les mêmes conclusions.