Un sujet
artistique ça fait du bien N'oublions pas ce
rare tableau de
Turner qui a crevé les plafonds en juillet.
Cette peinture représente la forteresse en ruine d'
Ehrenbreitstein, près de
Coblenz.
Il fait partie d'une série de
5 oeuvres témoignant de la
maîtrise la plus aboutie de l'artiste.
Cette rareté n'avait plus été vue depuis
des lustres et est reparue à l'occasion de cette vente.
Merci qui ?
Merci Sotheby's. Si le tableau n'a pas atteint son estimation
haute (25 millions £), il est monté jusqu'à la somme tout de même
astronomique de 18,5 millions £.
Quand on aime on compte pas Mais il est vrai que l'oeuvre est
chargée.
Voici ce qu'écrivait Béatrice De Rochebouet dans
Le Figaro avant la vente
Symbole de mélancolieEhrenbreitstein fut un endroit important pour Turner. L'obélisque en arrière-plan, est dédié au grand général de l'armée française, François-Sévérine Marceau-Desgraviers, héros de guerre ayant participé aux sièges de la forteresse en 1795 et en 1796. Son courage lui valut le respect de ses plus farouches ennemis: une délégation de l'armée autrichienne, responsable de sa mort, vint assister à ses funérailles, au nord de Coblenz. Pour Turner, Marceau s'imposa comme le symbole de la paix retrouvée dans une Europe unifiée.
Bien plus qu'un paysage, le titre complet donné au tableau par Turner, «Ehrenbreitstein, or The Bright Stone of Honour and the Tomb of Marceau, from Byron's Childe Harold», évoque un passage du Canto III du poème épique de Lord Byron, «Childe Harold's Pilgrimage», réunissant deux des figures les plus romantiques du XIXe siècle. Turner partageait la sensibilité romantique de Byron. Tous deux ont survécu à la tourmente des guerres de la Révolution française. Tous deux étaient de fervents défenseurs de la paix.
Lorsque Byron évoque la forteresse d'Ehrenbreitstein, il est submergé par la mélancolie qui l'étreint. Mais, chez Turner, la forteresse semble délivrer une symbolique plus optimiste: la paix estompe le souvenir de la guerre. L'ancienne bâtisse disparaît presque dans la brume, pour devenir un décor de la vie quotidienne.
La version d'Ehrenbreitstein que propose Sotheby's est restée en mains privées depuis des années. Elle n'a pas été vue en France depuis plus de trente ans. À Paris, l'œuvre a été exposée au Grand Palais en 1983-1984, lors d'une rétrospective consacrée à l'artiste. Et, avant cela, au Petit Palais en 1972, pour une exposition sur «La Peinture romantique anglaise et les Préraphaélites».
Un précédent à 30 millions de livresÀ l'origine, la peinture fut réalisée pour l'éditeur John Pye, un ami proche de Turner. Elle devait servir de base pour une grande gravure. Pye s'attendait à recevoir une aquarelle. Mais Turner, épris par la beauté de l'endroit et sa symbolique, déclara que seule une peinture à l'huile pourrait rendre la grandeur et la luminosité du paysage. Il en résulte ce magnifique tableau (93 x 123 cm) que Pye mit onze ans à transcrire en gravure tant il était riche de détails.
Le contrat entre les deux hommes stipulait que le tableau rejoindrait la galerie de Turner une fois la gravure complétée. C'est là qu'il fut admiré pour la première fois, par Elhanan Bicknell, celui qui allait devenir le principal mécène de l'artiste. Il est fort probable que ce dernier ait découvert l'œuvre de Turner grâce à John Ruskin, un voisin et grand admirateur du peintre à Herne Hill. Dès 1841, Bicknell acquit sept chefs-d'œuvre de Turner (tous dans des musées tels la Tate Britain, The Yale Centre for British Art, The Frick Collection et le Met à New York) dont cette toile dédiée à la forteresse d'Ehrenbreitstein acquise directement en 1844 auprès de l'artiste.
À sa mort en 1863, la collection de Bicknell fut dispersée aux enchères, chez Christie's. La toile fut achetée par la galerie Agnew de Londres pour le compte de Ralph Brockelbank (1803-1892). Elle fut à nouveau revendue en 1942, par l'intermédiaire du même marchand Agnew, à Wentworth Beaumont, deuxième vicomte Allendale (1890-1956), puis revint à son fils, troisième vicomte Allendale (1922-2002), avant d'être acquise pour 88.000 livres, une fois encore par Agnew, pour le compte du père de l'actuel propriétaire qui met la toile en vente en juillet chez Sotheby's. Son estimation est entre 15 et 25 millions de livres.
L'apparition d'un tableau d'une qualité aussi exceptionnelle que celui prochainement vendu à Londres remonte à 2014 quand Rome, depuis le mont Aventine, toile réalisée la même année que Ehrenbreitstein, a été vendue chez Sotheby's pour 30,3 millions de livres (47,4 millions de dollars), décrochant ainsi un prix record pour un artiste britannique aux enchères. Ce résultat a propulsé Turner aux côtés de Rubens et de Raphaël, parmi les trois artistes pré-impressionnistes ayant frôlé, ou franchi, la barre des 50 millions de dollars en vente publique.
http://www.lefigaro.fr/culture/encheres/2017/04/04/03016-20170404ARTFIG00312-une-celebre-toile-de-turner-reapparait-en-vente-a-londres.php