Lorsque le scandale se préciseLe 28 décembre 1784, se présentant toujours comme une amie intime de la reine, la comtesse de la Motte rencontre les joailliers Bœhmer et Bassange qui lui montrent le collier de 2 840 carats; ils souhaitent rapidement vendre le bijou car ils se sont endettés pour le constituer. C'est à ce moment là que Charlotte imagine un plan pour entrer en possession du bijou. Elle déclare alors au joaillier qu’elle va intervenir pour convaincre la reine d’acheter le collier, mais par le biais d’un prête-nom.
En France, les deux joailliers et le cardinal commencent à s’étonner d’un fait très étrange : à Versailles, la reine ne porte pas le collier… Évidemment, la « comtesse » s’empresse de les rassurer pour gagner du temps : la reine attend une grande occasion digne du bijou. Bien-sûr, la vente doit rester absolument secrète… Juillet 1785 arrive. La première échéance approchant, Jeanne de La Motte veut encore gagner du temps. Elle annonce au cardinal que la reine a des difficultés pour le rembourser mais souhaite évidemment s’acquitter de sa dette. « Elle » demande qu’on lui trouve des prêteurs dignes de confiance. Toujours aussi incroyablement naïf, de Rohan ne s’inquiète de rien. Et tout aurait pu tranquillement continuer ainsi pour nos escrocs.
L’escroquerie
Le 28 décembre 1784, se présentant toujours comme une amie intime de la reine, elle rencontre les joailliers Bœhmer et Bassange qui lui montrent le collier de 2 840 carats5 qu'ils souhaitent rapidement vendre car ils se sont endettés pour le constituer6. Tout de suite elle imagine un plan pour entrer en sa possession. Elle déclare au joaillier qu’elle va intervenir pour convaincre la reine d’acheter le bijou, mais par le biais d’un prête-nom. De fait, le cardinal de Rohan reçoit en janvier 1785 une nouvelle lettre, toujours signée « Marie-Antoinette de France »7, dans laquelle la reine lui explique que ne pouvant se permettre d’acquérir ouvertement le bijou, elle lui fait demander de lui servir d’entremetteur, s’engageant par contrat à le rembourser en versements étalés dans le temps — quatre versements de 400 000 livres — et lui octroyant pleins pouvoirs dans cette affaire.
En outre la comtesse s’est ménagé la complicité de Cagliostro, dont le cardinal est fanatique (il ira jusqu’à déclarer « Cagliostro est Dieu lui-même ! »). Devant le cardinal, le mage fait annoncer par un enfant médium un oracle dévoilant les suites les plus fabuleuses pour le prélat s’il se prête à cette affaire : la reconnaissance de la reine ne connaîtra plus de bornes, les faveurs pleuvront sur la tête du cardinal, la reine le fera nommer par le roi premier ministre. Le 1er février 1785, convaincu, le cardinal signe les quatre traites et se fait livrer le bijou qu’il va porter le soir même à Mme de La Motte dans un appartement qu'elle a loué à Versailles. Devant lui, elle le transmet à un prétendu valet de pied portant la livrée de la reine (qui n’est autre que Rétaux de Villette). Pour avoir favorisé cette négociation, l’intrigante bénéficiera même de cadeaux du joaillier.
Immédiatement les escrocs ont desserti maladroitement le collier en abîmant les pierres précieuses et commencé à revendre les pierres. Rétaux de Villette a quelques ennuis en négociant les siennes. Leur qualité est telle, et, pressé par le temps, il les négocie si en dessous de leur valeur, que des diamantaires soupçonnent le fruit d’un vol et le dénoncent. Il parvient à prouver sa bonne foi et part à Bruxelles vendre ce qu'il lui reste. Le comte de La Motte part de son côté proposer les plus beaux diamants à deux bijoutiers anglais de Londres. Ceux-ci, pour les mêmes raisons que leurs collègues, flairent le coup fourré. Ils envoient un émissaire à Paris : mais aucun vol de bijoux de cette valeur n’étant connu, ils les achètent, rassurés. Les dernières pierres sont donc vendues à Londres.
Pendant ce temps, la première échéance est attendue par le joaillier et le cardinal pour le 1er août. Toutefois, l’artisan et le prélat s’étonnent de constater qu’en attendant, la reine ne porte pas le collier. Mme de La Motte les assure qu’une grande occasion ne s’est pas encore présentée, et que d’ici là, si on leur parle du collier, ils doivent répondre qu’il a été vendu au sultan de Constantinople. En juillet cependant, la première échéance approchant, le moment est venu pour la comtesse de gagner du temps. Elle demande au cardinal de trouver des prêteurs pour aider la reine à rembourser. Elle aurait, en effet, du mal à trouver les 400 000 livres qu’elle doit à cette échéance. Mais le bijoutier Bœhmer va précipiter le dénouement. Ayant eu vent des difficultés de paiement qui s’annoncent, il se rend directement chez la première femme de chambre de Marie-Antoinette, Mme Campan, et évoque l’affaire avec elle8. Celle-ci tombe des nues et naturellement va immédiatement rapporter à la reine son entretien avec Boehmer. Marie-Antoinette, pour qui l’affaire est incompréhensible, charge le baron de Breteuil, ministre de la Maison du Roi, de tirer les choses au clair. Le baron de Breteuil est un ennemi du cardinal de Rohan, ayant notamment convoité en vain son poste d'ambassadeur à Vienne. Découvrant l’escroquerie dans laquelle le cardinal est impliqué, il se frotte les mains, et compte bien lui donner toute la publicité possible.