André Le Nôtre portant l'ordre de Saint-Michel, par Carlo Maratta, château de Versailleshttps://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Le_N%C3%B4tre
Décès d'André Le NôtreAndré Le Nôtre est le jardinier du roi Louis XIV. Durant ses fonctions, de 1645 à 1700, il est chargé d'aménager les parcs et jardins du château de Versailles, Vaux-le-Vicomte et Chantilly. Il est anobli en 1675 et intègre l'Académie royale d'architecture en 1681. Il décède le 15 septembre 1700.
Le Nôtre est anobli par Louis XIV en 1675 : il reçoit, à cette occasion, l'ordre de Saint-Michel suivi, en 1681, de l'ordre de Saint-Lazare. Quand Louis XIV lui impose des armoiries, il se moque en disant qu'il a déjà « trois limaçons couronnés d’une pomme de chou avec une bêche et un râteau14 ». Le roi lui fait composer un blason « de sable à un chevron d'or accompagné de trois limaçons d'argent, les deux du chef adossés et celui de la pointe contourné15 ». Il forme de nombreux disciples, dont son neveu, Claude Desgots. Par le mariage de sa sœur Élisabeth Le Nôtre avec Pierre Desgots, il se trouvait en effet en lien avec cette famille de jardiniers du roi, ayant notamment travaillé avec Pierre II Desgots qui est certainement l'auteur de variantes d'ouvrages commandés à son oncle André16.
Fin avril 1679, il se rend, avec l'autorisation du roi, à Rome15. Colbert écrit à l'ambassadeur de France à Rome que Le Nôtre voyage « non pas tant pour sa curiosité que pour rechercher avec soin s'il trouvera quelque chose d'assez beau pour mériter d'estre imité dans les Maisons Royales, ou pour lui fournir de nouvelles pensées sur les beaux dessins qu'il invente tous les jours, pour la satisfaction et le plaisir de Sa Majesté17. » S'il admire les fontaines de la villa Aldobrandini et d'autres jardins, il estime que les jardins italiens ne s'approchent pas des français18. L'influence du voyage en Italie sur l'œuvre de Le Nôtre demeure mal connue19.
Le Nôtre visite également le Bernin, chargé de sculpter une statue équestre du roi, et l'académie de France à Rome dont il est chargé de s'assurer de la qualité de l'enseignement dispensé aux élèves20. Ayant appris sa présence à Rome, le pape Innocent XI demande à rencontrer Le Nôtre21. Selon Saint-Simon, le pape veut lui confier le tracé des jardins pontificaux. À la fin de leur entrevue, Le Nôtre déclare « Je ne me soucie plus de mourir puisqu'à présent j'ai devisé familièrement avec les deux plus grands hommes du monde, Votre Sainteté et le Roi mon maître ». Le pape répond « Votre roi est un grand prince victorieux, moi je ne suis qu'un pauvre prêtre. Il est encore assez jeune, moi je suis vieux ». Le jardinier rétorque « Mon révérend Père, vous vous portez bien, vous enterrerez tout le Sacré Collège ». Les deux hommes éclatent de rire et, sous le coup de l'émotion, Le Nôtre embrasse sur les deux joues le pape avant de baiser sa mule. Le duc de Créquy parie avec le roi Louis XIV mille louis que cette scène est une baliverne ; il perd son pari qui confirme le surnom du jardinier le « bonhomme Le Nôtre »22. La véracité de cette anecdote est toutefois contestée par Voltaire, qui se fonde sur le témoignage d'un disciple de Le Nôtre, et ajoute : « on n'a pas besoin de ce témoignage pour savoir qu'un intendant des jardins ne baise point les papes et les rois des deux côtés23,24. »
À partir de 1681, Le Nôtre assiste en tant qu'auditeur libre aux séances de l'Académie royale d'architecture25. Il intervient dans l'aménagement des jardins du château de Meudon pour Louvois en 1679-1691 et participe aux aménagements du château de Marly-le-Roi, dernière résidence voulue par Louis XIV, en 1692. Il est cependant agacé par les velléités du Roi-Soleil à vouloir concevoir ses propres jardins26. Il cesse donc de travailler pour ce dernier tout en lui offrant ses plus belles œuvres d'art en 1693. Il fait encore des projets : il envoie par lettre ses instructions pour les châteaux de Charlottenburg et Cassel en Allemagne en 1694 et adresse à Guillaume III d'Angleterre des plans pour le château de Windsor en 1698. Dyslexique comme en témoignent ses quelques traces écrites, il aurait compensé ce trouble par une vision en trois dimensions et un champ de vision plus large que ceux des normo-lecteurs27.
En 1693, André Le Nôtre se retire dans sa maison près du pavillon de Marsan dans le palais des Tuileries, auprès de son épouse et de ses nièces et neveux qu'il a adoptés après la mort de ses trois enfants. Sa maison était entourée d’un jardin qu’il entretenait lui-même. Il continuait cependant pendant cette fausse retraite (provoquée notamment par la concurrence de Jules Hardouin-Mansart) de travailler pour les particuliers et souverains étrangers. Il y meurt le 15 septembre 1700 à l'âge de 87 ans, laissant une fortune estimée à un million de livres2. Ses obsèques sont célébrées en l'église Saint-Germain-l'Auxerrois puis il est inhumé en l'église Saint-Rochnote 2. Selon ses désirs, il est inhumé sans cérémonie. La chapelle qui accueille son tombeau est ornée d’une peinture de Jean Jouvenet, intitulée le Martyre de Saint-André. Sa veuve, Françoise Langlois, commanda peu après au sculpteur Pierre Cotton un monument funéraire pour honorer la mémoire de son mari. Réalisé avant 1707, il prit place face au maître-autel, sous une grande arcade. Se détachant sur un fond de marbre veiné de couleur, il se composait d’une allégorie en marbre blanc tenant l’épitaphe du jardinier, en lettres d’or sur un marbre noir, le tout surmonté des armoiries du défunt, avec les fameux trois limaçons et le collier de l’ordre de Saint-Michel ; au-dessous, à hauteur du spectateur, était placé sur une console le buste du défunt, la tête légèrement tournée vers la droite, commandé spécialement à un des maîtres de la sculpture funéraire du temps, Antoine Coysevox28. La sépulture est profanée lors de la Révolution, il ne subsiste que le buste d’Antoine Coysevox29.
Il n'a laissé cependant aucun écrit pédagogique, ni journal ni mémoires. Il reste quelques courriers adressés aux grands de son siècle. L'un des premiers à théoriser son apport est Antoine-Joseph Dezallier d'Argenville qui, en 1709, reprend ses principales œuvres pour écrire la Théorie et la pratique du jardinage.
Il laisse derrière lui de nombreux jardins aménagés à la française reconnaissables par leurs perspectives et leurs géométries parfaites, connus et renommés partout dans le monde.