Série "Marie-Antoinette" (1975) de Guy-André Lefranc, avec Geneviève Casile
La série nous est proposée dans un coffret 4 DVD édité par Elephant Films. Un mauvais point en ce qui concerne le packaging qui voit le DVD 1 posé dans un volet amovible et les DVD 2, 3 et 4 posés les uns sur les autres dans le corps du boîtier, ce qui peut peut-être à la longue abîmer la surface de lecture de deux des trois DVD. Passons sur cet aspect des choses. Surprenant aussi de vendre cette série répartie sur 4 DVD : la mini-série "Guerre et paix" de 2007 en 4 épisodes d'une durée équivalente est vendue par France Télévisions Distribution en 2 DVD. Choix identique pour cette série "Marie-Antoinette" de la part de l'éditeur allemand Pidax Film Media Ltd. : 2 DVD !
Concentrons-nous maintenant sur les caractéristiques techniques de ce coffret Elephant Films. La série est proposée dans un télévidéo magnétoscopé (le générique fait foi, ainsi que les bandes typiques d'un enregistrement vidéo sur cassette qui apparaissent sur l'image), qui vient des archives de l'INA (les DVD allemands utilisent certainement la même source vidéo). L'image, qui n'a certainement pas été restaurée, laisse quand même apparaître des couleurs souvent chatoyantes et pimpantes. Malheureusement, il n'en va pas de même pour la définition, souvent en retrait, qui peut présenter des flous sur les décors, les contours voire les visages. En fonction des DVD, le ratio d'image semble osciller entre le 1 : 33 et le 1 : 37, en 4/3, format original de la série respecté mais qui donne parfois bizarrement une image écrasée qui étire légèrement les visages en longueur. Un point noir pour le DVD 3 "Le roi n’a qu’un homme : sa femme ! " où l'image 1 : 33 4/3 s'affiche sur des bandes bleu foncé et où il y a beaucoup d'artefacts dus à un enregistrement vidéo abîmé !
Ces considérations techniques passés en revue quelle valeur accorder à cette série ? Historiquement, et au vu de son origine télévisuelle, le propos est ici très sérieux, plutôt bien documenté et présente une assez bonne rigueur historique. Bien sûr, ici ou là, on peut relever un certain nombre d'erreurs, parfois grossières (au moment de sa mort, ce n'est plus un frère de Marie-Antoinette qui est empereur, mais François Ier, neveu de Marie-Antoinette), parfois vénielles (quelques superpositions de dates et événements dans la Partie 2 : "Une reine pour Figaro"), mais l'ensemble est une oeuvre assez objective voulant présenter la vie de la Reine, sous à peu près tous ses aspects, et toutes ses facettes, même les moins sympathiques. Cependant les parties ne sont pas toutes de qualité équivalente.
La première partie, "Les délices du royaume" est vraiment réussie, nous narrant les premières années de Marie-Antoinette, les écueils de son parcours de dauphine et la construction de sa personnalité. Jouée dans cette partie par Pascale Christophe, on y voit une Marie-Antoinette tendre et un peu perdue, mais aussi sur la voie de l'indépendance et de la non-conformité et au caractère qui va peu à peu s'affirmer. L'opposition avec la Comtesse du Barry, jouée par Michèle Grellier, est très bien rendue et est largement servie par le jeu de Pascale Christophe, très naturelle dans sa composition de Marie-Antoinette et Michèle Grellier, très convaincante en Madame du Barry outragée, humiliée et triste.
La deuxième partie, "Une reine pour Figaro" est la plus faible de toutes. La raison en vient essentiellement du scénario qui concentre ici 15 années de la vie de Marie-Antoinette en 1 h 30. Le traitement historique et la narration vont en souffrir, la qualité d'interprétation aussi, en net retrait par rapport à la première partie. Geneviève Casile semble parfois figée dans son interprétation de Marie-Antoinette dans cette partie, comme si elle avait du mal à s'approprier le rôle. Il en va de même pour François Dyrek, qui paraît engoncé dans le costume de Louis XVI. Les Polignac et leur entourage sont présentés comme une véritable coterie qui se sert de la Reine pour servir ses intérêts tout en méprisant son manque d'intelligence : en confirme les portraits très chargés de Diane de Polignac et du Comte de Vaudreuil. Une exception : la Comtesse de Polignac, non critiquée ici, mais qui apparaît très peu, deux fois en fait, dont la très belle scène de rencontre avec Marie-Antoinette, traitée par Guy Lefranc comme une quasi-scène de séduction (une concession aux rumeurs ?
) qui personnellement m'a fait penser à la scène de séduction entre Ryan O'Neal et Marisa Berenson dans "Barry Lyndon" de Stanley Kubrick, évidemment en mineur, cette scène étant à mon sens l'une des plus belles de l'Histoire du cinéma, mais qui garde son caractère enchanté et enchanteur.
La troisième partie, "Le roi n’a qu’un homme : sa femme !", permet à Geneviève Casile de donner libre cours à son registre dramatique...son personnage de Marie-Antoinette acquiert plus de relief, dans sa grandeur, mais aussi montrée ici, dans son intransigeance. Dans cette partie, cela se double d'un discours qui devient pro-révolutionnaire et qui pointe les errements de la monarchie. Marie-Antoinette y apparaît prisonnière des événements et de la nasse révolutionnaire mais en y opposant sa volonté de fer. Des scènes marquent l'esprit : le jeu plein de compréhension et de réflexion développé face au plaidoyer imperturbable et incontestable de Mirabeau, l'abandon dans les bras de Fersen (empreint d'une droiture et d'une délicatesse exemplaires) , pour la nuit entière, traité avec tact et beaucoup de pudeur par Guy-André Lefranc.
La quatrième partie, "Le fléau des français", renverse le discours, montrant une révolution qui comme l'a écrit Shakespeare sur la jalousie, devient "le monstre aux yeux verts qui produit l'aliment dont il se nourrit", une révolution anthropophage marquée par les caractères d'Hébert en accusateur froid, insensible, dont le discours naît de sa propre haine, régénérée en permanence par elle-même et Fouquier-Tinville, fonctionnaire pointilleux et tatillon, au service d'une machine de mort, mais qui regrette la bonne tenue des registres au temps de l'ancien régime. La mort de la Reine ne devient ici que l'instrument d'une propagande, dans un temps où comme le dit un des personnages, il ne vaut mieux pas pleurer !
Un point sur l'interprétation s'impose ! Dans les points forts de cette adaptation, Pascale Christophe campe une Marie-Antoinette Dauphine extraordinaire de naturel, Geneviève Casile épouse la plupart des facettes de la Reine, son interprétation atteignant son apogée dans la succession des drames qui accompagnent la vie de Marie-Antoinette, Jean-Michel Farcy est un Louis XVI Dauphin maladroit et attachant, conforme à l'image que l'on peut se faire de lui, François Dyrek est un très convaincant Roi Louis XVI, modéré, intelligent, un peu désemparé aussi, raisonnable et travailleur, Michèle Grellier est une très juste Comtesse du Barry, séductrice et en quête de reconnaissance, Anne Le Fol est une émouvante Princesse de Lamballe, Corinne Le Poulain est une très belle Comtesse de Polignac, Robert Rimbaud, Van Doude, Georges Werler, Pierre Meyrand, Philippe March et Victor Garrivier présentent des Louis XV, Mercy-Argenteau, Abbé de Vermond, Mirabeau, Cardinal de Rohan et Fouquier-Tinville convaincants, Benoît Allemane est un Chevalier de Rougeville plein de fougue, sans oublier Henri Déus en Axel de Fersen, véritable incarnation du personnage. Une réserve quant à Philippe Laudenbach, trop vieux pour jouer Joseph II dans la première partie et un peu emprunté, plus convaincant dans la deuxième partie et quant à Françoise Seigner en Marie-Thérèse d'Autriche, parfois empreinte de la gravité propre à servir le rôle, parfois trop théâtrale et qui alors semble parfois lire un texte. François Dunoyer campe un La Fayette trop falot et anonyme.
Un dernier mot ou plutôt une dernière image : le regard de Geneviève Casile vers le Trianon et ses jardins, qui exprime tout ce sentiment de le voir pour la dernière fois, cette perte et le sentiment de cette perte !