Marie-Antoinette avait--elle un cancer?
Rosalie Lamorlière le jour de l'exécution de Marie-Antoinette (détail du tableau de Tony Robert-Fleury Marie Antoinette le matin de son exécution, 1906)
Marie-Rosalie Lamorlière a été la dernière domestique de la reine Marie-Antoinette à la Tour du Temple, avant son exécution en 1793.
Elle est la dernière personne placée 76 jours auprès de la Reine Marie-Antoinette dans sa captivité, pour le besoin de tout son service, dont elle s'acquitta avec douceur et respect.
(Rosalie Lamorlière, dernière servante de Marie-Antoinette, de Ludovic Miserole aux Editions Du Préau)
Rosalie Lamorlière décrit que la reine "perdait tout son sang", certes, et qu'elle dissimula sa robe tachée avant de partir pour le supplice.
Ou la chemise trempée de sang que la reine cacha dans une anfractuosité du mur à la Conciergerie.
Plus tôt, elle dit avoir remis à la reine des morceaux de ses propres chemises pour faire office de protections.
D'autres témoignages existent encore: celui du cocher qui a amené la reine à la conciergerie, et aurait trouvé une tache de sang sur son siège.
On sait aussi que l'administration avait fait les frais d'un bidet de basane rouge.
Simple mesure d'hygiène ?
Marie Antoinette avait toujours souffert de règles abondantes...
Petitfils parlait de la possibilité que la Reine ait été prématurément ménopausale et avait de ce fait de fortes règles complètement irrégulières....
Ceci est un peu en contradiction avec le relevé des objets ayant appartenu à la reine, qui mentionne quantité de chauffoirs, serviettes hygiéniques de l'époque.
Donc, je pense qu'il est très difficile de se former une opinion sur l'état de santé réel de Marie Antoinette...
Il est possible que ce "cancer" soit une dramatisation du même type que "ses cheveux entièrement blancs"
Oui, Marie Antoinette était malade, et elle avait des cheveux gris.
Mais dans quelle mesure ?
L'accouchement difficile a été le premier, à l'issue duquel la reine s'est d'ailleurs évanouie.
Antonia Fraser fait remarquer que, dans les mois qui suivirent, Marie Antoinette se plaignit souvent de maux de ventre.
Elle se demande s'il n'y a pas un lien entre ces douleurs et celles dont souffrira la reine dans sa prison, des années après.
Simone Bertière en dit deux mots dans sa biographie sur la reine.
Elle dit que la santé de Marie-Antoinette a commencé à décliner après la naissance de Sophie, ce qui ne veut pas dire pour autant que c'est les fonctions génitales de la reine qui étaient touchées dès cette époque.
Ce que l'on note toutefois c'est l'embonpoint de Marie-Antoinette au point que l'on cru à une nouvelle grossesse et divers malaises à partir de 1786-1787 sans que l'on puisse les décrire faute de sources.
Mais à coup sur elle était certainement "stressée", angoissée.
Marie-Antoinette parle de "tracasseries" dans sa correspondance.
Françoise Kermina: la reine aurait eu, en mai, "des convulsions universelles et presque continuelles"
Journal de Fersen:
" On dit que le fiacre qui avait mené l'infortunée Reine du Temple à la Conciergerie avait été tout rempli de sang; que le cocher n'avait pas su qui il menait, mais qu'il s'en était douté ayant attendu fort longtemps; qu'arrivé à la Conciergerie on était resté assez longtemps sans descendre, que les hommes étaient sortis les premiers et la femme après; qu'elle s'était appuyée sur son bras, et qu'il avait trouvé son fiacre tout rempli de sang; mais tout cela n'est pas bien authentique "
extrait des papiers du grand maréchal de Suède, comte Jean Axel de Fersen, publiés par son petit neveu le baron R.M. de Klinckowström.
Le marquis de Bombelles qui relate les mille faits et gestes de la famille royale et de la Cour dans son Journal parle de la naissance de Sophie, mais pas d'accouchement anormal.
Au contraire, il dit que Louis XVI est très content de cette nouvelle naissance, et surtout que la reine se remet très vite de ses couches, recevant ses intimes dès le lendemain et paraissant en bonne santé.
De plus, les bulletins de santé des médecins de la Cour n'excèdent pas une semaine sur les suites de l'accouchement de la souveraine et jamais dans des termes inquiétants.
Certes, on sait que Marie-Antoinette fut mécontente de cette nouvelle grossesse en novembre 1785 et qu'elle résolut de ne plus avoir de relations intimes avec le roi, mais en ce qui concerne son dernier accouchement, personne n'a dit à l'époque qu'il fut très difficile et que rétrospectivement il pourrait faire partie de certains facteurs inhérents à un fibrome ou à un cancer de l'utérus de Marie-Antoinette.
Marie Antoinette a été examinée par un médecin en prison.
Tout ce qu'il a trouvé à faire, c'est lui supprimer son eau de poulet.
L'eau de poulet renseigne sur un état d'alarmante faiblesse générale.
Les dignitaires de la révolution ont-ils espéré que la ci devant reine mourrait de mort naturelle ?
Oui elle a été examaniée à la volée par un médecin qui semblait plus intéressé par sa vie que par le fait de guérir la Reine, et cette visite n'a pas vraiment été officialisée avec un rapport médical.
Louis-Joseph et Louis-Charles ont subi de véritables examens, posthumes ou non, très détaillés et très clairs, alors que Marie-Antoinette n'a eu comme diagnostic qu'un état d'alarmante faiblesse générale
Le courage de la Reine
elle gravit l'échelle de l'échafaud "à la bravade" perdant même l'une de ses mules (qui est conservé au Musée des Beaux Arts de Caen)
Cécile Berly cite le peu de témoins qui ont été autorisés à approcher la reine lors de ses derniers instants à la conciergerie et parmi eux, ceux qui ont laissé un témoignage écrit à ce sujet:
- La femme du concierge Bault (qui écrit des sortes de mémoires pendant la Restauration): elle n'évoque pas les pertes de sang.
- Sa fille: elle n'évoque ni la perte de sang, ni la présence de Rosalie.
- Un des deux gardes du corps: évoque une perte de sang et une crise de colique avant l'exécution.
- Rosalie Lamorlière: témoignage le plus complet, mais apocryphe (Laffont d'Aussonne): le seul à s'étendre sur cette perte de sang.
En gros, le propos de l'auteur est de montrer que:
Vérité historique ou pas, la présence de ce sang permettrait néanmoins de mesurer à quel point le corps de la reine est aussi considéré comme prétexte à une écriture fantasmatique de l'histoire de la Révolution française.
La reine catalyserait ainsi les sentiments les plus violents, les plus avilissants, d'une part parce qu'elle est reine et, d'autre part, parce qu'elle est femme, voire la femme, celle qui suscite affects et désirs sexuels inaccessibles ; et en second lieu parce que les différents épisodes de ses vies publiques et privée (ou sexuelle) sont connus de tous.
Chaque étape de la vie de Marie Antoinette est marquée par la présence du sang: celui des premières règles, celui de l'hymen, celui des couches, celui de la maladie, celui de son exécution...