Enfin une question importante !
Qu'est-ce qu'une révolution ? Si vous aussi vous n'en pouvez plus de ces têtes couronnées
Si Harry et sa bergère vous flanquent des boutons Plongez dans l'eau régénératrice de cet article bienfaisant.
VIVA LA REVOLUCION !!
ok ok, je me calme. Révolution! Voilà un mot porteur d’une charge volontiers explosive, mais que recouvre-t-il réellement?
Le grand lexicographe Alain Rey lui avait consacré tout un livre (Révolution. Histoire d’un mot) en 1989, année emblématique s’il en fut. Il avait alors constaté que ni en français, ni en nulle autre langue, « révolution » n’avait eu d’acception politique avant le XVII° siècle (à la différence de « révolte », emprunt à l’italien qui suggère un retournement et qu’une ordonnance royale de 1501 emploie déjà comme synonyme de rébellion). En fait, ces mots, dérivés du latin volvere, évoquent le détour, l’enroulement et concrétisent l’idée de cycle, tant et si bien que « révolution » apparaît dès le XVI° siècle dans le domaine de la médecine (la révolution des humeurs) et surtout de l’astronomie quand celle-ci découvre le mouvement cyclique des astres. Ce qui revient à en faire l’expression d’un mouvement qui ramène au point de départ!
L’astronomie ancienne se différenciant mal de l’astrologie, la révolution des planètes se charge alors d’un sens subjectif dont témoigne Montaigne quand il déplore « la révolution et vicissitude de la fortune » et c’est à partir de ce glissement qu’on en vient à une acception plus politique.. En 1636, l’Abrégé du parallèle des langues française et latine du père Philibert Monet introduit parmi les sens du mot « révolution » l’idée d’un changement dans la conduite des affaires publiques qu’il qualifie de « révolution d’estat« .
Fort bien, mais de quoi s’agit-il exactement? Il faut alors regarder l’Angleterre. Ce pays a connu au XVII° siècle deux événements de grande ampleur que les historiens modernes qualifient de « révolutions ». L’un (en 1642) et l’autre (en 1688) s’inscrivent dans le cadre d’un conflit opposant l’autorité royale aux députés du Parlement, avec à l’arrière-plan les antagonismes religieux propres à la période.
On sait que depuis le XIII° siècle, la monarchie anglaise a dû accepter, pour lever des impôts, le consentement des deux chambres qui constituent le Parlement, celle des Lords représentant noblesse et clergé, celle des Communes élue par ce que nous nommons en France le Tiers-état. Avec la montée en Europe de ce modèle de pouvoir monarchique renforcé et centralisé que nous qualifions d’absolutisme, les souverains britanniques ont été tentés par un affermissement de leur autorité relativement à celle des parlementaires. Esquissée au XVI° siècle par la dynastie des Tudors, cette politique devient la règle au XVII° chez les Stuarts en la personne de Charles 1er (1625-1649). La prétention de ce dernier de gouverner sans consulter le Parlement ouvre en 1640 une crise qui dégénère en conflit ouvert et en guerre civile.
Personne alors ne parle de révolution, les contemporains évoquent « la grande rébellion« , mais le destin même du mouvement apparaît très instructif. Dans l’Angleterre de l’époque, l’antagonisme politique entre la couronne et les parlementaires se double d’une opposition quant à l’interprétation de la religion anglicane, indépendante de Rome depuis plus d’un siècle, que le roi et la Cour envisage d’une manière hiérarchisée proche de la pratique catholique quand une grande partie du peuple et la petite noblesse rurale se rallient à ce protestantisme rigoureux que recouvre le terme « puritain ». Cette idéologie anime l’armée de volontaires constituée contre les forces royales et la victoire (le roi est vaincu, capturé, jugé, exécuté) est aussi son triomphe.
C’est alors que tout dérape. Les doctrinaires radicaux surgissent : l’heure est venue de la grande rupture. Des cohortes de prédicateurs déferlent. Le Parlement est épuré des tièdes, des sectaires prêchent l’occupation des terres, on guette le retour imminent de Jésus-Christ. La royauté abolie est remplacée par la « république des saints« . Pour éviter le chaos total, le chef de l’armée, Oliver Cromwell, lui-même puritain convaincu mais conscient du désordre, institue la dictature, mais il meurt en 1658. Le désarroi est alors tel que ce qui reste du Parlement négocie le retour de la royauté en la personne de Charles II, le fils du roi exécuté.
Lord Clarendon, conseiller du nouveau souverain, chancelier d’Angleterre, écrit alors l’histoire de ces événements et prononce le mot « revolution« .
C’en est une à coup sûr puisqu’elle est revenue à son point de départ : un Charles II Stuart a remplacé un Charles 1er Stuart!
Vingt-huit ans plus tard, rebelote, comme on dit familièrement. Le roi Jacques II, admirateur de Louis XIV, veut à son tour marginaliser le Parlement et, époux d’une princesse catholique, il s’est lui-même converti. Un cocktail explosif!
Mais cette fois, les choses se passent autrement. Pas question pour les parlementaires soucieux de redéfinir, selon la règle traditionnelle, la répartition des pouvoirs de se laisser entraîner dans une nouvelle aventure. Jacques II a une fille, Marie, demeurée protestante et épouse du chef de l’exécutif des Pays-Bas, Guillaume d’Orange, lui-même Stuart par sa mère. Une délégation de « sept éminentes personnalités » anglaises fait appel à lui et alors qu’une petite troupe sous sa direction débarque en Angleterre le 5 novembre 1688, Jacques II se voit abandonné par sa propre armée.
Il s’enfuit en France et dès janvier 1689, le Parlement rédige une Déclaration des droits, déclare le trône vacant et l’offre à Guillaume et Marie qui l’acceptent 54 jours exactement après la fuite de Jacques II.
En décembre 1689, la Déclaration des droits est reprise sous la forme solennelle du Bill of Rights qui fonde les institutions de l’Angleterre moderne et instaure le premier véritable état de droit d’Europe. L’année suivante, le philosophe John Locke théorise tout cela dans son fameux « Traité du gouvernement civil« . C’est ce que les Anglais vont officiellement nommer la « glorieuse révolution ».
Cette fois, le mot est admis dans son acception pleinement politique, mais l’examen des événements d’Angleterre du XVII° siècle met en lumière deux interprétations. La révolution première manière (celle des puritains et de Cromwell) se veut rupture complète, table rase du passé et construction d’une société nouvelle. En revanche, la « glorieuse révolution » de 1688 s’entend comme un retour à une normalité bafouée, une sorte de réajustement remettant les pendules à l’heure.
De quoi poser beaucoup de questions sur la nature des révolutions… Nous en reparlerons la semaine prochaine.
http://blogs.lexpress.fr/histoire-politique/2018/05/02/quest-ce-quune-revolution-1/