Charlotte
Nombre de messages : 560 Date d'inscription : 25/10/2014
| Sujet: Depuis que vous ne m'aimez plus Dim 30 Sep - 22:04 | |
| Anecdote qui brise le coeur - A cette époque, la malheureuse princesse ne pouvait plus douter qu'on n'eût réussi à égarer l'opinion des Français sur son caractère ; car aux démonstrations de respect et d'amour qui l'avaient si longtemps accueillie chaque fois qu'elle paraissait en public, avait succédé le plus sévère silence, et souvent même des murmures tumultueux,
La chapelle où l'on s'était porté en foule pour l'admirer était déserte, ainsi que la grande galerie qui, pendant tant d'années, n'avait pu contenir l'affluence des curieux venus pour vérifier ce que la renommée publiait d'une reine qui, sans être régulièrement ni belle ni jolie, l'emportait cependant par les grâces de sa personne sur les femmes les plus remarquables par l'éclat de leur beauté. Trop pure pour acheter des suffrages, trop fière pour se plaindre et ménager ceux dont elle avait le plus à redouter, la reine ne voulut démentir que par son silence et sa conduite les odieuses inculpations qui s'accumulaient de plus en plus contre elle.
Renfermée dans l'intérieur du palais, elle quittait peu l'appartement des jeunes princes, continuait à s'y vouer à leur éducation, et disait souvent au roi qu'elle plaçait désormais sa félicité à être oubliée du public et à ne vivre que pour lui et pour ses enfants. Mais la rapide altération des traits de Marie-Antoinette, sa gaîté perdue sans retour, révélaient assez les souffrances intérieures dont elle s'était interdit la plus faible expression.
- la reine et son fils -
Elle avait pris l'habitude de descendre avec ses enfants sur la terrasse, et d'y suivre leurs jeux d'un œil attentif, sans qu'ils pussent être gênés de cette surveillance ni même la soupçonner. Le roi, ayant remarqué qu'au retour de ces promenades elle était moins triste que d'habitude, défendit qu'on l'accompagnât à l'avenir, à moins d'y être invité par elle. Un soir, plus rêveuse que de coutume, la princesse prolongea sa promenade jusqu'à l'extrémité de la terrasse, à l'entrée du parterre qui fait face à l'orangerie. Le temps était sombre , menaçant, la chaleur étouffante, et les sentinelles, qui n'avaient pas de curieux à écarter, jouaient avec les jeunes princes. Marie-Antoinette, les bras croisés sur sa poitrine, s'était arrêtée près de l'allée qui conduit de cette partie de la terrasse au bas des jardins. Elle réfléchissait sans doute à l'époque peu éloignée encore, où la multitude se pressait des heures entières à cette place déserte, pour l'apercevoir un instant quand elle descendait à son bosquet de prédilection *, lorsqu'elle fut abordée par quelques femmes du peuple, qui, la prenant pour une gouvernante, lui demandèrent la faveur de s'approcher des enfants de France. La reine sourit, et, avec le plus aimable empressement, offrit de les y conduire elle-même.
Elle avait déjà adopté alors le costume sévère qu'elle ne quitta plus durant la révolution qu'aux dernières solennités du trône : c'était une robe de Florence gris foncé montant jusqu'au cou, un grand chapeau d'étoffe blanche, sans autre ornement qu'une large dentelle d'Angleterre ou demi-voile attaché sur la passe ; rien donc ne devait dans cet habillement révéler à ces femmes la souveraine dont elles avaient pu jadis admirer les splendeurs.
En effet, l'une d'elles avait commencé une plaisante amplification des parures de la reine à la dernière procession du vœu de Louis XIII, lorsque les enfants interrompirent la narration au grand regret de leur mère, en accourant gaîment se jeter dans ses bras. La reine les présenta gracieusement aux bonnes femmes, qui ne purent se lasser d'admirer la céleste figure du petit dauphin. « Mais voyez-vous donc, s'écria celle qui avait porté la parole, comme il ressemble à notre bon roi ; c'est bien heureux ! - Auriez - vous reconnu avec moins de satisfaction les traits de sa mère sur son visage ? demanda timidement Marie-Antoinette ?» Cette question, les caresses des enfants, le nom de leur maman prononcé peut-être par eux, quoique la reine eût fait signe qu'elle ne voulait pas être connue, éclairèrent les pauvres créatures ; et celle qui venait de faire une si belle description des magnificences de la reine, prononça en balbutiant : « Mon Dieu ! qu'avons-nous fait?pardonnez-nous, madame ; mais sous ce costume.... et puis vous paraissez avoir tant souffert !.. - Beaucoup, depuis que vous ne m'aimez plus, » interrompit la princesse en tendant sa main délicate aux pauvres créatures. Celles-ci la reçurent à genoux et s'écrièrent en pleurant : « On nous a trompées, vous n'êtes pas méchante. »
L'enthousiasme de ces femmes répandit le lendemain cette scène touchante dans Versailles ; elle fut reproduite dans de très jolies gravures , au bas desquelles on lisait les mots charmants de MarieAntoinette : « Depuis que vous ne m'aimez plus. » Mais les ennemis de la princesse se hâtèrent de les faire retirer du commerce.------------- - note - * Ce bosquet, qui conserve encore le nom de Bosquet de la Reine, est celui où le directeur du théâtre de Versailles a obtenu la permission de donner des fêtes dans la belle saison.- Sources - Marie-Antoinette devant le XIXe siècle, Henriette Simon-Viennot, J. Angé, 1838 Illustration : la reine et son fils, Marie-Antoinette, Lefranq, 1975 _________________ - me stessa -
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pepe12547
Nombre de messages : 2108 Localisation : La monarchie des Habsbourg Date d'inscription : 01/03/2018
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