globule Administrateur
Nombre de messages : 2236 Date d'inscription : 04/10/2017
| Sujet: Rituels beauté pour homme, comment la Révolution a tout chamboulé Sam 27 Oct - 12:53 | |
| Nous fans du XVIIIe, nous le savons bien, avant, c'était mieux. Les hommes aussi passaient des plombes à se faire beaux. Mais pourquoi pourquoi ? pourquoi on a laissé ces prérogatives aux nanas ? Encore un beau cadeau de la Révolution, merci.
- Ursula, la Reine dans Blanche Neige, Maléfique… Vous étiez-vous déjà demandé pourquoi les plus méchantes des sorcières Disney étaient aussi les plus maquillées ? Ce n’est que l’illustration un peu caricaturale du lien qui unit sorcellerie et beauté. Dans son livre Sorcières, la journaliste Mona Chollet rappelle que "glamour" signifie d’abord "sortilège". Les marques de beauté ne s’y sont pas trompées et continuent d’entretenir cette vieille parenté, en recourant aux termes "prêtresses", "élixirs" ou encore formules "miracles". Elles incitent les femmes à pratiquer les cosmétiques à travers des "rituels", comme les herbes et potions jadis.
Mona Chollet compare dans son livre la "routine quotidienne de beauté" à "une forme dégradée de l’initiation des sorcières". Les routines de beauté, qui peuvent inclure des soins et/ou du maquillage, empruntent aux pratiques de sorcellerie leur aspect ritualisé, mais pas seulement. Elles impliquent également de "cultiver une expertise particulière, des secrets transmis entre femmes, une science des principes actifs et des protocoles, une discipline".
Ouais, mais nous aussi on y a droit ! Enfin, "avait", plus exactement.
- Citoyens virils, femmes futiles : deux mondes parallèles
Justine, 28 ans, a reçu de sa mère "très féminine" un héritage qu’elle revendique fièrement au milieu de sa tribu de frères. Ces gestes et ces soins, qu’elle se prodigue à elle-même, réactualisent le souvenir de la présence maternelle. La jeune femme a pris l’habitude de s’accorder un moment rituel hebdomadaire, en plus de l’heure quotidienne qu’elle consacre à sa routine beauté. Elle puise du réconfort dans ses madeleines de Proust olfactives, telles que l’huile prodigieuse de Nuxe, mais aussi de quoi se "sentir mieux dans [sa] vie de tous les jours et mieux [se] tenir en société".
"Dans beaucoup de cultures, les femmes sont plus intervenantes en matière de beauté car on ne leur a pas ouvert le champ de la réussite sociale de la même manière que les hommes", rappelle l’anthropologue Elisabeth Azoulay, qui a coordonné l’écriture de l’ouvrage 100 000 ans de beauté. Joséphine, 25 ans, aime investir ce temps domestique, tous les matins, pour mieux se préparer à endosser ses responsabilités. Une demi-heure où elle nettoie son visage, se badigeonne de crème et se maquille selon son envie du moment. "Quand j’ai des rendez-vous de travail importants, c’est ma façon de montrer que même si je suis une fille et que je suis jeune, je suis captable de prendre soin de moi et d’affirmer ce que je pense", explique cette directrice des opérations dans une start-up.
Entretien et coiffure de la chevelure, maquillage, épilation, vernis à ongles… Autant de pratiques d’embellissement de soi à disposition des femmes, méconnues voire inconnues des hommes. Mais, loin de susciter l’admiration, le fait de développer du savoir-faire dans ces pratiques fait plutôt l’objet d’indifférence voire de mépris. Elisabeth Azoulay explique que c’est la Révolution française qui entérine définitivement la scission entre les sexes sur la question. Adieu les fards et les perruques de la cour, à l'époque aussi portés par les hommes, place aux "citoyens virils". Seules les routines de soin basiques comme le rasage, la coiffure et l’hygiène concerneront désormais les hommes.
- "Le choix de l’agencement, des tissus, des couleurs, des ornements", constitue une prérogative avant tout féminine, expliquait déjà Mona Chollet dans son livre Beauté fatale. Aujourd’hui, la journaliste continue de vanter les mérites de cette attitude féminine qui consiste à "vouloir être à son meilleur soi-même" mais reste très critique des injonctions de beauté qui pèsent sur les femmes. "On est tellement bombardées de messages contradictoires à ce sujet que j’ai du mal à croire qu’il puisse y avoir une sérénité totale dans cet art de s’embellir", soupire-t-elle.
Pourtant, on s'y connaît, nous aussi. Et qu'est-ce qu'on peut être beaux ! - Chacune sa routine
Arabelle Sicardi, journaliste beauté, si elle déplore elle aussi le penchant consumériste des plus férues de beauté, se réjouit néanmoins des perspectives nouvelles de consommation ouvertes par internet. "Je me fie aujourd’hui à des étrangers pour trouver des produits qui fonctionnent pour moi, plutôt qu’à ma mère, parce qu’après tout, on ne réagit pas pareil. Internet a complètement bouleversé notre façon de choisir et de consommer les produits de beauté", constate la journaliste taïwanaise-américaine. Elle vante notamment les mérites de la K-beauty ou de marques comme The Ordinary qui rendent accessibles de bons produits pour des sommes modiques.
"J’ai beaucoup lu sur internet et ça m’a donné beaucoup de clés, témoigne Claire, une Caennaise de 26 ans. Satisfaite de la routine quotidienne qu’elle s’est constituée au fil des années, elle n’y déroge pas et y voit une façon de prendre soin de sa santé sur le long terme. Sensibilisée aux huiles et aux lotions bios grâce à la blogueuse Et pourquoi pas Coline, elle est convaincue de cerner aujourd’hui bien mieux les besoins de son corps que dans le passé.
Pour celles qui aiment pratiquer les rituels de beauté, l’exploration fait partie du jeu. Tester les nouveautés, s’abonner à des box … autant de plaisirs incontournables pour Justine. La jeune femme a pris goût à la découverte lorsqu’elle a dû faire face à une poussée d’acné hormonale en 2013. Démunie hormis quelques solutions drastiques proposées par les dermatologues, elle finit par s’"auto spécialiser à force de chercher et de tester".
Du soin de soi à l'empowerment "C’est une discipline, mais en fait, c’est surtout un plaisir", affirme Joséphine à propos des gestes de beauté auxquels elle se plie avec soin. Tous les jours, ces quelques minutes passées à palper sa peau, à manier des textures, des couleurs, des odeurs, sont aussi l’occasion de se reconnecter à un plaisir sensoriel immédiat. Et bien sûr, les rituels sont infiniment transposables. Arabelle Sicardi les accorde à ses humeurs : ils l’aident parfois à se sentir plus à l’aise dans son corps, à recharger les batteries dans les moments de fatigue et même à conjurer momentanément la dépression.
"Comment tu te sens dans ta peau, comment tu as envie de prendre soin de toi et de négocier la relation que tu entretiens avec ton propre corps, c’est l’une des rares choses sur lesquelles tu peux avoir le contrôle. Je pense que c’est précieux", témoigne-t-elle. La jeune Américaine aime par-dessus tout programmer des bains hebdomadaires à la lueur des bougies et des soirées pyjama pour échanger des masques et des massages entre amies. Selon elle, les rituels de beauté ne servent pas tant à s’embellir pour les regards extérieurs qu’à s’imprégner de "tendresse" et de confiance en soi, le tout infusé d’une dose de mystique.
"Il y a quelque chose d’hyper bienveillant dans le regard que les femmes adressent au miroir", raconte la blogueuse Mai Hua, qui en a filmé plusieurs en train d’effectuer leur routine beauté dans une série de vidéos intitulée Beauty Portrait. Cette enthousiaste de la beauté est convaincue que les gestes de beauté peuvent renfermer des pouvoirs "psychomagiques" : pas une magie spectaculaire, mais un pouvoir de transformation de la psyché en profondeur. Exit les velléités de séduction des sorcières Disney : pour Mai Hua, le charme du rituel opère lorsqu’il sert à ouvrir une conversation intime. Le vrai "glamour" des rituels de beauté est à l’intérieur. Renouer avec un sens de contrôle et de puissance à travers des pratiques dévalorisées : une certaine idée de l’empowerment transposé à l’univers des tubes et des fioles.
https://www.marieclaire.fr/ _________________ - Je ne vous jette pas la pierre, Pierre -
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