Jean-Baptiste Harmand
dit Harmand de la Meuse, dernier visiteur de Louis XVII au Temple
Harmand de la Meuse raconte qu'après l'ouverture des verrous, il est entré dans une petite antichambre fort propre, sans autre meuble qu'un poêle de faïence qui communique dans la pièce voisine par une ouverture dans le mur de séparation, et que l'on ne peut allumer que par cette antichambre
Les commissaires observent que cette précaution a été prise pour ne pas laisser de feu à la disposition d'un enfant
L'autre pièce est la chambre du Prince, cette dernière est également fermée du dehors
Le lit sans rideaux se trouve dernière la porte, à gauche, en entrant
Un autre bois de lit, sans literie, se trouve placé au pied du premier lit.
Il s'agit du lit de Simon.
L'enfant est assis auprès d'une petite table carrée sur laquelle sont éparses beaucoup de cartes à jouer dont certaines sont pliées en forme de boites et de caisses, d'autres élevées en forme de châteaux
Louis-Charles, tête nue, est vêtu d'un habit neuf "à la matelot", d'un drap de couleur ardoise
il continue son jeu sans regarder les membres du Comité de Sûreté Générale
Harmand de la Meuse rapporte qu'il a expliqué au Prince, la raison de sa visite nécessitée par son état de santé et par le désir d'améliorer sa situation, qu'on l'autorise à faire des promenades plus longues et d'avoir des objets de distraction
Louis-Charles regarde fixement le conventionnel, sans répondre ni bouger
-"Je me suis peut-être mal exprimé, ou peut-être ne l'avez-vous pas entendu. Monsieur; j'ai l'honneur de vous demander si vous désirez un cheval, un chien, des oiseaux, des joujoux...un ou plusieurs compagnons de votre âge...Voulez-vous descendre dans le jardin ou monter sur les Tours? Désirez-vous des bonbons, des gâteaux ?"
Pas de réponse.
La fixité du Prince Royal exprime la plus totale indifférence
Sur un ton plus prononcé, Harmand de la Meuse reprend:
"-Monsieur, tant d'opiniâtreté à votre âge est un défaut que rien ne peut excuse.
Notre visite, comme vous le savez, a pour objet d'apporter quelques adoucissement à votre situation, des soins et des secours à votre santé... Est-il une autre manière de vous le proposer?
Ayez la bonté de nous le dire, nous nous y confirmerons"
Pas de réponse.
Regard toujours fixe
-"Si votre refus de parler, Monsieur, ne compromettait que vous, nous attendrions, non sans peine, mais avec plus de résignation, qu'il vous plût de rompre le silence...Mais vous ne vous appartenez pas; votre état; voulez-vous nous compromettre nous-même? Car quelle réponse pourrions-nous faire au gouvernement dont nous ne sommes que les organes? Ayez la bonté de me répondre, je vous en supplie, ou bien nous finirons par vous l'ordonner"
Pas de réponse.
Regard fixe
Harmand de la Meuse se place à la droite du Prince et lui ordonne:
-"Monsieur, ayez la complaisance de me donner la main"
L'enfant obéit et le conventionnel tâte les tumeurs du poignet et du coude
-"L'autre main, Monsieur"
L'enfant tend l'autre main, l'adulte ne remarque rien
-"Permettez, Monsieur, que je touche aussi vos jambes et vos genoux"
L'enfant se lève.
Le constat est qu'il y a des grosseurs aux deux genoux, sous le jaret
-"Maintenant, Monsieur, ayez la complaisance de marcher"
L'enfant s'exécute mais revient s'asseoir sur le champ
-"Pensez-vous que ce soit là de l'exercice? ...Nous vous enverrons un médecin, et nous espérons un médecin, et nous espérons que vous voudrez bien lui répondre: faites-nous un signe que cela ne vous déplaira pas"
Pas un signe, pas un mot
-"Monsieur, ayez la bonté de marcher encore, et un peu plus longtemps"
Refus et silence.
Le prince reste sur son siège, les coudes appuyés sur la table, ne laissant paraître aucune émotion
Les conventionnels assistent au repas de l'enfant
Les écuelles ou assiettes sont en terre rouge, les couverts en étain, il n'y a pas de couteau
Sont servis un potage noirâtre, un morceau de bouilli noir et des lentilles ainsi que trois châtaignes brûlées.
Point de vin.
Tel est le dîner du fils de Louis XVI !
Harmand de la Meuse fait sortir les municipaux pour ne pas leur parler devant le petit garçon.
Il fait part de son indignation
Ces derniers invoquent les ordres de la municipalité et se justifient en déclarant que c'était encore pire avant.
Les conventionnels exigent une amélioration immédiate par l'ajout de friandises et de fruits
ils exigent que l'on apporte, de suite, du raison, un fruit fort cher
L'ordre ayant été exécuté, Louis-Charles, mange le raisin sans rien dire
-"En désirez-vous encore ? "
point de réponse
-"Voulez-vous bien, Monsieur, que nous nous retirions ?"
point de réponse
Encore une fois, il n'y eut pas de rapport publie et les décisions pour améliorer le sort du petit garçon furent, seulement, des mesures provisoires
Les municipaux ont indiqué que l'enfant ne parlait plus depuis l'époque où il a subi l'interrogatoire, c'est oublier que Louis-Charles continue à parler avec les Simon jusqu'à leur départ, le 19 janvier 1794 et qu'il parle avec ses différentes gardiens
il ne vient pas à l'esprit de ces hommes que le Dauphin a surtout peur d'eux, les municipaux, et qu'il a raison de les craindre.
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