Pour obliger le roi d’Espagne à offrir sa fille à la cour royale de France, Mazarin feint de marier Louis XIV à Yolande de Savoie, fille de Christine de France.
Un voyage de « fiançailles » qui passa par Chalon
Nous sommes en 1658
le futur Roi Soleil (Louis XIV) n’a que 20 ans.
Il importe de le marier.
Certes le souverain n’a que l’embarras du choix tant il a de succès auprès des jeunes filles de la cour.
Pour contraindre le roi d’Espagne Philippe IV à lui offrir la main de sa fille, l’infante Marie-Thérèse, Mazarin envisage le subterfuge suivant : lui faire épouser une petite-fille d’Henri IV : Marguerite Yolande de Savoie.
Le voyage
La cour prend la direction de Lyon, où la rencontre des deux tourtereaux doit avoir lieu.
Elle quitte donc Paris et parvient à Beaune le 18 novembre 1658.
Le lendemain, elle reprend son chemin par Demigny, ayant fait promettre par le gouverneur de la Bourgogne Bernard de Foix de la Valette, duc d’Épernon, qu’il n’y aurait pas de faste particulière à son arrivée dans notre ville.
C’est sans compter sur le maire de Chalon, Pierre d’Hoges, qui tient absolument à montrer au roi son attachement à la couronne.
En tête du cortège, sur le bord de la route, les habitants de la ville en armes précédent les enfants de la Ville.
Lorsque le carrosse du roi apparaît, le capitaine Picart s’empresse, met genou à terre et fait compliment au jeune souverain.
Ce dernier est entouré de ses mousquetaires, parmi lesquels se trouve très certainement d’Artagnan.
Dans les nombreuses voitures qui forment le cortège, outre le roi, se trouvent la reine mère Anne d’Autriche, Mazarin, l’efféminé frère du roi Philippe, duc d’Anjou, 18 ans, la nièce du cardinal Marie Mancini et sa sœur Olympe, comtesse de Soissons.
À l’entrée de la ville, le maire assure le roi de son obéissance et de sa fidélité et lui présente les clefs de la ville : Évidemment, le roi les refuse, prétextant qu’elles ne peuvent être en de meilleures mains.
La prétendue fiancée du jeune roi n’était autre que sa cousine, Yolande de Savoie.
La mère du roi logée à la sous-préfecture
Les carrosses entrent à Chalon par la porte de Beaune où a été dressé un portique sur lequel ont été peints, d’un côté, notre ville sous les traits d’une belle femme, et de l’autre, la Saône appuyée sur une cruche.
Le convoi s’arrête devant le logis (sous-préfecture actuelle) d’Auguste Virey, lieutenant général de la ville, où la reine doit loger.
Ils y reçoivent les chanoines de la cathédrale et leur doyen du chapitre, Guillaume Gon (le siège épiscopal étant vacant depuis la mort de Jacques de Neuchèze au mois de juillet), les officiers du bailliage : tous viennent « rendre leurs devoirs » puis laissent leurs hôtes se reposer.
Comme il est de coutume à Chalon, on fait porter par l’intermédiaire de la dame d’honneur à la reine mère des boîtes de confitures*
Le roi est logé à l’évêché et on le régale (Bourgogne oblige) de bonnes bouteilles de vin et de clairet.
On lui fait porter de l’hypocras dont raffole Louis XIV, ce vin fortement épicé grâce à l’incorporation de cannelle et de gingembre et d’épices dites “royales”, ce qui permet de masquer quelque peu le goût de bouchon.
Quant à Mazarin, il est hébergé par le doyen de la cathédrale.
Un pont cède au départ du roi
Tout ce beau monde quittera la ville le lendemain par deux ponts que l’on avait établis sur la Grosne et la Corne.
On s’aperçut que l’un d’eux avait cédé tant il avait plu toute la nuit.
*Les confitures étaient plutôt des confiseries à partir d’aliments cuits dans du miel ou du sucre : bonbons et fruits divers
La première recette de l’hypocras (ou hypocras) nous vient du célèbre Taillevant, cuisinier de Charles VII.
On trouvait merveilleux de réunir force du vin et parfum des aromates triturés longuement dans un mortier et filtrées dans un feutre en forme d’entonnoir que l’on appelait une chausse.
Henri Huet, membre de la société d’histoire et d’archéologie de Chalon
Contact: huet.henri@sfr.fr