Au matin
Il y renonça:
Le prince de Condé n'était plus transportable
"Il jouissait encore de tout son esprit"
Il fit mander son fils et son neveu, ainsi que le Père Des Champs, mais, craignant de ne pas tenir jusqu'à leur arrivée, il prit ses dernières dispositions avec l'aide de ceux qui étaient sur place, Gourville et le Père Bergier
Laissons la parole à ce dernier, dont le récit constitue sur ces moments cruciaux un des rares témoignages directs:
"il demanda du papier et une plume: il écrivit une page entière de sa main (...)
Elle regardait particulièrement mme la princesse, sa femme pour laquelle il a conservé jusqu'à la mort tous les sentiments que la bonté, la justice et la religion peuvent inspirer à un bon mari et à un parfaittement honnête homme
Il prenait même, dans cetr écrit tout de sa main, la liberté de conjurer le roi d'étendre ses soins jusque sur cette princesse et de vouloir bien lui prescrire la manière dont il fallait qu'elle vécût; ce que Sa Majesté a accordé avec une très grande bonté"
Inutile de dire que la lettre en question ne fut jamais retrouvée
Mais nous savons, par le journal de Dangeau, que Gourville rendit compte au roi, le 16 décembre, des choses dont M. Le Prince en mourant l'avait chargé"
Et nous savons aussi, par les contemporains, ce qu'avait décidé leur très grande bonté à tous deux: la maintenir jusqu'à sa mort dans sa prison de Châteauroux, dans sa biographie du prince, qualifie de mensonger le récit du Père Bergier
Ce n'est pas tout à fait le cas
Car celui-ci ne dit rien d'inexact stricto sensu
C'est pour son bien et dans son intérêt qu'on prétendit fixer le sort de la princesse; mais il s'abstient de dire en clair quel fut ce sort, au point que des historiens s'y sont trompés et l'ont cru libérée
Dans l'après-midi, Condé voulut adresser au roi en guise d'adieu, une lettre solennelle
N'ayant plus la force d'écrire, il la dicta, nous dit-on
Cette lettre-là ne s'est pas perdue
Aussitôt recopiée et diffusée en feullets volantes, elle fut ensuite publiée par le Père Bergier:
"Je supplie très humblement Votre Majesté de trouver bon que je Lui écrive pour la dernière fois de ma vie
Je suis dans un état où apparemment je ne serai pas longtemps, sans aller rendre compte à Dieu de toutes mes aactions
Je souhaiterais de tout coeur que celles qui le regardent fussent aussi innocentes que celles qui regardent Votre Majesté
Je n'ai rien à me reprocher sur tout ce que j'ai fait
Qaund j'ai commencé à paraître dans le monde, je n'ai rien épargné pour le service de Votre Majesté et j"'ai tâché de remplir tous les devoirs auxquels ma naissance et le zèle sincère que j'avais pour la gloire de Votre Majesté m'obligeaient
Il est vrai que, dans le milieu de ma vie, j'ai eu une conduite que j'ai condamnée le premier et que Votre Majesté a eu la bonté de me pardonner
J'ai ensuite tâché de réparer cette faute par un attachement inviolable à Votre Majesté et mon déplaisir a toujours été de n'avoir pu faire d'ssez grandes choses qui méritassent les bontés que vous avez eues pour moi
J'ai au moins cette satisfaction de n'avoir rien oublié de tout ce que j'avais de plus cher et de plus précieux pour marquer à Votre Majesté que j'avais pour Elle et pour son Etat tous les sentiments que je devais avoir"
Dans la paragraphe suivant, il implorait très humblement le roi en faveur du prince de Conti
"(...) Il y a plus d'un an qu'il soupire et qu'il se regarde dans l'état où il est comme s'il était en purgatoire
Je conjure Votre Majesté de l'en vouloir sortir et de lui accorder un pardon général
Je me flatte peut-être un peu trop, mais que ne peut-on pas espérer du plus grand roi de la terre, de qui je meurs, comme j'ai vécu, le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur et sujet"
Louis de Bourbon
Cette lettre est superbement écrite
Trop sans doute pour avoir été dictée, telle quelle, par un moribond dont le style, on le sait, manquait d'élégance
Si on la compare à celle qu'il avait envoyée à louis XIV à son retour des Pays-Bas, on mesure la différence
Le plus probable est qu'elle est l'oeuvre du bon jésuite
Mais il ne faut pas pour autant la disqualifier; elle traduit assurément la pensée du prince, qui n'avait pas changé depuis lors
Il s'assoupit ensuite pendant que Gourville, sur son ordre, mettait au net un testament où figurait, à côté de divers legs destinés à ses domestiques, une somme de 50 000 écus, "pour être distribués dans les leiux où il avait causé les plus grands désordres pendant la guerre civile"
Il eut la force de le signer
st- il permis de dire que c'était là bien peu de chose, eu égard à la somme de misères dont la révolte fut respondable?