28 décembre 1688: Versailles

Mardi 28, à Versailles. 

Le roi alla dîner à son petit couvert, et alla tirer. Le soir, il y eut appartement.

— Il est venu des nouvelles d'Angleterre qui disent que le roi avoit été arrêté à Feversham , et mené prisonnier à Rochester; qu'on ne l'avoit pas connu d'abord, mais qu'on s'étoit saisi de lui parce que, le trouvant à deux lieues de la mer, on avoit bien cru que c'étoit un catholique qui se vouloit sauver; qu'il étoit déguisé en valet d'un milord qui a été arrêté aussi. On dit que le geôlier de Kochester a reconnu le roi dans sa prison. Ces nouvelles ne viennent que par le patron d'une barque à qui l'on a conté cela; ainsi on espère que cela ne se trouvera pas vrai. Cependant il y a beaucoup d'apparence; car ce lieu où on a dit que le roi a été pris étoit un endroit par où M. de Lauzun dit qu'il devoit passer.

— M. de Louvois, chancelier de l'ordre, a fait dire à tous les chevaliers nommés que ceux qui n'auraient pas produit leurs titres aujourd'hui au généalogiste et à MM. les commissaires, ne seroient reçus qu'à la Chandeleur, parce qu'il faut tenir le chapitre jeudi et que tout le mercredi lui est nécessaire pour examiner les pièces avant que de faire son rapport*.

*Cet avis de M. de Louvois fut donné pour M. de .Vendôme, qui, accoutumé aux négligences avantageuses, et sous prétexte de l'oubli d'un homme qui ne venoit jamais ou presque jamais à Paris et qui en faisoit fort sa cour, n'avoit point été voir les ducs de Saint-Simon et de Montauzier, ses commissaires; ils l'avoient remarqué et n'avoient point vu ses preuves. Chauvry, généalogiste de l'ordre, avoit senti l'un et l'autre, et, voyant que ses preuves demeuroient là, comprit qu'il y auroit scandale et avertit apparemment; car l'avis fut donné, et eu même temps M. de Veudôme vint voir ces Messieurs, et fit si bien qu'il les trouva chez eux; aussitôt après ils virent ses preuves, et elles se trouvèrent en état avec toutes les autres.