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| Emmanuel de Waresquiel compare | |
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globule Administrateur
Nombre de messages : 2243 Date d'inscription : 04/10/2017
| Sujet: Emmanuel de Waresquiel compare Mer 2 Jan - 11:02 | |
| On a lu de tout sur la crise actuelle. Jetez un oeil sur ce florilège. https://maria-antonia.forumactif.com/t320p825-marie-antoinette-dans-la-politique-actuelleDu coup, je me dis qu'il ne serait pas mal de prendre un peu de hauteur. ENTRETIEN. L'historien Emmanuel de Waresquiel explique pourquoi, sur les ronds-points ou sur les Champs-Élysées, on réclame la tête du président et des députés. Par Hugo Domenach Chez les Gilets jaunes, la violence n'est pas simplement dirigée contre l'État français, mais contre les personnes qui le représentent. En particulier le président. Sur les ronds-points ou sur les Champs-Élysées, on parle de lui faire la peau, on décapite, brûle, larde de coups de couteau des mannequins à son effigie, on crie que l'on va aller « chercher Brigitte [Macron, NDLR] ». On brûle aussi une préfecture, et on empêche les pompiers d'intervenir. On s'en prend également aux députés, que l'on menace devant chez eux. Bruno Questel (LREM, Eure) se souviendra longtemps des six coups de fusil tirés devant son domicile alors qu'il était chez lui avec sa famille. Depuis, il part à Paris avec la boule au ventre à l'idée de laisser ses enfants. Il leur a même demandé s'ils voulaient qu'il démissionne. Quant à Benoit Potterie (LREM, Pas-de-Calais), il a reçu une balle dans une enveloppe, avec un message peu rassurant : « La prochaine fois, tu la prends entre les deux yeux. » Pourquoi un tel déchaînement de violence contre la personne du président et celles des élus ? Réponse avec Emmanuel de Waresquiel, historien spécialiste de l'histoire des idées et des représentations de la Révolution au début du XXe siècle, et auteur du livre Le Temps de s'en apercevoir, journal d'un historien (L'iconoclaste). - Comment expliquez-vous la violence à l'égard d'Emmanuel Macron et des représentants du pouvoir ?
Emmanuel de Waresquiel : L'explication de cette violence remonte à la Révolution française. Nous avons tué le roi pour donner la souveraineté au peuple. Ce transfert de souveraineté très violent et brutal l'a été d'autant plus que les révolutionnaires considéraient qu'il n'existait avant eux, aucun contrat social. Souvenez-vous de ce que dit dès 1789 le député à l'Assemblée constituante Rabaut Saint-Étienne : « Le passé n'est pas notre affaire. » Les révolutionnaires ont donc prétendu créer de toutes pièces un nouveau contrat social à partir de la primauté de la raison et du droit naturel, sur le modèle rousseauiste d'une délégation de souveraineté. Par cette création ex nihilo, ils ont tiré un trait sur l'histoire de la monarchie. Cette construction toute nouvelle, donc fragile, leur a très vite posé un problème de légitimité du pouvoir. C'est au nom de cette nouvelle légitimité et pour la consolider qu'ils ont voulu tuer le roi deux fois : une première fois lors de la prise des Tuileries le 10 août 1792, puis lorsque la déchéance de la monarchie a été prononcée le 21 septembre de la même année ; une seconde fois le 21 janvier de l'année suivante en exécutant Louis XVI place de la Révolution. C'est Robespierre qui, avec Saint-Just, a le mieux formulé cette nécessité : « Louis doit mourir pour que la patrie vive. » D'abord le corps sacré puis le corps physique du roi. Mais ce double meurtre au lieu de consolider la légitimité de la toute nouvelle République une et indivisible n'a fait qu'aggraver la fracture entre ses partisans et ses adversaires. Pour cette raison, la politique est née en France dans la violence. Cela explique que, depuis et périodiquement, tous les grands mouvements sociaux français ont aussi été des mouvements politiques, au nom d'une supériorité du peuple sur celui ou ceux qui étaient censés le représenter. La violence se cache dans cet écart jamais comblé entre une légalité contestée et une légitimité abstraite et indéfinie sans cesse revendiquée du peuple sacré et souverain. D'autant plus que, depuis dix-huit ans, avec le referendum de 2000 sur le passage du septennat au quinquennat présidentiel, le principe d'incarnation quasi monarchique de la fonction présidentielle sous la Ve République ne trouve plus son équilibre dans des élections législatives intermédiaires. - La fragilité du contrat social est-elle l'unique raison de ces violences ?
Il existe peut-être une autre cause à cette violence et celle-ci est plus psychologique. Elle tient à une espèce de schizophrénie très française qui s'explique par le double héritage dont nous sommes les enfants, monarchique d'un côté, révolutionnaire de l'autre. D'un côté, la hiérarchie, les ordres anciens, une espèce de tradition de Cour ; de l'autre, l'égalité révolutionnaire. Par exemple, dans nos relations de travail, nous avons à peu près en même temps une tendance naturelle à lécher les bottes de notre patron tout en ayant une furieuse envie de lui couper la tête. - Pourquoi cette violence a-t-elle persisté jusqu'à notre époque ?
Nous vivons dans un système de monarchie républicaine. La figure du président de la République remplace la figure du roi. En 1789, on a pris la Bastille, mais on ne voulait pas encore tuer le roi. C'étaient ses ministres, c'était la Cour, les nobles, les intendants, l'administration royale qui étaient coupables. En 1934, en pleine IIIe République, les émeutiers de février avaient tenté de prendre la Chambre des députés, pas le siège de la présidence de la République. Aujourd'hui et très significativement, les Gilets jaunes veulent marcher sur l'Élysée. Mais on n'en veut plus au « roi » au nom de la raison et du progrès, avec l'espoir que demain sera mieux qu'hier, on le tient responsable d'un sentiment mêlé de grand désordre social, de déclassement, d'honneur perdu d'un travail qui, pour beaucoup, à l'échelle de la mondialisation, n'a plus de sens. Cela relève de l'instinct de survie, certainement pas d'une quelconque croyance dans un monde meilleur et nouveau. - Pourquoi cette violence resurgit-elle particulièrement en ce moment ?
On la retrouve à chaque fois que nous avons le sentiment, à tort ou à raison, d'être dans un monde bloqué et immobile, lorsque l'ascenseur social ne joue plus son rôle, et cela est d'autant plus vrai que nous sommes aujourd'hui à la fin de plusieurs cycles : celui qui était né avec la réforme au XVIe siècle mettait l'individu, sa liberté et sa raison au cœur de monde, mais aussi un autre plus récent, né de la Seconde Guerre mondiale et des grandes réformes sociales de la fin des années 1940, où l'on avait tenté de sauver l'individu par le principe de redistribution. Tout ceci est à bout de souffle. Les États nations qui ont été le cadre dans lequel ces cycles se sont développés sont en train de disparaître. Les nouvelles réformes tardent à venir. La dernière légalité de l'État tient dans ce qui lui est à la fois le plus anonyme et le plus inerte, son appareil administratif. La majorité de ceux qui manifestent a non seulement le sentiment d'un recul de l'égalité, mais aussi d'une perte de sa liberté. Par la montée en puissance du principe de précaution, par la surveillance de tout. La gravité de la situation est causée par la conjonction et le croisement de ce double sentiment d'une perte de l'égalité et de la liberté, dans un monde qui nous échappe et sur lequel nous avons de moins en moins le contrôle. https://www.lepoint.fr/ En même temps, on ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs. _________________ - Je ne vous jette pas la pierre, Pierre -
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| | | Therese Belivet
Nombre de messages : 213 Date d'inscription : 09/01/2019
| Sujet: Re: Emmanuel de Waresquiel compare Dim 3 Fév - 12:49 | |
| Emmanuel de Waresquiel a obtenu le prix des Deux Magots pour Le temps de s'en apercevoir, un livre émaillé de réflexions sur le monde présent, très riche avec son recul d'historien. _________________ Those words were somehow future, and this was present.
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| | | escale a bangkok
Nombre de messages : 80 Date d'inscription : 03/02/2019
| Sujet: Re: Emmanuel de Waresquiel compare Dim 3 Fév - 14:36 | |
| Très bien Le procès de la reine |
| | | Aglae
Nombre de messages : 1687 Date d'inscription : 09/10/2016
| Sujet: Re: Emmanuel de Waresquiel compare Dim 3 Fév - 15:19 | |
| Merci beaucoup pour cette analyse, fine et pertinente ! Un peu de recul ne nous fait pas de mal en ces temps troublés.....
En toute humilité, et sans aucun à priori de partis ni de personne, je pense que, quelque part, les "dés étaient jetés" ...... * un long quinquennat désavoué de tous, et sans aucun "gain" économique ni social * une élection "détournée" = un vote "contre", au lieu d'un vote "pour" * des candidats peu habitués à la "politique" ( action dans la cité) sans métier, sans expérience
etc......
Il n'est pas surprenant qu' un ressentiment spontané se soit fait jour très vite....La question de fond étant = quel autre gouvernement ? Le grave est que tous soient plus ou moins décrédibilisés à l'avance, tant le mental collectif est agressif ; Le regrettable, c'est qu'il s'en faut de peu pour, au fond, qu'il y ait un consensus dans l'opinion, tant les demandes sont unanimes; La question est donc alors de trouver la personne X pour incarner ce consensus..... Et des moyens simples et réalistes sur le plan financier pour le mettre en oeuvre; Il semble que nous en soyons loin....... |
| | | globule Administrateur
Nombre de messages : 2243 Date d'inscription : 04/10/2017
| Sujet: Re: Emmanuel de Waresquiel compare Dim 17 Fév - 18:13 | |
| Ça va mal partout en Europe. _________________ - Je ne vous jette pas la pierre, Pierre -
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| | | Aglae
Nombre de messages : 1687 Date d'inscription : 09/10/2016
| Sujet: Re: Emmanuel de Waresquiel compare Lun 18 Fév - 7:22 | |
| En effet, et en France, c'est inquiétant..... |
| | | globule Administrateur
Nombre de messages : 2243 Date d'inscription : 04/10/2017
| Sujet: Re: Emmanuel de Waresquiel compare Jeu 3 Juin - 8:18 | |
| Du coup, livre à lire « On ne peut être curieux du passé sans l’être aussi du monde qui nous entoure. Après l’avoir longtemps et superbement ignoré, je me surprends à le regarder de près. Et cela donne de drôles de résultats. À force d’habiter le passé, c’est le présent qui me semble étrange. Je le regarde comme on aborderait de nouveaux rivages, en guetteur mélancolique, en flâneur, en amateur surpris et amusé. L’expérience du temps donne parfois à l’actualité des allures dérisoires, elle nous fait apercevoir ses inconséquences et sa fragilité. Les visages changent, mais la grimace reste la même. Ces exercices-là ne sont pas dépourvus de dangers. » Né en 1957, ancien élève de l’école normale supérieure, docteur en histoire, professeur à l’école pratique des hautes études, Emmanuel de Waresquiel est “L’historien et biographe le plus lu de sa génération”, l’auteur d’une biographie de référence : Talleyrand. Le prince immobile (2006 et Texto en 2015), de Cent-Jours. La tentation de l’impossible (2008 et Texto en 2014) et du livre, primé à six reprises : Fouché. Les silences de la pieuvre (Tallandier, 2014). Ses derniers ouvrages, Juger la Reine et Sept jours ont rencontré un énorme succès auprès du public et de la presse. _________________ - Je ne vous jette pas la pierre, Pierre -
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| | | Aglae
Nombre de messages : 1687 Date d'inscription : 09/10/2016
| Sujet: Re: Emmanuel de Waresquiel compare Jeu 3 Juin - 8:30 | |
| Merci beaucoup cher Globule ! c'est un livre à lire, en effet.... J'ignore ce qu'Emmanuel de Waresquiel "lit" dans le monde contemporain, j'en ai quelques soupçons, disons une intuition; Mais je ne doute pas de la pertinence de sa "lecture"; Un titre énigmatique Tout est calme, seules les imaginations travaillent que j'ai à sa lecture trouvé ? ironique ? en ce sens que trouver notre époque agitée, grincheuse, voire polémique pour tout et son contraire "calme" semble un trait d'esprit; Et puis, à la réflexion, je me demande si il n'y a pas là l'évocation d'un monde immuable, car tout ce que nous dénonçons a déjà existé, et même parfois de façon étrangement identique, en dépit des apparences, et l'historien est en droit de nous en faire prendre conscience.... DONC hop ! achat, et lecture..... Et merci de nous avoir informés..... |
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| Sujet: Re: Emmanuel de Waresquiel compare | |
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| | | | Emmanuel de Waresquiel compare | |
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