Présentation de Mme de Lamballe
La princesse de Lamballe se rendit à Versailles, où elle fut présentée par Madame la comtesse de la Marche, à Madame la Dauphine, et aux filles du Roi
Elle parut avec éclat dans une cour qui commençait à vieillir; et son mariage qui faisait espérer de voir bientôt les petits-fils du monarque avoir des compagnes jeunes et aimables, faisait plaisir aux Français, pour qui la cour alors était un spectacle où ils aimaient à voir des personnages brillants
Louis XV vit Madame de Lamballe avec le plus grand intérêt et lui conserva jusqu'à la mort beaucoup d'attachement
Madame de Lamballe dont l'âme était aussi belle que sensible, ne pouvait, sans le plus tendre intérêt, envisager la situation de Madame la Dauphine, qui mourait autant de sa douleur que de la cause inconnue de sa maladie
La jeune princesse allait souvent chez cette infortunée, et adoucissait, par les agréments de sa conversation, ses souffrances habituelles
Elle y voyait aussi la reine qui marquait, à la veuve de son fils, le plus tendre attachement, et Madame de Lamballe ne pouvait se laisser d'admirer le pouvoir de la religion, qui avait fait vivre dans la plus grande intimité deux princesses que le sort des armes auraient dû rendre ennemies irréconciliables: mais bientôt elles allaient être réunies dans le séjour de la paix, où elles ne verraient que d'un œil de pitié ces intérêts que les hommes ne regardent si grands qu'en proportion de leur petitesse
Madame la Dauphine s'affaiblissait tous les jours: le Roi qui lui avait donné des marques éclatantes de considération depuis la mort de son mari, ne lui marqua pas moins d'attachement pendant sa maladie
Elle voulut que ses enfants assistassent à la cérémonie des derniers sacrements qu'elle reçut avec la plus grande dévotion; elle les bénit et mourut le 13 mars 1767
Elle avait demandé à être inhumée à Sens, dans le tombeau de son époux
un célèbre artiste fut chargé de leur élever un mausolée dont les emblèmes peignaient leur amour et leurs vertus
Comment ce monument qui honorait l'humanité, n'a-t-il pas été respecté par ceux qui prétendaient n'en vouloir qu'à l'orgueil ?
Le deuil que cette mort renouvela, rendit la cour encore plus triste
Monsieur de Lamballe y parut peu; nous avons dit qu'il était très lié avec le duc de Chartres: ils étaient du même âge, mais leur éducation avait été très différente
Le fils du Duc d'Orléans n'avait eu que des exemples fait pour corrompre ses mœurs; il avait 12 ans lorsque sa mère mourut et il était impossible qu'il ignorât entièrement les excès qui la menèrent au tombeau
La conduite de son père, sans être licencieuse, n'était pas régulière et jusqu'au moment qu'il s'attacha à la vertueuse et charmante Madame de Montesson, il avait vécu publiquement avec des femmes, dont l'état seul fait soupçonner la vertu; il en avait eu plusieurs enfants: il est bien difficile que de pareils écarts ne fissent pas une vive impression sur un jeune homme qui avait reçu de la nature des inclinations vicieuses au lieu que Monsieur de Lamballe avait toujours vu la vertu honorée dans la maison de Monsieur le Duc de Penthièvre, qui avait mis un soin extrême dans le choix de ceux qui entouraient son fils.
Les pages même de cette maison étaient tenus avec une austérité qui ne leur aurait pas permis de ces espiègleries connues depuis si longtemps sous le nom de Tour de Pages
Son gouverneur, monsieur de.... et l'abbé de ..... son précepteur, étaient des hommes de la piété la plus reconnue
Quoiqu'il n'eût que 7 ans lorsque madame la Duchesse de Penthièvre mourut, il n'avait pu oublier des leçons qu'elle se plaisait déjà à lui donner et le souvenir de ses vertus était encore présent à l'esprit de tout ce qui avait eu le bonheur de la connaître: sa fille, vertueuse autant qu'infortunée, en retrace le fidèle tableau
La dames de la Duchesse que monsieur le Duc de Penthièvre avait gardées chez lui par respect pour la mémoire de sa femme, étaient infiniment estimables
Le Duc de Penthièvre voulait que son fils, à qui il espérait un jour voir passer la charge de grand-amiral, eût toujours à sa table de vieux capitaines de vaisseau, afin qu'ils l'instruisissent dans l'art de la marine et sur tout qu'ils lui donnassent des exemples de cette loyauté, de cette franchise poussée presque jusqu'à la rudesse, dans ce corps si respectable et si calomnié de nos jours
Rien n'offrait au jeune prince que le tableau de la piété et de l'amour de ses devoirs: peut-être aurait-on pu reprocher à cette éducation d'être un peu sévère, si la tendresse et l'affabilité de son père n'en avaient adouci ce qu'elle avait d'austère