Le Boudoir de Marie-Antoinette

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 Femmes artistes au XVIIIe siècle

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Airin

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MessageSujet: Femmes artistes au XVIIIe siècle   Femmes artistes au XVIIIe siècle Icon_minitimeMer 13 Fév - 22:06

Je vous propose une série sur les femmes dans l'art, en général et au siècle qui nous intéresse en particulier. Wink

  • Femmes artistes (1/4)
    L’invisibilisation des musiciennes et des femmes compositrices


A l’occasion de la parution de l’ouvrage collectif « La musique a-t-elle un genre ? » (éditions de la Sorbonne), la Fabrique reçoit l’historienne Mélanie Traversier qui l’a codirigé.

Femmes artistes au XVIIIe siècle 838_210
Cécile de Rome, par Guido Reni


Avec elle nous revenons sur l’invisibilisation des musiciennes et plus encore des compositrices. Une mémoire empêchée qui tient à la fois à des raisons supposément théoriques ( les femmes pratiqueraient la musique sur un mode mineur) mais aussi pratique ( c’est en 1774 qu’une femme, Maria Rosa Coccia, a été admise pour la première fois dans la congrégation romaine de Sainte Cécile et devenir ainsi maître de chapelle).

Mélanie Traversier, historienne des milieux de l’opéra napolitain et membre de l’association pour l’histoire des femmes et du genre Mnémosyne, énumère les obstacles à leur carrière mais montre aussi comment ces artistes décidèrent d’affronter les interdictions. Elles pratiquèrent ainsi les instruments à vent, qui leur étaient en théorie interdits, firent des procès aux impresarii qui les payaient moins que les hommes, exigèrent d’être reconnues non pas comme sœur, femme ou fille d’un grand compositeur mais comme compositrices elles-mêmes.

En écoute https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/femmes-artistes-14-grand-entretien
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Airin

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MessageSujet: Re: Femmes artistes au XVIIIe siècle   Femmes artistes au XVIIIe siècle Icon_minitimeMer 13 Fév - 22:09

  • Femmes artistes (2/4)
    Peintres, sculptrices, copistes : qui sont les femmes artistes au XVIIIe siècle ?


Qui sont les femmes artistes aux XVIIIe et XIXe siècles ? Quelle promotion sociale peuvent-elles envisager grâce aux métiers d'art ? Quelles stratégies déploient-elles face aux discours masculinistes dominants à partir de 1850 ? Et quelles règles – voire quelles limites – leur sont imposées ?

Emmanuel Laurentin et Séverine Liatard s'entretiennent avec Charlotte Foucher-Zarmanian, historienne, chargée de recherches au CNRS, spécialiste des femmes dans le monde de l'art et Séverine Sofio, sociologue, chargée de recherche au CNRS.

Le XVIIIe siècle voit se développer un mouvement de féminisation des arts, avant et après la Révolution française, avant de connaître un coup d’arrêt au milieu du XIXe siècle.

  • Séverine Sofio : En effet, sous la Monarchie de Juillet, 1 peintre sur 5 est une femme et 30% des copistes qui travaillent pour l’administration, pour les tableaux d’histoire qui sont produits pour le musée voulu par Louis Philippe, sont des femmes. Et elles bénéficient d'une reconnaissance relativement importante puisqu’elles sont médaillées dans les salons dans les mêmes proportions que les hommes. Après la Révolution française, les femmes ne sont plus seulement peintres d’histoire mais commencent également à investir les genres mineurs comme la peinture de fleurs, la peinture de miniatures ou sur porcelaine. Des écoles se créent pour former les jeunes filles et les familles ont conscience, à une époque où les femmes n’ont pas accès à l’enseignement secondaire, que l’art est le seul moyen - avec le mariage - d’ascension sociale. D’autant que ces artistes femmes ne sont pas victimes du stigmate social qui frappent les écrivaines à la même époque : la peinture est un métier honorable. Depuis le portrait en miniature jusqu’à la peinture sur porcelaine en passant par le coloriage de gravures, un grand nombre de débouchés, de métiers sont ouverts aux femmes, y compris de condition modeste.


Après cette période d’ouverture, de légitimation de la présence de femmes artistes dans la société, on assiste à un moment de clôture dans les années 1850 ?

  • Charlotte Fouchet-Zarmanian : En effet, au tournant du XIXe et du XXe siècle, la création artistique est envisagée selon un puissant clivage : la création serait du côté des hommes tandis que les femmes sont reléguées à la procréation, en vertu d’une théorie de la complémentarité, ou des « vases communicants » : aux hommes les grands genres, la grande technique, les grands sujets, et aux femmes les petites dimensions, les petits sujets. On observe à cette époque chez les critiques d’art, mais aussi chez les médecins, les prêtres, de nombreux discours misogynes, biologisant, essentialistes qui relèguent la femme du côté de sa vocation maternelle et conjugale. Selon ces discours, les femmes ne peuvent prétendre à l’originalité, elles sont condamnées à l’imitation, à la copie. Une femme belle qui peut procréer ne peut donc pas créer. Et pour celles qui toutefois parviendraient à créer, elles ne peuvent alors qu’en venir à se déféminiser, à se masculiniser, à avoir « un cerveau d’homme » comme on le disait des écrivaines.


En écoute https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/femmes-artistes-24-femmes-artistes-2e-volet
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Airin

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MessageSujet: Re: Femmes artistes au XVIIIe siècle   Femmes artistes au XVIIIe siècle Icon_minitimeMer 13 Fév - 22:12

  • Femmes artistes (3/4)
    Ecrivaines, dramaturges, autrices : la longue histoire des femmes de lettres


Moche, hideux, grotesque ? Pourquoi le substantif autrice suscite-t-il tant de réactions épidermiques alors qu'auditrice ou actrice ne heurtent personne ?

Emmanuel Laurentin s'entretient avec Aurore Evain, historienne de l’Ancien Régime, auteure d’une recherche sur l’histoire du terme “autrice”, Corinne François-Denève, maître de conférences en littérature comparée à l'Université de Bourgogne et Christine Planté, professeur émérite de littérature française et d'études sur le genre à l'Université Lyon II.

Autrice, un néologisme ?

  • Aurore Evain : Pas du tout ! C'est en travaillant sur les premières actrices aux XVIe et XVIIe siècle, dans les registres de comptes de la Comédie française du XVIIe siècle, que j'ai découvert ce mot. Autrice existe depuis l’Antiquité - auctrix, féminin latin du mot auctor - et depuis l’Antiquité on lui fait la guerre ! Au XVIe siècle, les premières écrivaines professionnelles comme Marie de Romieu ou Marie de Gournay étaient nommées ainsi. Mais quand l’Académie française s'est constituée au XVIIe siècle, le mot est rejeté et il n'apparaît pas dans les premiers dictionnaires de français. Il continue pourtant à être revendiqué au XVIIIe siècle par des lectrices, des journalistes. Sauf qu’il n’a plus d’histoire : en l'espace de cinquante ans, elle a été effacée. Il continue d'être revendiqué mais en tant que néologisme, donc il perd sa légitimité, ce qui nous ramène à cette question de l’importance de la mémoire, de la filiation. On ne perd jamais sa trace : à la fin du XIXe siècle, la romancière Marie-Louise Gagneur interpelle l’Académie pour l'utiliser à nouveau. Mais ce n’est qu’au XXIe siècle, il y a seulement dix ans, que l’on commence à se ré-emparer de ce mot, à avoir connaissance de son histoire, et parce qu'il s'agit d'une question éminemment politique.


Reconnaître l'existence d'une continuité entre autrices de toutes les époques est-il suffisant ?

  • Christine Planté : On ne sortira des stéréotypes de la minoration et du mépris pour les femmes seulement en répétant ce que l’on fait à chaque génération : qu’il y a eu des femmes admirables, qu’elles ont écrit, joué un rôle, etc. si l’on ne s’interroge pas aussi sur leurs relations avec leurs contemporains, sur les conflits, sur les enjeux de pouvoir. On peut espérer sortir un jour d’une histoire qui ignore et minore les femmes - ou les assigne à catégories ainsi : en observant comment la littérature est traversée des rapports de domination entre hommes et femmes, mais aussi comment elle les modifie. La littérature est en effet le lieu où l’on s’est beaucoup interrogé sur les rôles, les normes. Et souvent, si les femmes sont rejetées, méconnues ou inacceptables c’est parce qu’elles interrogent trop fortement les hiérarchies en place, comme on le voit avec George Sand ou Madame de Staël. L’approche en termes de genre revient à se dire qu’il n’y a pas un problème avec les femmes qui seraient des êtres particulièrement affligés au regard de l’humanité mais qu’il existe des relations - culturelles, sociales, symboliques - entre masculin et féminin qui expliquent la position que l'on attribue aux œuvres et aux êtres.


En écoute https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/femmes-artistes-34-auteur-auteure-autrice-la-longue-histoire-dun-feminin-qui-fache
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Aglae

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MessageSujet: Re: Femmes artistes au XVIIIe siècle   Femmes artistes au XVIIIe siècle Icon_minitimeJeu 14 Fév - 7:44

Smile Ma chère Airin, vous êtes un puits de science...... Femmes artistes au XVIIIe siècle 405462 Femmes artistes au XVIIIe siècle 914132
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Airin

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MessageSujet: Re: Femmes artistes au XVIIIe siècle   Femmes artistes au XVIIIe siècle Icon_minitimeSam 16 Fév - 12:38

Mon Dieu, ma chère amie, vous êtes trop aimable, ce qui me remplit de confusion. Embarassed Les informations sont celles du média dont je donne les sources.
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Bint Georch

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MessageSujet: Re: Femmes artistes au XVIIIe siècle   Femmes artistes au XVIIIe siècle Icon_minitimeSam 7 Mar - 9:00

Chers amis et amies, je partagerai avec vous une publication parue dans Connaissance des Arts et signée de François Legrand.


Conquêtes féminines : Élisabeth Vigée Le Brun et les artistes femmes du XVIIIe siècle


  • Mises à l’écart du cursus officiel de formation artistique, les artistes-femmes du XVIIIe siècle surent manifester ouvertement leur maîtrise du métier pictural dans leurs autoportraits. Le cercle de Marie-Antoinette se révéla plus favorable à leur émancipation que ne le fut la Révolution.


Femmes artistes au XVIIIe siècle Cda20_10
igée Le Brun, La baronne Henri Charles Emmanuel de Crussol Florensac, née Anne Marie Joséphine Gabrielle Bernard de Boulainvilliers, 1785, huile sur bois, Toulouse, musée des Augustins.


Durant la quinzaine d’années qui précédèrent la Révolution, la scène artistique parisienne fut marquée par un phénomène sans précédent : l’affirmation professionnelle de jeunes femmes peintres fermement décidées à en finir avec l’invisibilité et l’amateurisme dans lesquels les maintenait le système académique. Elles se nommaient Anne Vallayer-Coster, Élisabeth Vigée Le Brun, Adélaïde Labille-Guiard, Gabrielle Capet, Marie-Victoire Lemoine, Marie-Guilhelmine de Laville Leroux, Adèle Romany… et toutes ces artistes, si différentes fussent-elles, refusaient d’être traitées en éternelles mineures vouées aux seuls arts d’agrément. Sous la monarchie finissante, la pratique de l’autoportrait féminin a revêtu ainsi une dimension proprement « politique ».

Un apprentissage réservé aux hommes

Le fonctionnement de l’Académie royale de peinture et de sculpture explique en grande partie cette mise à l’écart. Au XVIIIe siècle, la Vénitienne Rosalba Carriera (1675-1757) et l’Allemande Anna Dorothea Therbursch (1721-1782) comptent parmi les rares exceptions qui confirmèrent cette règle d’airain masculine. L’interdiction faite aux femmes de fréquenter les ateliers où l’on travaillait d’après le modèle nu les avait placées de facto en dehors des cadres conventionnels de la formation artistique. Cet impossible apprentissage enfermait les femmes dans un statut infantilisant d’autodidacte, préjudice qui réservait les étapes successives du cursus honorum classique aux seuls hommes. Le fait qu’Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842), fille d’un pastelliste reconnu et intégré dans le milieu artistique, Louis Vigée, ait grandi dans le sérail lui permit de contourner ce handicap.

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Autoportrait de Vigée Le Brun exécutant un portrait de la reine Marie-Antoinette, 1790, huile sur toile, Florence, Les Offices.


Une nouvelle ère dans le cercle de Marie-Antoinette

La détermination féminine à faire carrière – et donc à intégrer l’Académie – fut le fait de la génération d’artistes qui émergea à partir des années 1770. À cette date, Anne Vallayer-Coster (1744-1818) fut certes admise à présenter son morceau de réception lors du Salon, mais elle devait en grande partie cet honneur au fait que la nature morte qu’elle pratiquait de manière si singulière était considérée comme la catégorie la plus basse dans la hiérarchie des genres. En 1783, les réceptions de Labille-Guiard (1749-1803) et de Vigée-Le Brun inaugurèrent une ère nouvelle, hélas, éphémère.

Femmes artistes au XVIIIe siècle Cda20_12
Marie-Antoinette en robe de mousseline, 1783, huile sur toile, Kronberg, Hessisches Hausstiftung


De ce point de vue, le cercle de Marie-Antoinette fut plus favorable à l’essor des artistes féminines que ne le serait la Révolution, soucieuse de les faire rentrer dans la sphère privée. Cette volonté d’affirmation sociale obligeait les femmes peintres à manifester publiquement leur maîtrise du métier pictural. Déjouer le soupçon permanent d’un savoir-faire déficient s’avérait d’autant plus indispensable que le public des Salons n’hésitait pas à mettre en doute le caractère autographe des tableaux présentés par des femmes. Avant sa réception à l’Académie, Adélaïde Labille-Guiard fut ainsi en butte à des insinuations humiliantes. Ce commentaire élogieux le confirme a contrario : « Madame Guiard […] détruit bien complètement la fausse opinion que l’envie ou l’ignorance s’était empressée de répandre dans le public que le mérite de ses ouvrages était dû à une main étrangère… » Main masculine, il va de soi.

L’autoportrait comme arme politique

Le meilleur moyen d’affronter ce déni était de manifester ouvertement cette nouvelle conscience de soi : l’autoportrait féminin devint ainsi le thème privilégié d’artistes qui revendiquaient leur nouveau statut social. Se représenter devant une toile les pinceaux et la palette à la main permettait de répondre dans et par la peinture à ceux qui niaient la légitimité d’une carrière artistique féminine. Avec son naturel déconcertant, Élisabeth Louise Vigée Le Brun exprima avec force conviction cet esprit de conquête dans son Autoportrait réalisé en 1782. En nous regardant dans les yeux, Vigée Le Brun allie affirmation de soi, audace sociale et tempérament monarchique. Son attachement indéfectible à ce qui relève de la séduction et de la douceur de vivre, qu’elle associait au mode de vie aristocratique, s’inscrit pleinement dans la société d’Ancien Régime. Étrangère à l’idée même de révolution, la peintre bouleverse néanmoins les paradigmes de son époque en se proclamant aux yeux de tous artiste et femme. Mieux, elle affiche sans arrogance sa souveraine autonomie : hommage explicite à Rubens, l’élégant Autoportrait au chapeau de paille illustre la facilité souvent jalousée avec laquelle la jeune artiste en passe de devenir académicienne élit elle-même ses propres maîtres – les peintres nordiques anciens –, sans se soucier de rendre hommage à ses collègues de l’autre sexe.

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Vigée Le Brun, Autoportrait dit aux rubans cerise, 1782, huile sur toile, Fort Worth, Kimbell Art Museum.


Proche du cercle de Marie-Antoinette et de la grande aristocratie, Vigée Le Brun bénéficie de cet appel d’air venu des hautes sphères de la monarchie autant qu’elle le provoque ; il lui permettra de se faire une place dans la société masculine de son temps. De manière singulière, elle trace son sillon en démontrant que liberté et privilège ne sont pas incompatibles. Chez elle, le talent semble inné comme s’il coulait de source. Cette image même de la grâce se retrouve dans un autre Autoportrait, celui que peignit Marie-Guilhelmine de Laville-Leroux en 1786 . On y décèle un même attrait pour les voiles et les drapés censés embellir le costume contemporain, jugé peu propice aux suggestions élégiaques d’une Antiquité plus poétique que doctrinaire. Une vision aux antipodes de celle propagée par Adélaïde Labille-Guiard qui préfigure, pour sa part, l’idéal révolutionnaire à ses débuts.

L’esprit révolutionnaire d’Adélaïde Labille-Guiard

La modestie de son premier Autoportrait au pastel de 1782 tranche avec les dimensions exceptionnelles et l’ambition picturale autant qu’intellectuelle de celui de 1785, exécuté à l’huile. Académicienne depuis deux ans, l’artiste se représente devant une immense toile, entourée de deux de ses élèves. Cet éloge de l’apprentissage rejoint une conception méritocratique du travail artistique qui préfigure l’idéal du 4 août 1789 : chacun peut désormais espérer se faire une place en proportion de ses talents. La ressemblance qui fonde le métier de portraitiste est décrite ici comme le fruit d’un patient labeur qui ne doit rien à la naissance, mais tout à la persévérance. Adélaïde Labille, écrit de manière révélatrice un de ses contemporains, « avait dès sa jeunesse renoncé aux plaisirs de la société pour son art… » L’artiste nous prend à témoin de sa ferme résolution : elle nous observe afin que chaque spectateur puisse s’identifier au modèle dont elle peint les traits sur une toile habilement présentée du côté du châssis.

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Adélaïde Labille-Guiard, Autoportrait de l’artiste accompagnée par deux de ses élèves, Marie Gabrielle Capet et Marie Marguerite Carreaux de Rosemond, 1785, huile sur toile, 210,8 x 151,1 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art.


Proches de leur professeur, les deux élèves enlacées semblent ne faire qu’une et cette proximité affective et vestimentaire traduit le sentiment profond d’égalité qui anime cette génération. Si tout éloignait Gabrielle Capet, fille de domestique, et Marie Marguerite Carreaux de Rosemond, issue de la noblesse, rien ne différencie plus les deux aspirantes à la carrière artistique dans cet atelier acquis à l’abolition des privilèges. Adélaïde Labille-Guiard revendique la fonction d’enseignante, alors que le statut de professeur restait un privilège réservé aux seuls académiciens.

Domination masculine

Menée à partir de 1793 et surtout en 1794, l’exclusion progressive des femmes de la citoyenneté trouva sa conclusion logique dans le monde des arts sous le Directoire, période durant laquelle furent peints les autoportraits d’Adèle Romany et de Marie-Victoire Lemoine. L’Institut, qui remplace à partir de 1795 la défunte Académie, a poursuivi et achevé « cette redistribution du pouvoir au profit exclusif des hommes » (Marie-Josèphe Bonnet). Présenter son autoportrait, comme Adèle Romany ose le faire au Salon de 1795, témoignait d’un refus de cette prétendue « loi de la nature » qui privait les femmes du statut d’individu – et donc d’artiste –, afin de les réduire au seul rang de mère.

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Marie-Victoire Lemoine, Atelier d’une femme peintre : hommage à Vigée Le Brun, 1796, huile sur toile, New York, The Metropolitan Museum of Art.


Exécuté à une date inconnue, L’Atelier d’une femme peintre est l’œuvre de Marie-Victoire Lemoine, artiste de 42 ans qui avait exposé pour la première fois en 1779. Les fréquentes et longues interruptions qui ponctuèrent sa carrière illustrent l’influence délétère exercée par le nouveau contexte sur la carrière des femmes. Hommage adressé à Mme Vigée Le Brun, l’artiste se serait représentée – avant la Révolution ou après 1795 ? – avec son égérie, identifiée à une « Minerve moderne », comme l’indique la figure mythologique casquée qui figure sur la toile. L’œuvre célèbre l’aptitude d’Élisabeth Vigée Le Brun à faire face aux contraintes d’une époque troublée. Arborant une palette, la portraitiste de Marie-Antoinette semble munie des attributs d’une allégorie de la Peinture. Mais quel est cet art auquel Marie-Victoire Lemoine semble vouer un culte? La méticulosité avec laquelle sont traduits les moindres détails vestimentaires et décoratifs révèle l’attachement de plus en plus manifeste de l’artiste pour le faire lisse des petits maîtres hollandais. Marie-Victoire Lemoine entend désormais se consacrer à la scène de genre. Alors que s’imposait l’art viril de David, ce registre inoffensif et impersonnel convenait idéalement à ceux qui rêvaient d’enfermer les femmes ayant l’audace de s’adonner à la peinture dans la célébration consciencieuse de la sphère domestique.

Trente ans après avoir peint son autoportrait, Marie-Guilhelmine de Laville-Leroux mit un terme à sa carrière talentueuse pour ne pas entraver celle de son mari, devenu ministre de Louis XVIII. La piètre situation des artistes femmes après la promulgation du Code civil en 1804 rend d’autant plus exceptionnel le parcours ininterrompu d’Élisabeth Louise Vigée Le Brun.


J'ajoute le lien url de l'article original.
https://www.connaissancedesarts.com/peinture-et-sculpture/conquetes-feminines%e2%80%89-elisabeth-vigee-le-brun-et-les-artistes-femmes-du-xviiie-siecle-11134221/

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