Alors que les Anglais viennent tout juste d’établir une colonie à Sydney, des espions français, sous couvert d’expédition scientifique, suggèrent à Napoléon de prendre possession de ces terres australes. On est en 1802.
(par Jean-Auguste-Dominique Ingres)Le « contrat du siècle » : c’est avec emphase que Paris et Canberra – où la ministre de la Défense Florence Parly s’est rendue – ont célébré, lundi, le deal colossal portant sur la construction de 12 sous-marins conçus par le français Naval Group, destinés à la marine australienne. Le montant total du projet est en effet… abyssal : 31 milliards d'euros, doublé d’un « partenariat stratégique » ! Avec cette flotte made in France, l’Australie espère contenir les appétits marins expansionnistes de la Chine. À l’époque, il s’agissait plutôt de contenir ceux de la France... Retour en arrière.
Après des mois d’un périple éprouvant, le « Naturaliste » et le « Géographe », deux navires commandés par Nicolas Baudin, débarquent en juin 1802 à Port Jackson… le futur port de Sydney en Australie. Partie en octobre 1800 du Havre, l’expédition scientifique a été ordonnée par le premier consul Napoléon Bonaparte, fasciné par ce qu’on appelle alors la Nouvelle-Hollande qu’il a découverte dans un de ses livres de chevet, les récits de voyage de James Cook, le capitaine anglais qui a découvert le continent austral en 1770.
L’objectif officiel est de cartographier ces terres et d’en étudier la population, la flore et la faune. La France, qui s’enorgueillit d’être la nation des « savants », a missionné des zoologues, des botanistes, des illustrateurs, un géographe mais aussi un anthropologiste, François Péron. Mais sur place, le soi-disant scientifique recommandé par Jussieu s’intéresse moins aux Aborigènes qu’aux installations militaires des Anglais, qui y ont établi en 1788 leur première colonie pénitentiaire. Et constate que le port de la colonie n’est protégé par aucune fortification. « Seulement deux frégates pourraient bloquer une flotte entière », consigne-t-il.
- «Nous devons peser par tous les moyens possibles sur leurs projets futurs»
Le capitaine Nicolas Baudin, lui, mesure le vaste potentiel qu’offre Port Jackson. « Les gens en France et ailleurs sont loin d’imaginer ce que les Anglais sont parvenus à accomplir avec cette colonie en seulement quatorze ans : une colonie dont la taille et la prospérité ne peut que croître encore davantage. Nous devons peser par tous les moyens possibles sur leurs projets futurs », écrit-il au ministère de la Marine.
Les Anglais accueillent à bras ouverts les « scientifiques » français. Péron, lui, s’ingénie à créer des liens étroits avec le gouverneur Philip King. Parallèlement, il identifie de potentiels alliés sur place : les Irlandais, pour l’essentiel des prisonniers politiques punis pour une rébellion fomentée en 1798.
Pendant ce temps, l’enseigne de vaisseau Louis de Freycinet, 23 ans, inspecte la côte nord et sud. « Les maisons, de 300 à 400, sont petites. Si les bâtiments principaux étaient capturés, les autres tomberaient naturellement entre les mains du conquérant », écrit-il.
- Des kangourous rapportés en France
Les Français n’oublient pas de remplir leur mission officielle, qui permet de recenser des centaines de plantes et d’animaux jusqu’alors inconnus. Certains spécimens sont ramenés au Muséum d’histoire naturelle à Paris, mais beaucoup d’autres partent à la Malmaison, dans le jardin de l’impératrice Joséphine. On peut y apercevoir des kangourous, des émeus, un casoar, des tortues ou encore des cygnes noirs, qui s’y reproduisent pour la première fois dans l’hémisphère nord.
L’idée d’une invasion ne réapparaît qu’en juin 1810, sous la forme d’un ordre de Napoléon à son ministre de la Marine : « Prenez la colonie anglaise de Jackson qui est au sud de I’Isle de France (NDLR : Maurice) et où on trouverait des ressources considérables. » Quatre frégates et 1500 hommes à leur bord, qui préparaient leur départ, n’auront jamais l’occasion d’apprendre le français aux Aborigènes. En décembre 1810, les Anglais, pas si dupes, envahissent l’île Maurice. Et anéantissent du même coup le rêve australien de Napoléon.
- Le mimosa doré de Joséphine
De cette expédition, les Français ont aussi apporté du mimoasa doré (« golden wattle » en anglais). De cette plante endémique, l’Australie en a fait son emblème floral. L’impératrice Joséphine en a planté dès le retour en France des navires. « Joséphine vouait une véritable passion pour la faune et la flore australiennes et aimait particulièrement le mimosa doré », explique le journaliste Terry Smyth.
Cette plante, on la retrouve aussi à l’autre bout de la planète, sur une île perdue au milieu de l’Atlantique : Sainte-Hélène ! « Lorsque Napoléon y a été envoyé en exil après Waterloo, il a emporté avec lui des plants de mimosa doré, extraits du jardin de Joséphine à Rueil-Malmaison. Puis il les a fait planter à Sainte-Hélène, en souvenir de sa bien aimée. » Il en avait certes divorcé en 1809, mais continuait à la chérir jusqu’à sa mort en mai 1814, lors du premier exil de Napoléon à Elbe.
Source référencée « Napoleon's Australia », de Terry Smyth
article http://www.leparisien.fr/