Vendredi 22, à Versailles.
Le roi eut des douleurs la nuit; on ne le vit que sur les onze heures; sa goutte augmenta, et il ne peut plus s'appuyer sur son pied.
Nous le vîmes le soir après souper dans son lit; on laissa entrer les privilégiés.
Monseigneur s'alla promener l'aprèsdînée dans les jardins avec madame de Bourbon, madame la princesse de Conty et beaucoup de dames ; ensuite il s'embarqua dans la galère, et puis vint faire aller quelques-unes des plus belles fontaines.
Le soir il y eut comédie françoise.
On sut que M. de Mortemart commanderoit cette année l'escadre de vaisseaux qu'on arme dans la Méditerranée; Tourville, lieutenant général, et Amfreville, chef d'escadre, serviront sous lui.
Il est rare que les généraux des galères commandent les vaisseaux quanp il n'y a point de galères; il y en a eu pourtant des exemples, et M. de Vivonne les a commandés dans les mers deSicile avant même que d'être maréchal de France.
On mande de Pologne qu'on y fait de grands préparatifs pour la campagne prochaine ; les Turcs offrent aux Polonois de faire avec eux une paix particulière, de leur donner 500,000 écus et de leur rendre les places qu'ils ont prises dans l'Ukraine et dans la Podolie, à la réserve de Caminiek, que le Grand-Seigneur veut garder absolument, parce qu'il en a fait la conquête en personne; ces propositions ont été rejetées.
Le roi de Pologne envoie des ambassadeurs à Moscou pour faire la paix avec les czars et tacher à les obliger d'attaquer les Tartares, ce qui feroit une diversion qui lui seroit fort avantageuse; il a envoyé 6,000 habits aux Cosaques fidèles, et prétend que son armée sera composée de 28,000 Polonois, 15,000 Lithuaniens et de 12,000 Cosaques, sans compter les troupes auxiliaires de Brandebourg et de Courlande ; il avoit promis, par le traité de ligue avec l'Empereur et la république de Venise, de mettre 50,000 hommes en campagne, contre l'ennemi commun.
(1) Ce soir, le roi |iermit à M. Nicolaï d'exercer la charge qu'il lui avoit donnée le matin; il faut avoir quarante ans pour l'exercer, il n'en a que vingthuit. Le roi lui en donne la dispense. Son père avoit commencé à l'exercer à vingt-deux ans, mais en ce temps-là le règlement n'éteit pas fait.
( Note de Dangcau. — Mis. de la bibl. de l'Arsenal. )