Le passage du Roi

D'un tempérament timide , Louis XVI souhaite rester très discret sur ses allées et venues chez Marie-Antoinette : il ne veut tout simplement pas que l'on sache qu'il va coucher chez Elle. Jusqu'à 1775, le trajet habituel pour se rendre de la chambre à coucher du Roi (qui correspond à l'actuelle chambre de Louis XV et Louis XVI) à celle de la Reine passe inévitablement par le cabinet du conseil, la grande chambre de parade (actuelle chambre de Louis XIV), l'antichambre de l'Oeil-de-Boeuf où l'on emprunte alors un petit passage qui court dans la doublure de la Galerie des Glaces.
Mais avant d'y parvenir, le Roi ne manque pas de rencontrer toutes sortes de gardes, de garçons de la chambre, et d'autres officiers dédiés à son service et à sa sécurité.
La discrétion est donc loin d'être assurée...surtout lorsque la Reine a fermé Sa porte à clef et qu'il faut à Louis XVI rebrousser chemin...

Louis XVI commande alors à son architecte, Jean-François Heurtier, un passage beaucoup plus isolé et à l'abri des regards indiscrets.
Le directeur général des Bâtiments, M. d'Angiviller, croit la chose impossible car la difficulté est extrême.
Pourtant, Heurtier s'en sort à merveille avec un corridor biscornu qui s'étend sur près de soixante-dix mètres (!!!) de long.
Celui-ci prend place, dans les appartements intérieurs du Roi, depuis l'escalier semi-circulaire (celui de Madame de Pompadour?) juste après le cabinet de chaise du souverain dans la doublure de la Galerie des Glaces, passe sous le cabinet du Conseil, la grande chambre de Louis XIV, l'antichambre de l'Oeil-de-Boeuf, pour finalement ressortir au niveau de l'escalier privé des appartements intérieurs de la Reine que l'on remonte pour déboucher presque immédiatement au niveau de la porte sous tenture à gauche de l'alcôve de la chambre de Marie-Antoinette.
Louis XVI peut jouir de ce "passage secret" dès le retour de son sacre à Reims le 11 juin 1775, soit dix jours à peine après qu'il a été commandité!!!
C'est ce détail qui m'a le plus interloqué , lorsque j'ai découvert l'article dédié à ce passage du Roi dans le magazine Château de Versailles...

Cet espace fut le théâtre d'un événement historique : pour fuir les émeutiers qui envahissaient le château le matin du 6 octobre 1789, Marie-Antoinette emprunta le corridor ordinaire au premier étage , tandis que Louis XVI_ pour La rejoindre et récupérer leurs enfants_ préféra "son" passage. Les souverains eurent finalement bien du mal à se retrouver, se croisant et se barricadant dans les Appartements du Roi...



Bien à vous.

Majesté a écrit:

La discrétion est donc loin d'être assurée...surtout lorsque la Reine a fermé Sa porte à clef et qu'il faut à Louis XVI rebrousser chemin...

Le pauvre il n'avait pas la clé.

Osterreich a écrit:

Le pauvre il n'avait pas la clé.

Il devait sûrement, pour l'avoir, demander un autorisation aux Bâtiments, puis, avec l'assentiment du Gouverneur, la demander à la Maison de la reine qui elle s'en référait à ....

Le voici, ce fameux passage du roi :

Formidable! Merci Attachboy!

Merci Attachboy !
Je pense que ces fenêtres donnent dans le Salon de l'Oeil-de-Boeuf duquel on a pu constaté qu'on ne devinait aucunement ce passage...C'est que de ce côté-là, les carreaux sont comblés de glaces sans tain

Bien à vous.

pas du tout !

Ce passage passe sous l’œil de bœuf ! Cette fenêtre donne sur la première antichambre du dauphin au rez de chaussés. Elle n’existait pas sous Louis XVI.

Elle a été installée au XIXème siècle sans doute pour éclairer le passage.

La démonstration en image. Voilà ce que l'on voit depuis cette fenêtre :

Très intéressant! Il faut absolument que je demande à y passer!
Avez-vous parcouru ce passage sur toute sa longueur?

Sur une partie seulement.

Si je ne me trompe pas, la partie qui partait des appartements du roi n’existe plus. On descend par un escalier qui aboutit derrière le chambre des bains de la reine au rez de chaussée.

Ce passage, en principe, on y passe lorsque l'on fait la visite commenté des appartements de la reine.

Merci pour toutes ces précisions!
Il me semblait bien qu'à l'occasion d'une visite très approfondie de l'appartement du Roi notre collègue nous avait parlé de l'existence de sections subsistantes de ce fameux passage...

je me rappelle, il y a presque 15 ou 20 ans, quand je découvrais Versailles l'une des premières fois.

A l'époque, il y avait plusieurs choix de visites commentées par jour. Une belle époque !

J'avais choisi de visiter l'appartement de madame du Barry. Et j'étais seul avec le guide !

Du coup, comme je lui avais posé des questions justement sur le matin du 6 octobre, il m'avait emmené dans les appartements de la reine pour me montrer par où elle était passée, et il m’avait fait pénétrer justement dans ce passage, qui, à cette époque, n'avait pas été refait.

Quelle chance!
Quelle émotion!
Ce lieu devait avoir une atmosphère extraordinaire!
Je n'ai évidemment rien contre une restauration lorsqu'elle respecte la personnalité si fragile d'un lieu !
Mais c'est une tâche si délicate que de la préserver. Les âmes de ces endroits s'évanouissent très vite...
Hélas, les choix des architectes sont souvent à l'origine de véritables décapages d’atmosphères...

Il y a des plans et photos de ce passage dans cette mine qu'est

https://versablog2.skyrock.com/

photos de ...la marquise de Chissay !!!Cela vous rappelle quelqu'un ??? !!!

attachboy a écrit:

pas du tout !
Ce passage passe sous l’œil de bœuf !

C'est vrai que c'est ce que j'ai relu...je m'y perds dans ce passage...je l'ai pourtant emprunté plusieurs fois...
Mais mon état est tel alors que je suis comme drogué de Versailles...je ne suis plus dans mon état normal...il suffit de voir nos photos du mois de février...

Bien à vous.

C'est vrai qu'il est superbe !

Pour le passage du roi, il existe tellement de couloirs, escaliers et passages à Versailles qu'il faut être solide pour ne pas se paumer !

Voici la première mention que Mercy fait de ce passage; C'est dans un rapport du 20 avril 1775:


Depuis très-longtemps j'avais représenté à la reine qu'il fallait absolument songer à établir une communication facile de son appartement à celui du roi. Le local présentait d'assez grandes difficultés, mais je n'ai jamais cessé d'insister sur ce point, qui est de la dernière importance. Le roi et la reine sont logés de façon qu'ils ne peuvent aller l'un chez l'autre que par une antichambre publique et toujours remplie de monde, ou bien en faisant dans l'intérieur un grand détour qui les oblige à passer par un des cabinets de l'appartement de Mme Sophie. Il est aisé de se figurer tous les inconvénients d'une pareille communication; mais j'ai enfin obtenu qu'il s'en établira incessamment une autre très-commode au moyen d'un corridor qui enlèvera à Mesdames une pièce de leurs appartements, et qui formera un passage entièrement isolé et dont personne ne pourra faire usage. Le plan en a été arrêté la semaine passée et on ne tardera pas à l'exécuter.

Encore une photo de ce passage, tirée d'un site vraiment magnifique:
http://www.versailles-secret.com/p/versailles-secret-et-insolite.html


© Nicolas B. Jacquet

Avec l'histoire si émouvante dont il fut le théâtre:

À l’aube du 6 octobre 1789, la reine fut réveillée par un grand bruit sous ses fenêtres. Ses femmes de chambre, Mesdames Thibault et Augué, l’informèrent que c’étaient là des Parisiennes venues la veille rencontrer le roi afin d’obtenir de la farine et qui n’avaient pas trouvé où dormir. Un quart d’heure plus tard, chahut et fracas parvinrent de la salle des Gardes : des émeutiers forçaient le passage. Les femmes de chambre accoururent et, dans l’affolement, aidèrent Marie-Antoinette à s’habiller. Ouvrant la petite porte située à gauche de son lit, elle prit alors la fuite par ses cabinets intérieurs pour rejoindre la chambre de Louis XVI. Déjà alerté, celui-ci était venu à la rencontre de la reine par un autre chemin, en empruntant un corridor en entresol passant sous le salon de l’OEil-de-Boeuf. Constatant qu’il l’avait manquée, il rebroussa chemin. Quelques minutes plus tard, tandis que la foule grossissait dans la cour de Marbre et envahissait le château, la famille royale se trouva finalement réunie dans la chambre de Louis XVI. Il s’en fallut de peu que La Fayette et quelques grenadiers de la Garde nationale ne réussissent pas à maîtriser les émeutiers introduits dans le salon de l’OEil-de-Boeuf. La foule groupée sous les fenêtres demanda à grands cris que la reine paraisse au balcon, ce qu’elle fit, non sans terreur, portant dans ses bras le dauphin. Celle qu’on venait de huer fut acclamée ! Mais il fallut quitter Versailles pour Paris. Durant les cinq heures chaotiques que prit le trajet, la reine se souvint-elle du 8 juin 1773 et de la foule parisienne enthousiaste l’ovationnant ? Le duc de Brissac, gouverneur de Paris, l’avait accueillie par ces mots : « Madame, vous avez là sous vos yeux deux cent mille amoureux de vous. »

pimprenelle a écrit:

première mention que Mercy fait de ce passage; C'est dans un rapport du 20 avril 1775:

Malheureusement, après quelques mois, le 17 juillet 1775, Mercy constate que le système n'est pas bien efficace:

La reine ne fait pas autant qu'il serait à désirer un usage habituel de la communication établie de son appartement à celui du roi,
et malheureusement ce ne sont pas des occupations sérieuses qui l'en empêchent.

J'adore son style!  

Bonjour,

Voici un plan plus large du Passage du Roi.



http://laparigidimariaantoniettablog.tumblr.com/post/103310212640/tiny-librarian-this-mezzanine-floor-is-the

madame antoine