Jeudi 20 avril 1690La princesse Marie-Anne de Bavière en 1679Marie Anne Christine Victoire Josèphe Bénédicte Rosalie Pétronille de Bavière
(Maria Anna Christina Victoria von Bayern)
Décès de Marie-Anne de Bavière Princesse allemande
née le 28 novembre 1660 à Munich
Décédée le 20 avril 1690 à Versailles à l'âge de 29 ans
Dauphine de France7 mars 1680 — 20 avril 1690
(10 ans, 1 mois et 13 jours)
Échec de sa vie publiqueMadame la Dauphine en 1680Rapidement, malgré ses débuts prometteurs les relations de la princesse avec la cour se dégradent.
Son beau-père, Louis XIV, comptait fortement sur sa belle-fille pour remplacer dans ses fonctions officielles la reine, Marie-Thérèse d'Autriche, très effacée et qui mourut en 1683.
Si elle en avait les capacités, le goût de la représentation manquait à Marie-Anne.
Madame de Caylus, nièce de madame de Maintenon, est un témoin irremplaçable, quoique plutôt sévère:
« Le Roi, par une condescendance dont il se repentit, avait laissé auprès de madame la dauphine une femme de chambre allemande élevée avec elle, et à peu près du même âge: cette fille, appelée Bessola, (…) fut cause que madame la dauphine, par la liberté qu’elle eut de l’entretenir et de parler allemand avec elle, se dégoûta de toute autre conversation et ne s’accoutuma jamais à ce pays-ci ».
Madame de Caylus ajoute ensuite qu’il est possible, à sa décharge, que le caractère de la dauphine, « ennemi des médisances et de la moquerie », ait aussi influencé son refus de prendre part à la vie de la Cour, toute faite de « raillerie et de malignité »
Cependant son attachement pour Barbara Bessola lui paraît rester la cause la plus décisive du goût de la dauphine pour la retraite,
« peu convenable aux premiers rangs »C’est pourquoi le Roi proposa à la dauphine de marier Bessola à un homme de qualité, afin de lui permettre de participer à la vie de la Cour et de rompre l’isolement auquel son rang subalterne la contraignait à Versailles, obligeant par là-même la dauphine à vivre dans le même isolement pour ne pas quitter sa compagnie
« Mais la dauphine, par une délicatesse ridicule, répondit qu’elle ne pouvait y consentir, parce que le cœur de Bessola serait partagé »Louis XIV cependant, conseillé par madame de Maintenon, ne se décourage point.
« Il crut, à force de bons traitements, par le tour galant et noble dont il accompagnait ses bontés, ramener l’esprit de madame la dauphine, et l’obliger à tenir une cour »Ainsi organisait-il chez elle des loteries dont les prix étaient « ce qu’il y a de plus rare en bijoux et en étoffes », ou, lorsque le jeu de hoca (une sorte d’ancêtre de la roulette, plus tard interdit à la Cour tant les sommes qu’on y perdait étaient vertigineuses) fut très à la mode, y jouait-il exclusivement chez elle.
« Des façons d’agir si aimables, et dont toute autre belle-fille eût été enchantée, furent inutiles pour madame la dauphine; et elle y répondit si mal, que le Roi, rebuté, la laissa dans la solitude où elle voulait être, et toute la Cour l’abandonna avec lui »La princesse essaiera cependant de conserver l'amitié du roi en flattant son épouse secrète notamment en lui rapportant les médisances de sa cousine et tante la Princesse palatine. Madame de Maintenon se servira de cette correspondance pour humilier « Madame » dix ans après la mort de la dauphine
Une princesse triste et maladeLa princesse, du reste, était consciente que sa laideur était un handicap, aussi bien détestait-elle poser pour un portrait, car les peintres la flattaient toujours. Voltaire écrira bien plus tard:
« ses maux empiraient par le chagrin d’être laide dans une cour où la beauté était nécessaire »Il apparaît clair aujourd’hui que si la dauphine s’est autant coupée du monde, c’est aussi en raison de sa mauvaise santé.
Saint-Simon relèvera lui-même qu’elle
« était toujours mourante » et que
« sa courte vie ne fut qu’une maladie continuelle »Voltaire précisera que
« sa santé toujours mauvaise la rendait incapable de société » Et cependant, comble de disgrâce,
« on lui contestait jusqu’à ses maux; elle disait: Il faudra que je meure pour me justifier ! »Madame de Caylus est un bon témoin de la véracité des mots de Voltaire, et elle illustre bien l’opinion de la Cour à propos de la santé de la dauphine:
« Elle passait sa vie renfermée dans de petits cabinets derrière ses appartements, sans vue et sans air; ce qui, joint à son humeur naturellement mélancolique, lui donna des vapeurs. Ces vapeurs, prises pour des maladies effectives, lui firent faire des remèdes violents; et enfin ces remèdes, beaucoup plus que ses maux, lui donnèrent la mort, après qu’elle nous eut donné trois princes »DécèsCes trois naissances alternèrent cependant avec de très nombreuses fausses couches (ainsi notamment une première en 1681, trois en 1685 et deux en 1687…)
La naissance de son dernier fils se passa mal, et la santé de la dauphine se détériora encore davantage à compter de cette époque.
Aussi mourut-elle
« persuadée que sa dernière couche lui avait donné la mort »Elle en était si persuadée qu’en donnant sa dernière bénédiction à ses enfants, peu avant de rendre l'âme, elle soupira, en embrassant le petit duc de Berry âgé de 3 ans, le vers de l’Andromaque de Racine:
« Ah ! mon fils, que tes jours coûtent cher à ta mère ! »Il est vrai que l’abcès au bas-ventre qui sembla être la cause immédiate de son trépas pouvait amener à faire le lien avec son dernier accouchement.
Toutefois, il est probable que c’est des suites de la tuberculose que mourut la dauphine, le 20 avril 1690, avant ses trente ans.
Elle léguait à Barbara Bessola son prie-Dieu, son secrétaire, et 40 000 francs, tout en la recommandant au roi, qui lui alloua une pension de 4000 livres.
Le célèbre évêque de Nîmes, Fléchier, prononçant l’oraison funèbre de la dauphine, interprète de façon plus charitable et plus édifiante que ses contemporains, l’isolement volontaire où se confina cette princesse:
« On la vit renoncer insensiblement aux plaisirs, et se faire une solitude où elle pût se dérober à sa propre grandeur, et jouir d’une paix profonde au milieu d’une cour tumultueuse »