26, 27, 28 avril 1789L’affaire de la manufacture RéveillonAu printemps 1789, la France connaît une grave crise économique et sociale tandis que se prépare la réunion des Etats Généraux du royaume. Les mauvaises récoltes de l’année 1788 associées à la spéculation sont à l’origine d’une forte hausse des prix des denrées alimentaires. Dès l’hiver, des révoltes éclatent partout en Province. A Paris, les boulangeries sont régulièrement la cible des émeutiers.
Jean-Baptiste Réveillon est un riche fabricant de papiers peints employant plus de 300 ouvriers. Le 23 avril, devant une commission électorale chargée d’élire les représentants du Tiers-Etat, il prend position pour la libre circulation des grains et des farines dans un royaume de France entravé par de nombreuses frontières intérieures. La baisse espérée du prix des denrées pourrait justifier une baisse des salaires.
Les propos de Réveillon, amplifiés par la rumeur, exaspèrent ses salariés qui se rassemblent dans la rue. Ils sont rejoints par des habitants du faubourg Saint-Antoine, quartier populaire où vit une foule d’ouvriers et de petits artisans, particulièrement touchés par la crise de subsistances.
26 - 28 avril
Affaire Réveillon Manifestations ouvrières à Paris, au faubourg Saint-Antoine, à la suite d'un mot mal interprété d’un entrepreneur de papier peint. Pillage de la manufacture Réveillon: la troupe ouvre le feu
(12 soldats et près de 300 manifestants tués)L'affaire Réveillon est une révolte populaire, qui eut lieu du 26 avril au 28 avril 1789 au faubourg Saint-Antoine, à Paris, en France. C'est un signe avant-coureur de la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789.
Le déclenchement de la révolteJean-Baptiste Réveillon est un riche fabricant de papier employant 300 travailleurs à la Folie-Titon, d'où s'élève la première montgolfière, le 19 octobre 1783, et qui se situe sur l'actuelle rue de Montreuil, près de la station de métro Faidherbe Chaligny, à Paris.
Après un hiver particulièrement rigoureux, le prix du pain augmente fortement dans les premiers mois de 1789. La tension est augmentée par l'ouverture prochaine des états généraux, finalement reportée au 5 mai. Les élections des députés du tiers état ne sont pas encore terminées à Paris et les ouvriers et les apprentis compagnons n'ont pas le droit de vote, plus restrictif qu'ailleurs dans le royaume1,2. La menace de la disette et du chômage, l'exclusion des assemblées électorales du tiers état mécontentent les habitants des populaires faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel.
Le 23 avril, au cours d'une assemblée d'électeurs du tiers état, Réveillon aurait tenu des propos inquiétants sur les salaires des ouvriers3. Il aurait regretté le bon vieux temps où les ouvriers étaient payés 15 sous par jour4 au lieu de 25 à ce moment. Selon une deuxième interprétation, ce patron nourri d'idées libérales aurait suggéré de supprimer l'octroi afin de diminuer le prix d'importation de la farine et donc le prix du pain, l'autorisant ainsi à baisser les salaires5. Un autre patron, Henriot (ou Hanriot), fabricant de salpêtre, partage son opinion6. Quoi qu'il en soit, parmi le peuple, le bruit se répand que Réveillon veut baisser les salaires7. Dès le soir, son nom est conspué. La rumeur est répétée et commentée dans les cabarets et les ateliers, si bien que le mécontentement finit par exploser.
Le déroulementLe lundi 27 avril, des milliers de chômeurs, d'ouvriers, d'artisans, de petits patrons, de débardeurs s'ameutent près de la Bastille, puis se dirigent vers l'hôtel de ville, aux cris de « Mort aux riches ! Mort aux aristocrates ! Mort aux accapareurs ! Le pain à deux sous ! A bas la calotte ! A l'eau les foutus prêtres ! »8 Place de Grève, sont brûlées les effigies de Réveillon et d'Henriot. Devant l'hôtel de ville, une délégation de bourgeois envoyée par l'assemblée électorale convaint les manifestants de se disperser. Mais la colonne se dirige vers la manufacture et l'hôtel de Réveillon. Un détachement d'une cinquantaine de gardes-françaises leur en interdit l'accès7. Les manifestants se rabattent sur la maison d'Henriot, qui n'est pas protégée. Le salpêtrier et sa famille ont juste le temps de s'enfuir au donjon de Vincennes avant que leur maison ne soit saccagée et pillée.
Le lendemain, 28 avril, un nouveau rassemblement se tient devant l'hôtel et la manufacture de Réveillon, mais les forces de l'ordre, renforcées depuis la veille et retranchées derrière des barricades, tiennent à distance la foule houleuse et désarmée. Dans l'après-midi, le duc d'Orléans traverse en carrosse le rassemblement et appelle au calme, avant de distribuer le contenu de sa bourse à la volée. Il est ovationné. Dans la soirée, le passage du carrosse de sa femme Marie-Adélaïde de Bourbon ouvre une brèche temporaire dans les barricades. Les émeutiers en profitent pour forcer l'entrée de l'hôtel et tout saccager. Des fenêtres et du haut des toits, ils lancent des tuiles et des meubles sur la troupe. Exaspérés, les gardes tirent. Cette riposte tue un nombre indéterminé d'émeutiers, 25 selon le commissaire du Châtelet, 900 selon le marquis de Sillery9. Du côté des soldats, le bilan s'établit plus sûrement à 12 tués et 80 blessés. Jusqu'à dix heures du soir, le lieutenant de police Thiroux de Crosne quadrille le faubourg Saint-Antoine et fait pourchasser les séditieux jusqu'au faubourg Saint-Michel. Le 29 avril, il en fait pendre deux.
AnalysesSelon l'historienne Raymonde Monnier, cette affaire Réveillon n'est pas un « affrontement entre patrons et ouvriers », notant l'absence des salariés de Réveillon dans l'émeute du 28 avril3. Motivée par l'augmentation du prix du pain et donc par la faim et la misère, elle se rattache aux émeutes de subsistance, typiques de l'Ancien Régime. En même temps, se dessinent les caractères d'une journée révolutionnaire : le peuple se réclame du tiers état et lance des slogans nouveaux tels que « Liberté ». Alors que les états généraux vont s'ouvrir dans dix jours, les Parisiens les plus pauvres, exclus du scrutin, s'impatientent et entendent exprimer, par la force, leurs revendications10. De ce point de vue, ces journées peuvent être vues comme le premier soulèvement populaire de la Révolution. Un soulèvement particulièrement meurtrier en considérant la fourchette haute.
Ces événements du faubourg Saint-Antoine sont certainement spontanés, mais des contemporains pensèrent à une action commanditée, alimentant la thèse du complot. Certains y verront la main de l'Angleterre ou des aristocrates. Précisément, la rumeur pointa du doigt le duc d'Orléans. Le baron de Besenval et Jean-François Marmontel le rapportent dans leurs mémoires respectifs11. L'historienne Évelyne Lever estime qu'aucun preuve ne désigne Louis-Philippe d'Orléans12. De même, Jean-Christian Petitfils disculpe le prince , « agitateur inconséquent » mais trop dilettante pour mener une conspiration »13. Par contre, la faction Orléans qu'animait notamment Choderlos de Laclos a pu agir pour lui13. On comprendrait alors mieux pourquoi, pris dans l'émeute, ni le carrosse du duc, ni celui de la duchesse ne furent pris à partie par la foule excitée14.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_R%C3%A9veillon
Dans la nuit du 26 au 27 avril, le cortège se dirige vers la manufacture Réveillon gardée par des soldats. Sur leur passage, les émeutiers s’en prennent à la maison de Hanriot, un entrepreneur de salpêtre. Le 27 avril dans la journée, les effigies de Réveillon et Hanriot sont brûlées place de Grève.
Le 28 avril, face aux émeutiers, les soldats se retranchent derrière des barricades tenant la foule en respect. Dans la journée, une barrière est ouverte pour permettre le passage du carrosse de la duchesse d’Orléans. Les émeutiers s’engouffrent alors dans la brèche. Ils saccagent et incendient la manufacture. Les soldats ouvrent le feu, les émeutiers ripostent par des jets de projectiles depuis les toits. Le bilan est lourd: 12 morts et 80 blessés parmi les soldats et 300 morts parmi les émeutiers (estimation d’après l’historien J. Godechot).
Si certains historiens y voient la dernière « émotion » frumentaire de l’Ancien Régime, cette émeute revêt aussi un caractère politique. Tandis que la foule se rassemble aux cris de « mort aux riches !», « mort aux accapareurs !», elle clame dans le même temps « liberté !», « vive le Tiers-Etat !» et même « vive le roi ! »
Au-delà de la crise sociale, dans ce contexte de fortes tensions et d’espoirs suscités par la réunion des États Généraux, « l’affaire Réveillon », par sa dimension politique, peut être lue comme les prémices de la Révolution.
Le lieu de la fusillade aujourd'hui: fontaine de la Petite Halle dans le 11e arrondissement, métro Faidherbe ChalignyManifestations ouvrières à Paris, au faubourg Saint-Antoine, suite à un mot mal interprété d’un entrepreneur de papier peint.
Pillage de la manufacture Réveillon: la troupe ouvre le feu
(12 soldats et près de 300 manifestants tués)