Le Grand-Saint-Antoine accoste à Marseille et apporte la pesteLe
Grand Saint Antoine est le navire qui apporta la peste à Marseille en 1720
Louis XV n'a alors que 10 ans, c'est donc Philippe d'Orléans, le Régent, qui tient les rênes du pouvoir.
Ce jour-là est tout à fait ordinaire, notamment à Marseille, où accoste le navire marchand le Grand Saint Antoine. Dans les flancs du navire arrivant du Proche-Orient, de la soie, du coton, entre autres...
Malgré plusieurs décès déclarés, le navire est dispensé de la quarantaine réglementaire. Le premier échevin de la ville, Jean-Baptiste Estelle ayant acheté une partie de la cargaison, cela a pu alléger le contraignant dispositif sanitaire...
Personne ne se doute, ce jour-là, que la mort vient de s'installer à Marseille: d'ici quelques jours, la peste va faire ses premières victimes et sévira jusqu'en 1722, touchant durement la ville
(plus de la moitié de la population sera décimée), et une bonne partie de la Provence.
Histoire
Le
Grand Saint Antoine était une flûte, un voilier trois-mâts carré, de fabrication hollandaise, partie de Marseille le 22 juillet 1719 pour la Syrie où sévissait alors la peste.
Sa cargaison, d’une valeur de 100 000 écus
(Le salaire mensuel moyen d’un ouvrier était alors d’1 écu) et composée essentiellement d’étoffes précieuses, était porteuse de la bactérie
Yersinia pestis de la peste.
Le 3 avril 1720, un passager turc embarqué à Tripoli meurt.
Sur le chemin du retour, le vaisseau perd successivement sept matelots et le chirurgien de bord. Un huitième matelot tombe malade peu avant l’arrivée à Livourne, en Italie.
La négligence supposée des médecins italiens, qui laissent repartir le navire, jointe à la hâte du capitaine Jean-Baptiste Chataud pour livrer avant le début de la foire de Beaucaire, n’arrange rien à l’affaire: le capitaine amarre son voilier près de Marseille, au Brusc, et fait discrètement prévenir les armateurs du navire.
Les propriétaires font alors jouer leurs relations et intervenir les échevins de Marseille pour éviter la grande quarantaine (celle durant quarante jours).
Tout le monde considère que la peste est « une histoire du passé » et l’affaire est prise avec détachement: les autorités marseillaises demandent simplement au capitaine de repartir à Livourne chercher une « patente nette », certificat attestant que tout va bien à bord.
Vestiges du Grand-Saint-Antoine : poulie, battant de cloche, musée d'histoire de Marseille, MarseilleLes autorités de Livourne, qui n’ont pas envie de s’encombrer du navire, ne font pas de difficultés pour délivrer ledit certificat.
C’est ainsi que le
Grand-Saint-Antoine parvint à Marseille le 25 mai
Il mouilla à Pomègues jusqu’au 4 juin; et il fut alors autorisé à se rapprocher des infirmeries d’Arenc pour y débarquer passagers et marchandises en vue d’une petite quarantaine, puis il fut finalement placé en quarantaine à l’île Jarre le 27 juin 1720.
L’ordre donné, le 28 juillet, par le Régent Philippe d’Orléans de brûler le navire et sa cargaison ne fut exécuté que les 25 et 26 septembre 1720 et la peste eut le temps de s’étendre jusqu’en Provence.
Elle fut même signalée dans la région d’Apt en septembre de la même année.
Elle ne fut totalement éradiquée qu’en janvier 1723.
Une association de plongée sous-marine, l’A.R.H.A.
(« Association de Recherche Historique et Archéologique (ARAH) » , sur arha-marseille.fr (consulté le 19 août 2017)), a retrouvé l’épave calcinée du navire en 1978, enfouie entre 10 et 18 mètres de profondeur, au nord de l'île Jarre (archipel de Marseilleveyre, Marseille).
(APALM, « Grand Saint Antoine - épave de navire » [archive], sur atlaspalm.fr (consulté le 19 août 2017))Les vestiges archéologiques alors remontés sont aujourd’hui exposés au musée de l’hôpital Caroline sur l’île de Ratonneau. L’ancre du
Grand-Saint-Antoine, repêchée, a été conservée depuis 1982 dans de l'eau de mer à l'Institut national de plongée professionnelle. Restaurée en 2012, elle pèse près d'une tonne, avec une verge de 3,80 mètres et des pattes de 2,50 mètres. Elle est installée à l'entrée du musée d'histoire de Marseille
[4]Les patente
Marseille pendant la peste de 1720Dès lors les « patentes de santé », déjà existantes, furent rendues obligatoires et devaient être impérativement remises par le consul de France de « l’Échelle » où le bâtiment embarquait son fret ou faisait escale. Elles étaient de trois sortes:
- « Patente nette » = bonne santé sur le port ;
- « Patente soupçonnée » ou « touchée » = rumeurs d’épidémie ou proximité de celle-ci ;
- « Patente brute » = port touché par la peste.
Les passagers devaient faire une quarantaine de 2 à 3 semaines pour une « patente nette » et de 4 à 5 semaines pour une « patente brute »
[5]Nombre de journées de quarantaine imposées à Marseille, à la fin du XVIIIe siècle
Patente brute
- Passagers : 32 à 35 j.
- Navires : 35 à 50 j.
- Marchandises : 40 à 60 j.
Patente soupçonnée
- Passagers : 25 j.
- Navires : 25 à 30 j.
- Marchandises : 35 à 40 j.
Patente nette
- Passagers : 14 à 18 j.
- Navires : 20 à 28 j.
- Marchandises : 30 à 38 j[5]
Bâtiments en purge
De 1710 à 1792, à Marseille, 22 651 bâtiments accueillis venaient du Levant ou de Barbarie. Sur ce total, 140 navires arrivèrent contaminés (0,6 %).
En 1720, la peste avait touché 8 navires sur les 212 venus du Levant (3,8 %). En 1759/1760, 7 navires sur 167 étaient contaminés (4,2 %). En 1785, 11 sur 130 (8,5 %).
En définitive, on a calculé qu’un navire sur 100 avait eu la peste et qu’un navire sur 1 000, avait contaminé Marseille
[5].