Le temps de l'invention (1789-1799)
Mirabeau devant Dreux-Brézé le 23 juin 1789 - peint par Serrur ou Monvoisin en 1831 - huile sur toileL'Assemblée nationale naît avec la Révolution de 1789 et celle-ci commence à l'Assemblée nationale. L'événement est inséparable de l'institution. Animée par l'esprit du siècle des Lumières, l'Assemblée adopte, en août, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, jetant ainsi les fondements actuels de la République et de la démocratie. De la prise de la Bastille au coup d'État du 18 Brumaire, la Révolution connaît de nombreux avatars. Mais la France de 1799 ne sera plus celle de 1789. Et c'est en vain que les régimes successifs, jusqu'en 1870, vont tenter de dévier le cours de l'histoire.
Après plusieurs tentatives de réformes qui n'ont pas été menées à leur terme, notamment celle de Turgot de 1774 à 1776, la monarchie française se trouve confrontée à une crise politique, économique et financière. De 1787 à 1789, la détérioration des conditions de vie est mal supportée par le peuple, qui s'indigne d'autant plus de la persistance des privilèges.
En août 1788, Louis XVI convoque les états généraux qui se réunissent le 5 mai 1789, à Versailles, dans la salle des Menus-Plaisirs. Les députés sont élus séparément par les trois ordres: le clergé, la noblesse et le tiers état. En nombre égal aux représentants des deux ordres privilégiés, les députés du tiers demandent aussitôt de voter, non par ordre, mais par tête.
Le 17 juin, alors que les députés de la noblesse et du clergé sont réunis dans des salles séparées, le tiers état - à l'instigation de Sieyès - se constitue en Assemblée nationale. Réunis le 20 juin, dans la salle du Jeu de paume, ses membres font le serment de
« ne jamais se séparer et [de] se rassembler partout où les circonstances l'exigeraient jusqu'à ce que la constitution fût établie et affermie sur des bases solides ». Un nouvel ordre politique naît. Le jour de la prise de la Bastille, le 14 juillet, l'Assemblée décide que
« la constitution contiendrait une Déclaration des droits de l'homme », adoptée le 26 août 1789. Les principes qu'elle énonce acquièrent aussitôt une valeur universelle et consacrent les libertés individuelles parmi les droits naturels et imprescriptibles de l'homme.
La Première République ne parvient pas cependant à établir une constitution durable et un régime stable. A l'enthousiasme de la fête grandiose de la Fédération (1790) succèdent des crises violentes - la guerre civile en Vendée en 1793-1794, la Terreur, la guerre contre les puissances étrangères attachées à l'Ancien régime. La France sortira néanmoins durablement transformée de la Révolution française. Selon Tocqueville
« elle a formé, au-dessus de toutes les nationalités particulières, une patrie intellectuelle commune dont les hommes de toutes les nations ont pu devenir citoyens ».Les états généraux reflètent très inégalement la composition de la société de l'Ancien régime. Les députés du clergé et de la noblesse, représentant un demi million de nobles et de prêtres, sont aussi nombreux que ceux du tiers état qui représentent 24 millions de Français. Les députés des ordres privilégiés sont généralement élus au suffrage direct; ceux du tiers état par un scrutin indirect, à deux degrés. Pour participer à l'élection des délégués, qui élisent ensuite les députés du tiers, il fallait avoir plus de 25 ans et payer l'impôt, sans qu'aucun montant minimum soit exigé. En tout, les trois ordres comptent 1196 députés, dont 598 issus du tiers état, 308 députés du clergé et 290 députés de la noblesse.
Le 17 juin 1789, les députés du tiers état devenus, avec 19 députés du clergé, l'Assemblée nationale, déclarent, par 491 voix contre 90, que
« la dénomination d'Assemblée nationale est la seule qui convienne [...] parce que la représentation étant une et indivisible, aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu'il soit choisi, n'a le droit d'exercer ses fonctions séparément de la présente Assemblée ». Le tiers état déclare aussitôt autoriser provisoirement la perception des impôts, marquant ainsi le partage de la souveraineté entre le roi et la Nation. Le 23 juin a lieu la séance royale dans la grande salle des États; le roi ordonne aux trois ordres de siéger en chambres séparées. Au grand maître des cérémonies, le marquis de Dreux-Brézé, rappelant l'injonction du roi, Bailly, le doyen du tiers état, réplique:
« La Nation assemblée ne peut recevoir d'ordres », et Mirabeau ajoute:
« Nous ne quitterons nos places que par la force des baïonnettes » Le 27 juin 1789, Louis XVI cède et invite la noblesse et le clergé à rejoindre le tiers état.
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