Les jardins du Musée international de la parfumerie invitent les visiteurs à humer les douces senteurs des fleurs… voire à manger les feuilles.
Carlo BarbieroGrasse vous offre tous les parfums du monde
Grasse (Alpes-Maritimes) abrite plusieurs musées, dont deux consacrés aux parfums, ainsi qu’un jardin conservatoire des senteurs.Manger des fleurs. À pleine bouche. Froisser des feuilles de verveine et « les torturer », sourit le jardinier, Christophe, pour en sentir tout le parfum. On ne l'avait jamais fait. La verveine, on croyait connaître, mais le feuillage sent tellement bon, et longtemps, qu'on a fini par mettre les feuilles froissées dans une poche en rentrant à Paris, pour garder encore un peu l'odeur avec soi.
Autant de senteurs. Le droit de toucher, d'arracher même, raisonnablement, mais passionnément. Les jardins du Musée international de la parfumerie, à Grasse (Alpes-Maritimes), ou plutôt dans la plaine en bas du village, sur la commune de Mouans-Sartoux, à quelques minutes en voiture — moyen de locomotion obligatoire dans le coin —, constituent le Conservatoire des plantes à parfum du musée, qui, lui, vient de rouvrir après travaux sur le piton rocheux abritant le village.
Plante goudron et acacia robinierGrasse, c'est les fleurs. « C'est la première chose que les gens demandent quand ils viennent au village. Mais il n'y a plus de champs de fleurs, ou ceux qui restent, les agriculteurs les cachent », confie le jardinier familier de ce territoire qui abrita longtemps des usines à parfum.
Alors, depuis 2007, ce jardin fait office de « musée vivant », selon Olivier Quiquempois, directeur des musées municipaux de Grasse et des jardins. Des bancs et même des transats pour bouquiner, des coins d'ombre, du jasmin, des roses. Ce jour de juin, on reste pétrifié d'admiration, comme devant un chef-d'œuvre pictural, devant un acacia — « robinier », précise le jardinier —, arbre immense à la canopée parfaite et au vert incandescent.
Des odeurs d'agrumes un peu partout. La « plante goudron », qui sent le bitume, mais comme le bouquet d'un bon vin dont on discernerait peu à peu chaque senteur. L'art contemporain s'est aussi invité au jardin, comme chaque été, pour une exposition plutôt discrète. Ici, les stars, ce sont les géraniums, narcisses, cassis ou menthe poivrée. Même pour la couleur, sans parler des senteurs, rien ne peut rivaliser avec la nature.
La rue des muséesOn s'y perd et on s'y retrouve à Grasse, village du XIe siècle qui a connu mille vies et abrite des musées à la parade. On commence par être surpris en tombant sur une magnifique enseigne de la CGT en pleine vieille ville, local qui voisine avec la cathédrale.
Les syndicalos et les cathos ? Grasse a longtemps été une ville ouvrière, entièrement consacrée aux usines de parfum, dont l'empire Fragonard. Un nom qui apparaît dans deux boutiques sur trois de la rue commerçante du village et sur trois musées privés de la marque : celui du parfum, qui fait presque face à son concurrent, mais chacun semble trouver sa clientèle, si l'on en croit les visites guidées en de multiples langues qui expliquent la fabrication des senteurs, du champ de fleurs au flacon, dans l'usine historique.
L'histoire de l'art conjuguée au fémininFragonard, ici, est aussi le nom d'un peintre né à Grasse, un des grands artistes du XVIIIe siècle auquel est consacré, depuis 2011, un charmant petit musée. L'exposition de l'été cherche à y démontrer que la Grèce antique fut plutôt féministe et la Rome des empereurs plutôt machiste. Un parti pris de la responsable artistique des lieux, Carole Blumenfeld, qui revisite l'histoire de l'art d'un point de vue très féminin.
Par Yves Jaeglé, envoyé spécial à Grasse (Alpes-Maritimes) pour http://www.leparisien.fr/