Le Boudoir de Marie-Antoinette

Prenons une tasse de thé dans les jardins du Petit Trianon
 
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 29 juillet 1792

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yann sinclair

yann sinclair


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Localisation : Versailles
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29 juillet 1792 Empty
MessageSujet: 29 juillet 1792   29 juillet 1792 Icon_minitimeJeu 25 Juil - 11:12

SCÈNE IV

L'auberge du Cadran, à Charenton.
— Un immense couvert est servi. Des guirlandes de verdure et des banderoles aux trois couleurs décorent l'appartement.  lu lit plusieurs devise* au milieu de ces festons, elles rappellent les premiers événements de la révolution: Le 10 juin, serment du Jeu-de-Paume.
— Le 6 l'lire , visite à Versailles.
— Le 14 juillet, prise de la Bastille.
— La mort des tyrans est le salut du peuple, tte.
— Le peuple est aux portes et crie: Vivent les fédérés, vivent les Marseillais, nos frères!
— l)is fédérés, des sans-culottes et des gardes nationaux vont et ieuni-nl, choquent leurs verres et font retentir l'air de leurs acclamations.
— Une musique militaire joue l'air de la Marseille

Fédérés et Sans-Culottes

Les Sans-Culotte

Allons, viens frère, et rejoignons nos amis que je vois là-bas.

Tu verras que ce sont des lurons au l'ait des affaires.

Les Fédérés

Mille tonnerre de Dieu, vous avez l'air de braves ({«.mis par ce pays-ci, et je vois que vous avez du chic... ( Lu même temps tt saute et danse, en chantant : Çà ira, ça ira... ) Tiens   ois-tu les fédérés, ça ne se fatigue pu.-*;leurs jambes c'est comme l'arbre de la liberté, et d'un bois dur: on en ferait des piques...
— Eh bien, on dit que les logements sont déjà faits.

 Nous croyons devoir rappeler encore , au commencement de cette scène, que rien de ce que nous faisons dire à nos interlocuteurs n'est de notre invention; les jurements que le lecteur trouvera dans le dialogue sont extraits textuellement des journaux du temps.
Ce |u on imprimait on devait à plus forte raison, le dire.

Les Sans-Culottes

Soyez tranquilles, marchand d'oignon se connaît en ciboule, et les aristocruches vous en préparent ou ils diront pourquoi.

1er FÉDÉRÉ.

C'est bon.... Mais parlons un peu des affaires} car nous ne sommes pas venus ici nous promener comme les ci-devants chevaliers de Poignardât!.

2e SANS-CULOTTE.

Eh bien ! il y aura guerre, et le roi de Prusse, avec sa clique, et notre honoré neveu, François l'aristochien, sont en marche; du moins, c'est ce qu'ils disent.

1er FÉDÉBÉ.

Tant mieux; et c'est une preuve qu'ils ne nous prennent pas pour des marionnettes,

3e SANS-CULOTTE.

Double millions de tonnerre de Dieu! pour des marionnettes! Ami Phocéen de Marseille, il faut nous entendre, elle cul leur en fumera , ou le diable m'estringole.

2e SANS-CULOTTE.

Laissez: il y a plus de parlage que de bonne besogne dans leur aflaire; et ce sont toujours de foutus polis^ sons, rien que s'être expliqué comme l'a fait cette vieille bête de Bruns... Bruns... lirons... picouwickc... Je m'en fous, du reste; et allons donc les fantocei-tù 1

5e SANS-CULOTTE.

En vérité, messieurs d'outre-Rhin , pour de hautes puissances, vous savez bien peu vivrej et je vous dis

que ceux qui vous ont vendu de l'induration vous oui volé votre argent.

1er FÉDÉRÉ.

Si j'en crois tout de même ce qui me revient par ce pays-ci, ilfaut nous hâter et arrêter Cromwell-I.afayette, dit Blondinet, ou tous ces gredins-là nous revendront.

3e SANS-CULOTTE.

A d'autres: on le connaît, le général Mignon , cl sa sequelle i'euillantino-autrichienne , bons pour torcher nos chevaux et manger les troncs de choux que nous laisserons à la suite.

1er FÉDÉRÉ.

Mais cependant les.rois , les nobles, les prêtres , et généralement tous ces tyrans et autres tyranneaux m'ont joliment l'air de s'entendre.

1e SANS CULOTTE.

Qu'est-ce que cela nous fait : la guerre et la constitution , et puis ils sont fricassés.

CASTILLAU, fédéré, entre deux vins.

Or ça... eh de deux...! C'est-y aussi de la guerre que vous parlez dans ce quartier?.... Voilà cependant là ( montrant la table, où
1er FÉDÉRÉ.

Tu ne seras donc jamais poli, Castillau; tu me fais rougir.... Attends que ces messieurs t'invitent.... On espère la section des Lombards.

CASTILLAU.

Pardon , excuse, citoyen sans-culotte, mais j'ai de l'égalité dans le cœur, moi, et je n'attends personne.

11 va pour frapper le pâté de son sabre. Son camarade Je tourne le t_ coup.

1er FÉDÉRÉ.

Castillan, je te renie, entends-tu, ou reste tranquille.

CASTILLAU.

Quoi, est-ce que je suis pas un bon fédéré , moi

Et bien ! donne donc un coup à boire : aussi bien j'ai le gosier qui me brûle , et le feu de la patrie me remonte.

Il se heurte et tombe entre les chaises et la table.
2e SANS-CULOTTE.

Bon patriote, à ce qu'il paraît?

1er FÉDÉRÉ.

Un farceur, mais bon enfant. Tu disais donc , camarade , qu'ils étaient fricassés?

2e SANS-CULOTTE.

Oui, et le restaurateur-couronné peut mettre le l'eu à ses vieilles nippes.

3e S ANS-CULOTTE.

A propos, oui, qu'est-ce que c'est donc qu'on en dit dans les villes champêtres?

Ier FÉDÉRÉ.

Double zieux! qu'il n'est roi que par le peuple, et que si la nation souffre tant d'avanies , c'est qu'elle est comme un foutu poltron que les punaises dévorent et qui n'a pas le courage de se lever pour battre du briquet et les écraser toutes.

3e SANS-CULOTTE.

Oh ! laissez.... la chandelle une fois allumée, on y verra clair , et pas un de ces doguins-là ne s'en tirera. Castillau, »e relevant.

Oui, triple millions de moustaches frisées , c'est sur 1'aflut d'un canon qu'est assise la liberté, ma mignonne;que le feu et le salpêtre brûlent ses cotillons, et que ces bravaches se jettent la face à terre en l'entendant peter comme une nonne qui a une indigestion de croûtes de pâté.


1er SANS-CULOTTE.

Bien parlé , le camarade. Mais écoutez, et je vais vous faire un état de situation. Je vous dis, moi, que ce n'est pas le tout que de faire la guerre au dehors, et qu'il y a de la vermine au dedans qui nous ronge la peau , et dont il faut se débarrasser.

1er FÉDÉRÉ.

C'est ce que je disais.

1er SANS-CULOTTE.

Que , quand le corps est malade , il lui faut des saignées; et que ce n'est rien que les ennemis du dehors si nous n'avions encore ces chiens d'aristocrates , «l; avec eux, des égoïstes , qui sont comme le cochon; qui n'est bon qu'après sa mort; des ignorants , qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, et qui croient tout perdu parce que la raison les éblouit. Il n'y a qu'un moyen, je vous le dis ; et il faut que toute cette vermine crève, pour que le corps reprenne ses forces.

2e SANS-CULOTTE.

Eh bien ! moi, je voudrais que tous ceux qui sont armes dans les grandes villes fissent l'exercice deux fois par jour, et rondement; car nous ne sommes pas an bout, et nous serons bîèn obligés, je crois, d'envoyer du renfort à nos Camarades, et de bons bougres , je dis. Et toi?...

1er FÉDÉRÉ.

Moi, je suis pour les dons... et je...

2e SANS-CULOTTE.

Oh ! oui, comme l'a dit l'autre, un particulier député , toutes les pyramides d'Égypte ne suffiraient pas pour placer la ribambelle des noms de ceux qui donnent ; et il est sûr que rien n'est enchanteur comme de voir tous les braves citoyens se dépouiller sur. l'autel de la patrie.

Ier FÉDÉRÉ»

Oui; ça me fait pleurer de joie ça , voyez-vous.

2e SANS-CULOTTE.

C'est de l'argent à cent pour cent, d'ailleurs.

ior Fédéré. Un peu! et que les intérêts seront payés recta,

5e SANS-CULOTTE.

Oui, arrivez tous, enfants des villes et des campagnes: on reçoit ici l'argent, les assignats, les cuillères , les casseroles , les tabatières, les- montres , les boucles , les épées d'argent , et jusqu'aux gros sous de la veuve. Comme disait d'autre au club, suivez l'exemple des femmes de Moïse... c'est-à-dire des citoyennes d'Israël... et qu'au lieu d'un veau d'or il y aide quoi faire un taureau à double collet, qui enlève de ses cornes ces chiens d'aristocrates.

2e SANS-CULOTTE.

11 faut le dire, ça change rudement les hommes , le temps: vois les dons patriotiques; et puis, si on vous eût traité autrefois les soldats comme au temps d'aujourd'hui.

Ier FÉDÉRÉ.

C'est pas pour faire l'écornifleur, mais c'étaient des automates quenosci-devant pères, et ils allaient se faire tuer pour le bon plaisir. Alors père, mère, frères , sœurs étaient là pour pleurer. Aujourd'hui plus de ça: ou rit; la maman fait le sac, la sœur les guêtres, et le petit fanfan remplit la gourde.

•2e SANS-CULOTTE.

Oui! oui! La poire est mare, entends-tu... gare le nez sur lequel elle tombera.

ier Sans-culotte , chantant et sautant.

Allons , allons, voilà la générale des cuillères à pot; les Lombards arrivent; et à table , une, deux.

5e SANS-CULOTTE.

Tais-toi, double chien de merdaillon: on est plu* poli que ça, ou l'on ne se mêle pas d'inviter des étrangers.

l" SANS-CULOTTE.

Tiens, il est bon de là, notre bouffi. Et quand tu mangeais tes pommes de terre dans le cul d'un lampion chez M. de Fantoccini, ton honoré maître... Mais, vrai, c'est que t'avais aussi des plumes sur ton case...

3e SANS-CULOTTE.

Pas de plaisanterie, citoyen patriote...

1er SANS-CULOTTE.

Et pas de bêtise, toi... Mais attends... Venez donc voir, il y a quelque chose là-bas.

3e SANS-CULOTTE.

Dieu me damne, c'est Rocher avec son bonnet rouge.

1er FÉDÉRÉ.

Et qu'est-ce que c'est de ce bonnet?...

3e SANS-CULOTTE.

Venez, c'est le bonnet que le roi-menteur a mis sur sa tête, à la journée du ao juin.

On entend les cris redoublés de vivent les fédérés! vivent les sans-culottes!

Hocher. , au milieu d'un groupe, bratidissanl une pique décorée de rubans, et surmontée d'un bonnet rouge. Citoyens Phocéens, vous êtes des braves, et les

grands tapageurs de l'autre côté du Rhin y mettront les pouces. Ah ! messieurs les aristo-chiens, vous faites une grimace de bougres quand on vous parle d'égalité. EU bien ! c'est le bon. Ne dirait-on pas que tous ces matins-là devaient nous avaler comme des huîtres; mais ce qui vous le coupe, lé v'là ( il brandit sa pique ), et c'est ce petit bonnet. Il vaut une couronne; demandez plutôt à Louis-le-Faux, dit Néron. Citoyens Phocéens , les trois couleurs réjouissent le cœur de l'homme. Comme amis et frères, acceptez ce don. Le bonnet que v'là vous désigne le traître qui ronge le cœur de la patrie; le fer qui le porte doit le châtier :je le confie à vos maius.

Fournjer, dit L'Américain.

Je le vois, amis, l'a sans-culotterie triomphe, et les brigands couronnés jouent de leur reste. La grande débacle est venue: les trônes vont tomber comme des quilles. Tricherie revient toujours à son maître, comme je l'avais prédit, et les traîtres se prennent dans leurs filets. La joie soit dans le cœur des fédérés. Mais, si j'accepte ce fer au nom des Marseillais , permets que je déchire le bonnet: un homme libre ne doit pas s'en souiller les mains, il a touché la tête du tyran.

Il prend le bonnet, le déchire et le foule aux pieds.

ROCHER, embrassant Fournier. Vivent les Marseillais! Vive la nation!

La musique joue une marche, au son de laquelle les convives se rangent à table, au bruit des acclamations générales.

TOUS.

Vive la nation! Vivent les sans-culottes et les

Marseillais !....

SUITE DE LA SCÈNE IV.

Un cabinet dans la iiuisim du banquet.

BARBAROUX, RÉBECQUI , SANTERRE, BRESSOT,

VERGNIAUX , LEGENDRE, BAZIRE , FOUR

NIER, dit F américain, CORSAS, CHABOT, LA

SZiOUSKI, CARRA, LA GREY, ROVÈRE, PANIS, etc.

BARBAROUX.

Sur toute chose , soyons prompts.

Brissot.
Tu as raison , mais il faut aussi des garanties.

SANTERRE.

Sauf meilleur avis , je pense que la célérité et la fermeté peuvent seules nous assurer le succès, et qu'il ne faut point de demi-mesures.

LEGENDRE.

Oui... surtout pas de demi-mesures...

BRISSOT.

La déchéance pure et simple.

BARBAROUX.
Et la régence alors?

On verra
Santerre
Brissot

Je crois , moi , qu'il faudrait plus de précision dans notre plan , et qu'il fût définitif. L'Angleterre et Pitt se jouent de la France. Ce dernier s'est prononcé pour la monarchie, il roule l'autrichienne 5 mais si une fois

d'Orléans était au pouvoir, on ne sait pas...

PANIS.

Allons , encore la fédération

BARBAROUX.

Mais, citoyens, le pacte fédératif n'a-t-il donc pas fait toute la force des états de l'Union américaine? Quel plus bel exemple pourrions-nous prendre?

SANTERRE.

Pas de fédération, ou vous aurez CronrWell Lafayette: tenez-vous-en pour sûrs.

BRISSOT.

Et qui vous en parle?

SANTERRE.

On sait à quoi s'en tenir.

BARBAROUX.

Un mot...

SANTERRE.

Je te devine: dans le cas où les ennemis viendraient en France, n'est-ce pas?

BARBAROUX.

Eh bien ! y aurait-il rien de si simple que cette organisation? et la division des ci-devants provinces en départements ne se présente-t-elle pas d'elle-même comme pour réaliser ce système? Ajoutez que , si le territoire venait à être violé, toutes les ressources de l'état resteraient intactes dans la partie qui ne serait pas occupée; et que , protégés par les barrières naturelles de la Loire et des Sévennes, les départements du Midi pourraient encore venger ceux de nos frères que la trahison ou le nombre auraient réduits pour un moment.

29 juillet 1792 220px-19


SANTERRE.
Ce que tu dis là est une insulte aux Parisiens; et les sections de la capitale valent tous les jours les hommes du Midi.

BARBAROUX.

La chose peut être, mais tu n'as pas la pensée du système, Santerre, tu ne saurais en parler.

SANTERRE.

Double tonnerre de Dieu, monsieur le député, si vos Marseillais sont bons, nos sections ne leur codent en rien; et je puis vous le dire de près comme de loin....

Brissot.

N'ayons donc d'autre rivalité que celle du bien commun, et tâchons de nous entendre. Voyons, toi, Vergniaux , qu'est-ce que tu en penses?

VERGNIAUX.

Que Tous êtes des enfants de vous quereller. C'est bien de cela qu'il s'agit quand la France, l'empire, le premier peuple de la terre, attend peut-être sa destinée de la décision que vous allez prendre. Au nom de la patrie , mes amis, n'ayons qu'une même pensée, un même désir, le bien de tous et l'amour de la gloire; soyons unis. Ce que nous devons nous proposer est de mettre un terme aux exactions du pouvoir exécutif, et d'assurer le salut de la patrie par de grandes mesures. C'est pour cela que nous l'avons fait déclarer en danger, et que nous avons décidé que les sections seraient en permanence. Il appartient à présent à l'assemblée , qui a montré un si noble caractère, d'achever son œuvre. Mais , pour que l'exercice de sa souveraineté soit légal et fructueux , il faut que le peuple, ce premier, cet unique souverain, manifeste hautement ses intentions.

PANIS.

Et que pensez-vous que nous devions faire pour cela?

VERGNIAUX.

Rien que de très simple: mobiliser la masse entière du peuple, armer les sections, et les porter, de mouvement spontané, dans les cours et les jardins du Château.

SANTERRE.

C'est cela: une seconde journée du 2o juin. Mais que cette fois on ne le manque pas, et qu'il remette son veto,

BARBAROUX, à part. Toujours des mesures extrêmes....

Santerre, à Barbaroux. Que dis-tu?

GORSAS.

Un moment.... Et Pétion, qu'en ferons-nous?

BRISSOT.

On le consigne.

Bazire.

A la bonne heure, car il serait dans le cas de nous jeter encore des bâtons dans les roues: témoin ce dernier 14 juillet, et le jour de la réunion à la Bastille.

BARBAROUX.

C'est une chose convenue: il sera prisonnier chez lui. Son épouse elle-même donnera les rubans tricolores avec lesquels nous le retiendrons. Gorsas.

En ce cas , voyons à réunir les avis, et passons aux moyens.

TOUS ENSEMBLE.

Oui, oui, aux moyens.

FOURNIER.

Oui, les sections en masse....

SANTERRE.

Je réponds de quarante mille hommes.

VERGNIAUX.

Bien-, mais ne perdons pas de vue que la souveraineté du peuple ne saurait être manifestée d'une manière trop solennelle, et qu'il est surtout à désirer que tout se passe avec calme et dignité , de manière à ce que l'assemblée, dans son auguste décision, soit comme l'organe d'un peuple libre et fier , mais sage et modéré, qui statut sur sa propre existence, sans haine et sans passion , avec la force et la raison qui appartiennent à une grande nation.

SANTERRE.

J'ai parlé de quarante mille hommes; ils se trouveront au premier ordre.

BARBAROUX.

Eh bien! que demain les sections se mettent donc en mouvement, ejt que les faubourgs Saint-Marceau et Saint-Antoine se portent en armes à la rencontre des Marseillais. 11 n'y aura là rien que de simple, et la cour ne sera pas en défiance.

TOUS ENSEMBLE.

C'est cela. On défilera par les quais; et, sous l'apparence d'une fête de fraternité, d'un honneur rendu aux descendants des Phocéens, nous arriverons , sans coup férir , à la maison du tyran.

CHABOT.

Convenu : réglons les dernières dispositions. Par exemple, ne serait-il pas possible d'enlever, chemin faisant, le parc d'artillerie de la Maison de ville.

il

SANTERRE.

Ou d'aller à l'Arsenal

BAZIRE.

Oui, il faut l'Arsenal, car je me défie toujours de Pétion; non que je doute de ses intentions: il nous faut son nom , mais quelque chose de plus hâtif que ses décisions.

Barbaroux.

Je vous l'ai dit, il se laissera consigner.

PANIS.

Ce n'est pas assez, et il faudrait une autre commune, ou nous ne sommes sûrs de rien.

LE GENDRE.

Les sections pourront déléguer des commissaires.

SANTERRE.

Bien pensé.

BARBAROUX.

Puisque l'on consigne Pétion cependant, et qu'il en est convenu, n'y aurait-il pas dans votre mesure quelque chose de dur, que rien d'ailleurs ne justifie , si l'on se "reporte à la solidarité de conduite que toute la commune a réclamée lors de sa suspension.

PANIS.

C'est égal, le peuple doit avoir là des hommes qui lui tiennent de près. Pour faire triompher les masses , il faut des chefs qui sortent des rangs les plus nombreux.

Vergniaux , bas à Barbaroux.

Laisse faire : l'assemblée n'en décidera pas moins....

BARBAROUX.

Eh bien! qu'à cela ne tienne. Nous disons donc qu'on jettera mille hommes à l'Hôtel-de-Ville , quatre cents à la mairie pour y retenir Pétion. Ne conviendrait-il pas aussi d'occuper les postes de la Halle-au-Bled, des Invalides, les divers hôtels des ministres, et tous les ponts sur la Seine?

TOUS ENSEMBLE.

Bravo, bravo

SANTERRE.

Puis nous barricaderons les avenues du Carrousel du Pont-Tournant et des quais; nous y établirons nos batteries Le reste s'entend.

GOHSA8.

Surtout de l'ordre, de l'ordre, et de l'ordre. Que tous les citoyens armés prennent part à cette grande journée. Des vivres et des tentes seront portés dans le jardin même; et que le camp ne soit levé que lorsque toutes les injustices auront été réparées.

BAHBAROUX.

Oui, que le peuple entier de Paris campe dans les Tuileries, et qu'il ne dépose les armes que lorsque la liberté aura été assurée par de grandes mesures. Vergniaux.

Et surtout point de désordres. La peine de mort pour le vol, les voies de faits, ou la désobéissance aux chefs. Que l'insurrection soit majestueuse comme la liberté, sainte comme les droits qu'elle va consacrer.

BARBAROUX.

Bien, mon digne ami. {lit embrasse. Tous suivent cet exemple et s'embrassent à l'envi. ) Et que les tyrans apprennent qu'il suffit aux peuples de se montrer pour que les fers de l'esclavage soient brisés. (Embrassant Fournier.) Quelle journée, et que Marseille va être fière de ses enfants. Si tu veux, mon cher Fournier, nous dresserons une note de la conduite que devront tenir les Marseillais ; que ces Messieurs en fassent autant pour les communes, nous les échangerons, et ce sera le moyen d'éviter tout embarras sur les dispositions à prendre.

CARRA.

Encore un mot : je demande que, pour rallier tous les patriotes au même sentiment, dans une journée aussi solennelle, les sections et les fédérés adoptent, pour guidons, des bannières sur lesquelles on lise: Insurrection du peuple souverain contre le pouvoir exécutif.

TOUS ENSEMBLE.

Bravo I bravo! — C'est convenu; allons rejoindre nos frères; à demain!

Ils se serrent les mains et s'embrassent, et vont se confondre avec les Marseillais et tes citoyens réunis dans la salle du banquet.

SCENE V.

Nuit du 3g au 3o juillet 1792. — Maison de Robespierre dans la rue Saint-Honoré , vis-à-vis l'Assomption. — Un cabinet décoré avec soin. — On voit sur la cheminée un buste de Robespierre; sur la muraille, à droite, sou portrait, et à gauche une Ggure de bas relief donnant encore sa ressemblance. — Robespierre écrit i unr petite table de bois de chêne sur laquelle sont des journaux, des papiers et une liasse de petites gravures le représentant en profil.

ROBESPIERRE, PANIS, MARAT, ROVÈRE; PUIS SANTERRE, BARBAROUX ET REBECQUI.

Robespierre, à Marat écrivant. Termine ton article et donne-le à l'imprimeur qui t'attend. Puisque Rovère le cautionne, laisse-le passer cette fois. Aussi-bien, il ne faut pas l'indisposer.

Marat.

Soit, mais je l'écraserai; c'est un foutu scélérat, et nous le retrouverons. Ses Marseillais valent mieux que lui. Il a été vu chez le fédéraliste Rolland; je crois racme que Lieutaud lui est familier.

On entend frapper . ROBESPIERRE.

Entrez Ce doit être Santerre. Il est temps

SANTERRE.

C'est moi. Salut, frères et amis. (A Panis et Rovère.) Foutre, vous êtes diligents vous autres ; je crains bien que Barbaroux ne le soit pas autant, car le gredin avait un mot à dire à chacun de ses Marseillais. Ma foi, s'ils

ne valaient pas mieux que lui, ce ne serait tonnerre de Dieu pas la peine

ROBESPIERRE.

Allons, je parie que les pensionnaires qui sont en traitement à Charenton eussent encore mené cette affaire aussi bien que vous. Qu'avez-vous fait, et de quoi eston convenu?

SANTERRE.

Ils ont dû te le dire.

ROBESPIERRE.

A peu près; mais je leur ai répondu que ça ne pouvait pas être.

SANTERRE.

Comment? Par Dieu si! Que le tonnerre me carambole , nous marchons aujourd'hui même, c'est convenu; nous faisons une visite, en grande tenue, à M. et madame Veto, qui ne nous attendent pas , ce qu'il y a de mieux.

ROBESPIERRE.

Mais, mon ami Santerre, d'où viens-tu donc? Est-ce que tu serais aussi des Rolandistes?

SANTERRE.

Eh, qu'est-ce à dire ? Je veux la destitution du Judascouronné : après ça nous verrons....

ROBESPIERRE.

Que tu n'es qu'un sot. Marat a vu plus loin que toi, vois-tu. Oui, ils nous jouent, et nous avons l'air de leur tirer les marrons du feu.

SANTERRE.

Je ne vois pas du tout cela : et le peuple....

ROBESPIERRE.

N'est qu'une machine que vous ne savez pas conduire, entends-tu. <}uoi que t'en dise Ion d'Orléans, vousii'y voyez que du feu dans votre parc de Mouceaux : on vous vendrait bien facilement.

SANTERRE.

Cependant.... de deux choses l'une , ou il faut marcher demain sur la maison du tyran, ou il faut encore tout remettre, et voir les sections se refroidir, peut-être entendre les Marseillais se plaindre qu'on les trompe.

ROBESPIERRE.

Jeu d'enfant que toutes vos processions civiques. Mon ami, les révolutions ne se font pas à l'eau rose , et il faut du sang. Dis-le bien à d'Orléans, qui le sait comme moi. Si tu veux me croire, ne te laisse jouer par personne.

SANTERRE.

Me laisser jouer! quand je puis dans deux heures avoir quarante mille piques à mes ordres.

ROBESPIERRE.

Bien ; mais demande à Marat ce qu'il faut pour une révolution.

MARAT.

Moi, je ne veux que deux cents Napolitains , armés de poignards, et portant à leur bras gauche un manchon en guise de bouclier; avec eux je parcourrai la France, et je fais la révolution. Si l'assemblée veut y prendre part, et qu'elle ait réellement l'intention de sauver la France, qu'elle décrète que tous les aristocrates porteront au bras un ruban blanc , et qu'on les pendra quand on les trouvera réunis au nombre de trois.

SANTERRE.

Enfin il faut toujours bien que le tyran-couronné

ROBESPIERRE.

Oui, mais il ne faut pas que ce soit au profil des ledéralistes. Il n'est qu'un moyen: c'est de déployer la loi martiale du peuple souverain contre la rébellion du pouvoir exécutif. On verra ensuite....

Eh bien?

ROBESPIERRE.

Eh bien? qu'en marchant demain avec les fédérés sur le Château, tu ne feras que de l'eau claire , et qu'il faut, à tout prix , renoncer à ce projet et le rompre pour que nous ayons le droit d'oublier la loi , dans le but de sauver la patrie.

SANTERRE.

Ah ! je comprends : et, sur ma parole, je commence à voir que ces gredins-là nous auraient joué d'un mauvais tour. Aussibien je les ai vus chuchoter, quand Panis a dit qu'il fallait des chefs pris dans les sans-culottes.' C'est toujours ça :- ils ont établi , de leur propre mouvement , que les présidents de clubs seraient des députés de l'assemblée , ils veulent encore que ce soit cette même assemblée qui nous gouverne. Au diable les corneilles en bonnets de nuit, et qu'ils en revendent à d'autres.

ROBESPIERRE.

Tu aurais dû le voir plus tôt. Les tièdes et les timides te diront : soyons calmes , et nous nous sauverons par le génie et la puissance de nos orateurs. Il n'est qu'un moyen : c'est que chaque municipalité , chaque individu agisse par lui-même , comme si le ministère était suspendu. Notre zèle, notre union, notre loyauté, tiendront lieu de pouvoir exécutif.

SANTERRE.

Bien conçu; et que les Coblenciers apprennent ce que valent les sans-culottes ^ car cette épithète fera lefortune du genre humain, ou je me trompe. D'ailleurs le théâtre des intrigants s'écroule , et Gilles-César Lafayette, monté sur ses échasses de l'ancien régime, ne peut tarder à se casser le cou.

ROVÈRE.

Il y a long-temps que je l'ai dit.

ROBESPIERRE.

Laissez : vraisemblablement notre pauvre général se trouvera par ses bévues entre l'échafaud de Coblentz et la lanterne ; il ne lui restera que le choix. Tous les soldats sont patriotes , les officiers feuillants : c'est toujours la même incurie. Puisque l'assemblée ne saurait nous sauver, que nous le fassions nous-mêmes!

SANTERRE.

C'est dit...

ROBESPIERRE.

Qui perd la confiance du peuple commet le plus grand des cri mes; et l'opinion fait et défailles rois.

SANTERRE.

Tu es un homme de génie , Robespierre.

ROBESPIERRE.

Des gens à qui je pourrais être utile devraient aussi le savoir.

SANTERRE.

Je le lui ai souvent dit à Philippe; mais les femmes et le plaisir l'entraînent quelquefois. C'est d'ailleurs cependant un bien grand caractère, et surtout d'une loyauté à toute épreuve ; il se mettrait au feu pour ses amis. Enfin , que ferons-nous donc demain pour les fédérés?

ROBESPIERRE.

Rien de plus simple : tu leur donnes à dîner, et puis c'est dit.

SANTERRE.

Je leur donne à dîner?... Mais... et la conduite de Cbarenton, et les quarante mille hommes que j'ai promis?...

ROBESPIERRE.

Tu ne me comprends donc pas?

SANTERRE.

Non....

ROBESPIERRE.

Eh bien ! tu iras au-devant d'eux, car je ne veux te brouiller avec personne; mais seulement, au lieu de tes quarante mille hommes, tu n'en auras que trois ou quatre cents; tu diras que le temps t'a manqué, que les clubs et les sections n'ont pas eu le loisir d'en délibérer ; et, pour rajuster le tout, tu inviteras les descendants des Phocéens à un banquet fraternel que tu trouveras prêt à la Chaumière des Champs-Elysées; et comme d'un autre côté, si j'en suis bien informé , les gardes nationaux des Filles Saint-Thomas doivent dîner dans le voisinage, en fraternisant le soir, à distance de pique, avec ces chevaliers, tu verras que nos fédérés perdront toute rancune, grâce au début que tu leur fourniras. Est-ce convenu?

SANTERRE.

C'est arrêté. — Mais j'entends monter : je parie que c'est Barbaroux. Qu'allons-nous lui dire?

ROBESPIERRE.

Laisse-le-moi ; toi, Panis , tu le prendras après eu particulier. ( On frappe.} Entrez.

Entrent Barbaroux et Rebecqui.

Barbaroux , d'un air investigateur. Eh ! bonjour, citoyens; je ne m'attendais pas à si

bonne compagnie. J'ai reçu votre petit billet, M. Robespierre , au moment où j'allais retourner à Charenton pour disposer mes Marseillais; je sais bien de votre avis sur ce que vous me marquez, et je pense, avec vous, que le poste des Cordeliers sera plus avantageux que celui de la Chaussée-d'Antin: nous serons de là beaucoup plus à portée de nous concerter avec le club où vous avez une si grande influence, ce sera aussi le moyen d'obtenir de la précision dans nos mouvements. Notre journée, je l'espère , donnera quelque résultat. A propos, Santerre, et les sections, commencent-elles à se mouvoir?

SANTERRE.

Nous en parlions. Seulement le temps est un peu court, mais n'importe.

BARBAROUX.

Et vous, monsieur Robespierre, quelle est votre opinion sur notre entreprise?

ROBESPIERRE.

Je le disais, à l'instant, et je le répète encore, il faut n'avoir jamais calculé le rapport immédiat des choses pour dire que nous aurions la guerre civile si l'on destituait le chef des conspirateurs; comme si ce n'était pas précisément parce que Louis-le-parjure est resté roi, que les conspirateurs du dehors et du dedans s'agitent.

BARBAROUX.

Vous avez parfaitement raison: mais pour que la chpse publique se fixe, il faudrait que nous fussions tous, du même parti.

ROBESPIERRE.

Que dis-tu là des partis, mon cher Barbaroux, quand la justice, la raison et les droits de l'homme sont notreacte de foi, notre symbole politique? N'avons-nous-pas d'ailleurs un homme dont le génie peut nous servir de flambeau, Pétion, le vertueux Pétion, Je voudrais placer son buste entre Phocion et Aristide.

BARBAROUX.

Mais il faudrait pour cela briser celui de Lafayette.

ROBESPIEBRK.

Vous calomniez mes intentions, Barbaroux; ces messieurs peuvent vous l'attester, je ne leur ai pas caché ma manière de penser sur Lafayette. J'ai pu un instant regarder la guerre comme devant être funeste à notre patrie ; je vois aujourd'hui que la régénération doit être complète, et que, quand le peuple est sur l'extrême bord de l'abyme, il ne peut se sauver que par l'insurrection générale.

Marat.

Oui, du sang ! et du sang !....

BARBAROUX.

Ah! épargnons-le, s'il se peut : j'aimerais beaucoup mieux une alliance fraternelle et pacifique entre tous les hommes qui se dévouent à la patrie. Quel plus beau sentiment pourrait nous unir que de faire triompher la sainte cause du peuple par l'union et la concorde.

MARAT.

Il faut saisir les aristocrates au passage des rues et les expédier : c'est le seul moyeu.

BARBAROUX.

Mais vous pourriez ainsi vous méprendre , et sacrifier beaucoup de patriotes.

Marat.

Faible objection! Si, sur cent hommes tués, il y a dix patriotes, qu'importe ! C'est quatre-vingt-dix hommes pour dix. Et puis, on ne peut pas se tromper: tombez sur ceux qui ont des voitures, des valets, des habits de soie , ou qui sortent des spectacles, vous êtes sûrs que ce sont des aristocrates.

BARBAROUX.

Mais, encore une fois, votre calcul et votre résultat pourraient vous être plus funestes qu'avantageux. MARAT, le regardant fixement.

Simplicité !.. Mais je crois que je t'ai vu à mon cours de physique avant 89. Ah! j'ai de tes anciens camarades qui vont bien. Crois-moi, mon cher Marseillais, il faut absolument que le peuple écrase le parti de l'aristocratie , et c'est une folie de prétendre dompter la tyrannie avec les seules armes de la raison.

BARBAROUX.

Vous pouvez être dans le vrai, mais je ne vous comprends pas ; j'aimais mieux vos leçons sur la théorie de la lumière.

Marat.

On me comprendra... Seulement il est cruel d'avoir raison six mois d'avance.

Marat et Robespierre causent ensemble. Fendant ce temps , Panis s'approche de Barbaroux.

PANIS.

Tenez, Barbaroux, je ne partage pas toutes ses vues; et je n'ai jamais été, par exemple, de son avis pour qu'on ne fît pas la guerre. Mais Robespierre est un des hommes qui ont le plus avancé la révolution; et si quelque patriote extrêmement populaire ne s'en déclare le chef, elle s'arrêtera , croyez-moi.

BARBAROUX.

Et qu'est-cet voudriez-vous donc un dictateur;

PANIS.

Non, mais vous savez que Brissot et Pétion

BARBAROUX.

Je ne veux pas de dictateur, vous dis-je Viens,

Rebecqui.

PANIS, les reconduisant sur h pas de la porte.

Vous saisissez mal la chose , je ne veux parler que d'une autorité momentanée; et l'intègre Robespierre serait bien l'homme qui conviendrait pour être à la tête du peuple.

Robespierre, à Panis.

Tu es un maladroit, Panis. — Toi, Santerre, va , et rejoins-les ; arrange tout pour le mieux : je me charge du repas et de ses préparatifs.

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