La Terreur vécue par le peuple (1793-1794)
Carcassonne (11)
Pillage d'une ferme par les « chauffeurs »
Les sympathies en faveur des Girondins et du fédéralisme, dont nous avons fait déjà état, sont le fait d'une bourgeoisie d'affaires attachée à la liberté économique.
Celle-ci, de ce fait, refuse d'encadrer la hausse des prix et d'augmenter les salaires, ce que réclament en période de crise les ouvriers.
Ces derniers ne se sentent évidemment pas concernés par les prises de position des notables, ce qui explique leur faible mobilisation en juin 1793, quand il aurait fallu affronter l'armée de la Convention envoyée par les Montagnards.
En effet, la récolte 1792 de céréales ayant été encore une fois médiocre, le prix du pain augmente de 50 % entre février 1792 et mars 1793, si bien qu'il est fait alors état de 3 300 indigents, avec des pillages dans les campagnes et la crainte d'une nouvelle insurrection venue des habitants misérables de la Cité.
Des achats massifs de blé réalisés par les riches fabricants et vendus à perte font baisser la tension, puis en septembre 1793 intervient la loi dite «du maximum» qui fixe les prix de la plupart des denrées.
Cette importante mesure évite la disette, en marquant la fin provisoire du libéralisme économique.
Par ailleurs, le chômage diminue singulièrement en raison de la mobilisation économique nécessitée par la guerre; récupération du salpêtre sur les murs, fabrication d'armes et de munitions à partir du bronze des cloches, mais aussi d'uniformes et de souliers destinés à équiper les armées de la République, sont réalisés dans de multiples ateliers, parfois installés dans les églises comme Saint-Vincent ou dans l'actuel auditorium.
Le 9 thermidor (27 juillet 1794) marque la fin de la Terreur et on assiste au retour à la situation antérieure, avec une nouvelle flambée des prix dès l'abolition du «maximum», le 24 décembre 1794, si bien qu'en septembre 1795 l'hectolitre de blé vaut vingt fois plus qu'en avril 93 !
Quant à l'assignat, cette monnaie de papier émise en 1790, — il vaut seulement 2 % de sa valeur initiale.
Or, le Directoire, qui succède à la Convention, va confirmer le choix du libéralisme économique.
Claude Marquié
Si, de 1789 à 1799, la Révolution à Carcassonne apparaît se dérouler comme un fleuve assez tranquille, par contre, la ville connaît une certaine agitation, conséquence des événements parisiens.
En effet, à partir de 1792, la guerre durcit le conflit entre Girondins et Montagnards: les premiers, notables implantés en province, conçoivent la France comme une fédération de régions et s'opposent à la dictature de la Capitale, incarnée par les Montagnards, lesquels, ayant réussi à l'emporter, vont imposer un gouvernement autoritaire, baptisé «la Terreur»
Les dirigeants carcassonnais, tel Joseph Dupré, prennent position pour les Girondins, mais leur tentative d'insurrection fédéraliste retombe dès que la Convention décide l'envoi d'une armée dans la vallée du Rhône.
Dès lors, le club des Jacobins, comme les autres sociétés populaires, fait connaître les décisions parisiennes par des lectures publiques, prêche le patriotisme, surveille la population, rassemble argent, armes et vêtements pour les combattants qui affrontent les Espagnols en Roussillon.
Ces patriotes sont encouragés par le représentant en mission Chaudron-Rousseau: envoyé en décembre 1793 par le Comité de salut public, il met en place deux comités de surveillance, ainsi que des agents nationaux.
L'épisode de la Terreur apparaît cependant peu dramatique ici: Chaudron-Rousseau libère une vingtaine de prisonniers, surtout des femmes accusées de religiosité excessive et à trois reprises, des évasions ont lieu du château comtal de la Cité.
La seule victime «politique» fut un prêtre qui, ayant émigré en Espagne, eut la malencontreuse idée de rentrer en France : arrêté, il fut guillotiné place Carnot.
Il est vrai que l'année 1794 fit d'autres victimes à Paris, ainsi les poètes André Chénier et Fabre d'Églantine.
Quant au club des Jacobins, il ne manifestera aucune opposition à la chute de Robespierre qui marquera la fin de la Terreur en juillet 1794.
En fait, la brièveté de cet épisode s'explique par les victoires des armées révolutionnaires.
- Voir sur ce sujet les travaux de G. Fournier et de J. Valentin.Claude Marquié