Le Boudoir de Marie-Antoinette

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 14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis

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yann sinclair

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MessageSujet: 14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis   14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Icon_minitimeDim 13 Oct - 19:05

Lundi 14 octobre 1793
St Calixte
Tridi 23 vendémiaire an II Navet
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Basili13

15H
On reprit le travail en continuant à extraire les cercueils du caveau des Bourbons.

Malgré les précautions prises, les odeurs fétides provenant des corps en état de décomposition putride rendaient l’atmosphère suffocante


14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Oct-6910

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14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Louis_13
  Louis XIII 
 dit « le Juste »
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis 15px-Red_crown
Roi de France et de Navarre
14 mai 1610 – 14 mai 1643
(33 ans)

Fils d'Henri IV et de Marie de Médicis
Né le 27 septembre 1601 au château de Fontainebleau
Décédé le 14 mai 1643 à l'âge de 41 ans au château neuf de Saint-Germain-en-Laye


Son règne, dominé par la personnalité du cardinal de Richelieu, principal ministre d'État, est marqué par l'affaiblissement des grands et des protestants, la lutte contre la maison d'Autriche et l'affirmation de la domination militaire française en Europe pendant la guerre de Trente Ans.

De son mariage avec l'infante Anne d’Autriche, il a tardivement deux fils: Louis XIV, qui lui succèdera, et Philippe, duc d'Anjou puis d'Orléans, dit « Monsieur, frère unique du roi », auteur de la Maison d’Orléans.

La rechute de la maladie qui emporta Louis XIII, "une espèce de dysenterie avec des accès de fièvre", commença à le saisir le 21 février

Ce fut l'occasion pour la famille royale de resserrer les rangs

En à peine trois mois Louis passa d'état de grabataire à celui de moribond

Pensant à son salut éternel, il écoutait pieusement les lectures saintes

pour préparer son voyage sans retour

Louis avait auprès de lui le meilleur intercesseur qui soit: Saint Vincent de Paul

il lui fallut rentrer en agonie pour qu'il cessât enfin de travailler

Avant la célébration des funérailles, son fils, le jeune Louis XIV et sa mère Anne d’Autriche prirent le pouvoir opérant ainsi une rupture du rituel

Durant trois jours, resta exposée au "château neuf"

puis elle fut mise dans un cercueil de plomb et portée sans aucune solennité jusqu'à la basilique Saint-Denis.

Ainsi l'avait exigé Louis XIII qui voulait éviter "à ses peuples" la lourde charge financière qu'aurait généré de grandes cérémonies

Aussi, le peuple, déjà profondément et sincèrement affligé de son trépas, marqua-t-il encore davantage sa reconnaissance et sa peine

C'est la dernière fois qu'un souverain français était porté en sa dernière demeure entouré de l'affection de son peuple

Mais durant ce triste moment, qui aurait pu se douter qu'il en serait autrement?

Extrait de sa sépulture le 14 octobre 1793, lors des profanations révolutionnaires, sa dépouille, bien conservée, fut reconnue à sa moustache

Jetée dans une fosse, elle retrouva une tombe dans l'ossuaire de la basilique en 1817

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14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis 1312
Cercueil ouvert vers 15 heures, corps dégradé mais reconnaissable à sa moustache noire.

Son corps est, comme celui d'Henri IV, jeté face contre terre dans la fosse commune, sur un lit de chaux-vive pour accélérer la putréfaction.
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Marie_10
Marie de Médicis
Les ouvriers ouvrant son cercueil l’auraient injuriée, ils l’accusent du meurtre d’Henri IV et arrachent ses cheveux.
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Anne_d10
Anne d'Autriche
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Marie-10
  Marie-Thérèse d'Espagne
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Gaston10
   Gaston de France, fils d'Henri IV
Louis XIV
Corps bien conservé reconnaissable bien qu'il soit « noir comme de l’encre »
Après une cure de sommeil de 78 ans à Saint-Denis, Louis XIV revoit le soleil
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Louis_12
Roi de France et de Navarre
14 mai 1643 – 1er septembre 1715
(72 ans, 3 mois et 18 jours)
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Le_gro12
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis 1313
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis 1310
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Le_gro11
Voilà deux jours que les sans-culottes éventrent les cercueils royaux de la basilique de Saint-Denis pour en récupérer le plomb
Le 12 octobre 1793, le Roi-Soleil entend de violents coups ébranler l'un des murs du caveau où il repose depuis 78 ans en compagnie de ses ancêtres. Plus possible de faire une sieste, ou quoi ? Il s'étonne, se fâche. Il regarde sa mère et son père que le bruit ne semble pas tirer de leur dernier sommeil. Même apathie pour les autres occupants du caveau. Soudain des torches déchirent les ténèbres. C'est un comble, le Roi-Soleil est ébloui. Il demande à Philippe Manœuvre de lui prêter ses lunettes noires. Voilà maintenant qu'une foule pénètre en hurlant. Certains, armés de marteau s'en prennent au cercueil de papy Henri IV qu'ils éventrent à coups de marteau. Enfin, le calme revient.
Le 13 octobre, rien ne se passe, l'ambiance redevient mortelle. Louis XIV se rendort. Pas pour longtemps, car, le 14 octobre, les envahisseurs reviennent. Le grand roi sent que son cercueil est emporté par des mains maladroites. Il avertit: attention à ma fistule ! Tu parles si on l'écoute. Mais que se passe-t-il donc ? Presque rien : la République en guerre contre le reste de l'Europe a besoin de plomb pour fabriquer des balles. Or, tous ces cercueils entassés dans la basilique de Saint-Denis en contiennent des tonnes. L'idée de ce pillage revient à Barère, qui, au nom du Comité de salut public, propose en même temps à la Convention nationale de détruire les tombes royales pour fêter le premier anniversaire de la prise des Tuileries (10 août 1792). On trouve l'idée excellente. D'où le décret du 1er août 1793, qui indique: "Les tombeaux et mausolées des ci-devant rois, élevés dans l'église de Saint-Denis, dans les temples et autres lieux, dans toute l'étendue de la République, seront détruits le 10 août prochain"
Entre le 6 et le 8 août, on commence par fracasser les monuments funéraires des rois mérovingiens et carolingiens disséminés dans la basilique. Mais la profanation s'arrête là. Ce n'est que le samedi 12 octobre, à 15 heures, que les ouvriers désignés pour ce triste ouvrage se présentent à nouveau. Ils commencent par se diriger vers le monument funéraire de Turenne, maréchal de France, fauché par un boulet en 1675, lors de la bataille de Sasbach. La renommée de ce grand militaire est encore intacte. En perçant le cercueil, les ouvriers découvrent un corps dans un état parfait de conservation. S'ils ne le balancent pas dans la fosse creusée à cet effet, c'est que, "sur les observations de plusieurs personnes de marque", il est remis au gardien de l'église. Ce Host le dépose dans la sacristie de l'église où, durant huit mois, des milliers de visiteurs défileront. Pour se faire un peu d'argent, Host écoule également les dents aux amateurs de souvenirs fortunés. Quand Camille Desmoulins vient à son tour rendre hommage à Turenne, celui-ci est totalement édenté. Aussi le héraut de la Révolution prélève un doigt. En juin 1794, un professeur du Muséum d'histoire naturelle de Paris découvre l'existence du corps qu'il réclame pour le cabinet d'histoire naturelle du Jardin des Plantes, où il l'installe entre un éléphant et un rhinocéros. Ce n'est qu'en 1800 que Turenne gagne enfin les Invalides.
Cinquante-quatre cercueils
Après le cercueil de Turenne, les ouvriers s'attaquent au caveau des Bourbons dans lequel ils pénètrent en fracassant un mur. Surprise: c'est aussi surpeuplé qu'un taudis du 18e arrondissement à Paris. Dans l'espace qui mesure seize mètres de long sur six mètres de large (moins de cent mètres carrés), il y a cinquante-quatre locataires. Certes, ils sont plutôt calmes, mais ils occupent tout de même cinquante-quatre cercueils de bois de chêne, couverts de velours ou de moire, posés sur des tréteaux de fer rongés par la rouille, disposés en deux longues rangées séparées par un étroit espace. Explication: Henri IV étant mort assassiné, il n'a pas eu le temps de se faire construire un tombeau digne de lui. Aussi son cercueil est-il abandonné dans le caveau de cérémonie. Par la suite, ses successeurs suivent son exemple, sans prendre la peine de se bâtir un monument funéraire. Le tout dernier à squatter le caveau est le jeune Louis Joseph Xavier François, fils de Louis XVI, mort à 7 ans, seulement quatre ans avant la profanation.
Sous la surveillance de l'entrepreneur Scellier, de plusieurs commissaires de la Convention et de délégués de la commission des Arts, les ouvriers commencent par s'attaquer au cercueil du Vert Galant. Ils brisent le bois à grands coups de marteau, puis découpent le sarcophage en plomb glissé à l'intérieur avec des ciseaux. Le roi apparaît, plus vert que nature. On dresse sa bière contre un pilier. La foule défile pour l'admirer. D'un coup de sabre, un soldat lui tranche une longue mèche de sa barbe. "Et moi aussi je suis soldat français ! Désormais, je n'aurai plus d'autre moustache", s'exclame-t-il en plaçant les poils sur sa lèvre supérieure. Puis un employé municipal moule la tête.
La nuit tombe déjà, les ouvriers se retirent, remettant au lendemain la suite des opérations.

Le lendemain, c'est le dimanche 13 octobre. On ne travaille pas le jour du Seigneur.

C'est donc le lundi 14 octobre 1793 que la profanation du caveau des Bourbons débute véritablement. Plusieurs descriptions nous en sont parvenues.

Notamment celle d'Henri-Martin Manteau, 29 ans, ami de dom Druon, ex-prieur de l'abbaye de Saint-Denis devenu archiviste du lieu.

Il est venu en curieux Quand il pénètre dans le caveau, les ouvriers viennent d'ouvrir le cercueil en plomb de Marie de Médicis, la deuxième épouse d'Henri IV.

À l'intérieur, ils trouvent quelques ossements baignant dans une matière fangeuse. Deux ou trois sans-culottes l'écopent avec des pelles pour récupérer le plomb.

Pendant ce temps, raconte Manteau, des imprécations fusent vers les restes de la malheureuse reine qu'ils accusent d'avoir fait assassiner son époux.

Le ton monte.

Les plus hardis arrachent les dernières touffes de cheveux encore attachées au crâne.

Ils se les repassent de main en main.

Manteau tend la sienne et se retrouve ainsi avec quelques mèches qu'il glisse dans sa poche.

Les ouvriers passent maintenant à l'ouverture de la bière d'Anne d'Autriche.

Ils trouvent un corps putréfié enveloppé d'une étoffe très épaisse de couleur rousse.

C'est le costume du tiers ordre de saint François.
"Le cadavre avait conservé ses formes"

Manteau en a assez vu, il ressort du caveau en compagnie de dom Druon.

Tous deux se recueillent devant Turenne, qui n'a pas encore été déménagé, puis vont jeter un coup d’œil dans le trou qui vient d'être creusé pour recueillir les corps au fur et à mesure de l'ouverture des cercueils.

"Déjà on avait apporté et jeté dans cette fosse le corps d'Henri IV et celui de Louis XIII. Le premier était resté pendant douze heures dans la chapelle basse, exposé à la vénération des uns, à la curiosité du plus grand nombre. (...) Les deux princes étaient placés dan la fosse, l'un à côté de l'autre. Louis XIII à la droite d'Henri IV, mais en sens inverse pour l'observateur."

Un autre témoin, ayant assisté à l'ouverture du cercueil d'Henri IV, le samedi 12 octobre, a laissé ce témoignage:

"Le cadavre avait conservé ses formes de manière à faire reconnaître ses traits chéris; les scélérats qui étaient présents, et Robespierre lui-même, avaient été saisis à cette vue d'une effroi involontaire; tous s'étaient rapprochés doucement, et avaient arraché respectueusement quelques poils de la barbe d'Henri, que depuis ce temps ils portaient dans des bagues comme une relique."

« Icy est le Corps de Louis 14 par la grace de Dieu, Roy de France et de Navarre très Chrestien décédé en son Chasteau de Versailles le 1er jour de septembre 1715 » – cuivre martelé et laminé, gravé au burin
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Ob_e7610
La plaque de cuivre, fixée sur le cercueil de Louis XIV en 1715, a été arrachée, le 14 octobre 1793, lors de la profanation des sépultures royales.

Elle fut transformée en casserole par un chaudronnier de Saint-Denis.

Manteau voit des hommes apporter un grand cercueil en chêne.

Sur le côté, une inscription signale que l'occupant est Louis XIV.

On déchire l'enveloppe en plomb sous laquelle apparaît le corps du Roi-Soleil.

Curieusement, il apparaît intact, mais de couleur d'ébène.

Une longue bandelette entourant son cou est enlevée pour dégager ses traits.
"Il semblait que ce prince commandait encore le respect et que, par la sévérité de ses traits, il menaçait alors ses profanateurs."

Les sans-culottes extraient le corps de celui qui régna en maître absolu sur la France pour le balancer dans le trou cul par-dessus tête.

Le voilà gisant sans cérémonie sur celui de son grand-père Henri IV.

La foule se rassemble pour regarder les trois monarques, le père, le fils et le petit-fils s'étreindre pour la première fois.

Des curieux n'hésitent pas à poser une échelle pour descendre dans la fosse.


Manteau, décidé à prélever des reliques, descend à son tour.

Il s'approche de Louis XIV, tente d'arracher un morceau de chair à un bras, puis à une jambe.

Impossible.

Il se rabat sur la mâchoire pour tenter d'arracher une dent, mais, la vache, elles tiennent encore solidement.

Finalement, le jeune homme parvient à s'emparer d'un ongle de la main droite.

C'est toujours ça de pris. Encouragé par cette première victoire, il s'intéresse maintenant au corps d'Henri IV.

Son pied droit est sous son nez, il en arrache l'ongle du pouce.

Manteau n'est pas le seul à vouloir repartir avec un souvenir.

Un certain Charles Brulay s'empare de la mâchoire de Dagobert, d'un morceau de crâne de Saint Louis, de dents d'Henri III, de cheveux de Philippe Auguste et d'une jambe de Catherine de Médicis.

Puanteur

Satisfait, Manteau remonte sur le bord de la fosse d'où il voit un charretier fendre d'un coup de couteau le ventre du Roi-Soleil, y plonger la main pour en retirer une grande quantité de l'étoupe remplaçant les entrailles.

Sous les acclamations de la foule, il ouvre de la même manière la bouche du roi.

Chaud devant !

Un nouveau cadavre est balancé dans la fosse.

Il est minuscule, c'est Marie-Thérèse d'Autriche qui tombe à côté de son époux sans prendre la peine de faire une révérence.

Lequel ne semble pas s'en formaliser.

Vingt-trois ans plus tard, Manteau remettra ses trois reliques à Louis XVIII.

Elles seront déposées dans le caveau des Bourbons lorsque Louis XVIII y sera inhumé à son tour, en 1824.

La profanation reprend le mercredi 16 octobre dès 7 heures du matin.

Les ouvriers abattent un sacré boulot ce jour-là: 21 cercueils sont éventrés et leurs occupants balancés dans la fosse.

Principaux princes expulsés: Henriette de France, Philippe d'Orléans, Charles V, Jeanne de Bourbon.

Il règne une odeur épouvantable. "La plupart des corps étaient en putréfaction. Il en sortait une vapeur noire et épaisse, d'une odeur infecte, qu'on chassait à force de vinaigre et de poudre qu'on eut la précaution de brûler, ce qui n'empêcha pas les ouvriers de gagner des dévoiements et des fièvres qui n'ont pas eu de mauvaises suites", écrit un témoin.

À 11 heures, l'heure exacte où Marie-Antoinette monte sur l'échafaud ce jour-là, le cercueil de Louis XV est transporté au bord de la fosse pour y être ouvert.

Sage précaution, car, à l'ouverture, un jet de miasmes fétides fait reculer d'horreur les curieux.

Au premier abord, le roi paraît bien conservé.

"La peau était blanche, le nez violet et les fesses rouges comme celles d'un enfant nouveau né, et nageant dans une eau abondante formée par une dissolution du sel marin dont on l'avait enduit, n'ayant pas été embaumé suivant l'usage ordinaire."

Mais, mises à nu, les chairs putrides du Bien-Aimé exhalent une telle puanteur que les soldats présents brûlent de la poudre et tirent au fusil pour tenter de la dissiper.

On s'empresse de recouvrir le cadavre de chaux et de terre.

Désormais, le caveau des Bourbons est vide.

La réunion de famille est interrompue à jamais. Mais il reste encore de nombreuses chapelles à piller dans la basilique.

À 15 heures, on s'attaque à celle de Charles V, mort en 1380, puis à celle de son épouse et de leurs enfants. Dans les cercueils, on ne retrouve que des ossements, avec bijoux précieux, couronnes et sceptres.

Du 17 au 25 octobre, méthodiquement, toutes les chapelles sont vidées de leurs occupants et de leurs métaux.

Tous les Valois y passent: Henri II et son épouse, Catherine de Médicis, leurs trois fils couronnés.

Et puis les carolingiens et les mérovingiens.

Le plus vieil occupant délogé est Dagobert, mort en 638.

Après presque douze siècles de sommeil, il n'a pas eu le temps de mettre son linceul à l'envers.

Seul le cercueil de Valéry Giscard d'Estaing échappe au vandalisme...

Après 24 ans de promiscuité dans la fosse, le 21 janvier 1817, les rois et reines de France seront à nouveau exhumés pour être entassés dans une dizaine de coffres placés dans un ossuaire.

Il faut dire que la chaux les a réduits à presque rien.

Louis XVIII en profite pour rapatrier également les restes de son frère Louis XVI et de son épouse à Saint-Denis.

La famille est désormais au complet.




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14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis C_icgp11
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Dernière édition par yann sinclair le Ven 14 Oct - 15:50, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: 14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis   14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Icon_minitimeDim 13 Oct - 19:06

La momie de Louis XIV
(profanation des sépultures royales du lundi 14 octobre 1793)


Louis XIV, roi de France, esquisse préparatoire à son buste en cire, par Benoist

http://presse.chateauversailles.fr/expositions/expositions-au-chateau/le-roi-est-mort/

Après avoir ouvert le caveau des Bourbons et découvert les dizaines de cercueils disposés sur des tréteaux, le samedi 12 octobre 1793, les ouvriers firent relâche le dimanche et repassèrent à l'attaque le lundi.*
Ce jour là, après avoir déjeuné, on reprit les profanations vers 3 h de l'après midi.

On jeta d'abord le corps d'Henri IV, déjà sorti de la crypte le samedi, au fond de la fosse commune.
On ouvrit ensuite les cercueils de :
Louis XIII, Louis XIV, Marie de Médicis, Anne d'Autriche, Marie Thérèse, du Grand Dauphin.
Tous furent précipités dans la fosse.

Attardons-nous ici sur le corps de Louis XIV, « ce roi si fameux par l’obéissance que les nations lui portaient. »

On déplaça sa bière en plomb, et sur une plaque de cuivre portant les armes de France et de Navarre, entourées du collier de Saint-Michel et du cordon du Saint-Esprit, on put lire à la lueur sinistre des torches :

« ICI EST LE CORPS DE LOUIS 14,
PAR LA GRACE DE DIEU ROY DE FRANCE ET DE NAVARRE, TRES CHRETIEN ;
DECEDE EN SON CHATEAU DE VERSAILLES
LE PREMIER JOUR DE SEPTEMBRE 1715
RESQUIESCAT IN PACE »

Les ouvriers et les révolutionnaires les guidant firent alors sauter le couvercle du sarcophage en plomb en le forçant. Et, comme pour Henri IV, quelle ne fut pas leur surprise !
Le Roi Soleil était là. On ne percevait au début qu’une forme, un suaire tenu par des bandelettes recouvrant le corps.

En tout cas, le constat est unanime : il s’agit d’un corps de grande taille [ ce qui de nouveau met à mal la légende colportée au XX°s. d’un Louis XIV de taille médiocre. ]


On souleva alors le suaire, et le visage du Grand roi apparut.

14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Portra10
Louis XIV, roi de France, à l'âge de 68 ans, en 1706,
buste en cire et véritable perruque (brune à l'origine) portée par le roi, par Benoist.
Cette cire peut donner une idée de l'impressionnant visage
que contemplèrent, interdits, les profanateurs le lundi 14 octobre 1793.


Première surprise : il est très bien conservé, mais la peau est « noire comme de l’encre ». La face ressemble à un masque de cuir.
La tête est sciée mais cela ne se voit immédiatement, la calotte crânienne ayant été recousue après embaumement.
Deuxième surprise : le visage est terriblement expressif et rappelle les nombreuses peintures et gravures célébrant son règne. Le cadavre conservait, à travers les ravages de la mort, un air sévère encore imprégné d’une imposante majesté. On développa une très longue bandelette qui entourait le cou pour mieux assugettir sa tête et le contempler.
Châteaubriand écrira : « En vain, pour défendre son trône, il parut se lever avec la majesté de son siècle et une arrière-garde de huit siècles de rois ; en vain son geste menaçant épouvanta les ennemis de la morts, lorsque, précipité dans la fosse commune, il tomba sur le sein de Marie de Médicis ; tout fut détruit. »

En vérité, nos violeurs de sépultures restèrent un instant stupéfaits devant la dépouille de Louis XIV. La fascination l’emportait. Puis, semblant se ressaisir, comme brusquement révoltés par la majestueuse arrogance du visage, ils sortirent la momie du cercueil, la ressortirent de la crypte, passèrent le portail nord, puis jetèrent le cadavre en position un peu transversale sur celui d’Henri IV.

C’est alors qu’Henri Martin Manteau, le principal témoin de cette journée grâce auquel nous avons ces détails, put descendre dans la fosse :
« Je m’approchai religieusement (…) Il me fallut feindre l’indifférence du vulgaire en portant la main sur la bouche de Louis XIV pour détacher furtivement une de ses dents ; ce fut sans sucès, à cause de l’adhérence des lèvres. Enfin, après un moment d’hésitation, je saisis à la main droite un ongle qui se détacha facilement. (…)
Au même moment je vis descendre un charretier du dépôt, dont le dessein n’était pas équivoque – c’était pour outrager Louis XIV. Cet homme lui fit avec son couteau une large entaille au ventre ; il en retira une grande quantité d’étoupe qui remplaçait les entrailles et servait à tenir les chairs. Avec le même instrument, il ouvrit la bouche qui était aussi garnie d’étoupe. Ce spectacle donna lieu aux bruyantes acclamations de la multitude.
»

On déversa par-dessus, les jours suivants, des dizaines de cadavres des princes et princesses Bourbons. On répandit de la chaux vive.

En 1817, les ossements retrouvés lors des fouilles ordonnées par Louis XVIII ne permirent évidemment pas d’identifier ces restes… Ils reposent aujourd’hui dans l’ossuaire, pêle-mêle.
Les fragments récupérés par Manteau se trouvent avec les cœurs de rois qui ont pu être sauvés. On a donc une moitié du cœur et un ongle de Louis XIV sur une étagère de la chapelle des Princes, dans la crypte.


Quant au cercueil il avait été mené à l’atelier de fonte.
A cette occasion, la plaque de cuivre se trouvant sur le cercueil de Louis XIV fut arrachée, mais miraculeusement sauvée.
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis 11r7rph
Ce n’est qu’au XIX° siècle qu’elle put être retrouvée, en même temps que celle de Marie-Adélaïde, duchesse de Bourgogne, mère de Louis XV, et de celles de Louise Elisabeth de France, fille de ce dernier.
L’architecte Debret les a trouvées dans la boutique d’un chaudronnier de la ville; elles avaient été réunies ensemble et formaient une casserole ! La plaque de la duchesse de Bourgogne présentait trois perforations en triangle, à la partie inférieure droite, là où était ajusté le manche d’un ustensile; celle de la fille de Louis XV avait la trace d’un rivet.

Ces plaques sont aujourd’hui dans les réserves du Musée de Cluny.
Il serait souhaitable de les rapatrier à Saint-Denis si un jour un musée de la basilique ouvre ses portes !

[ Sur le procès verbal de l'autopsie de Louis XIV, lire sur ce forum:
http://saintdenis-tombeaux.forumculture.net/t192-le-proces-verbal-de-l-autopsie-de-louis-xiv-1715#573 ]

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MessageSujet: Re: 14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis   14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Icon_minitimeDim 13 Oct - 19:07

LES PROFANATIONS DU LUNDI 14 OCTOBRE 1793, PAR HENRI-MARTIN MANTEAU

Le témoignage de Henri-Martin Manteau est l'un des plus importants sur la violation des sépultures royales par les révolutionnaires en 1793.



Avec ceux de Dom Poirier, Dom Druon, Alexandre Lenoir et de quelques autres, ce témoignage est le plus précis mais portant sur un temps très court: une seule journée.


Il n'a donc assisté qu'à la chute des corps suivants dans la fosse commune: Henri IV, Louis XIV, Louis XIII, Marie de Médicis, Anne d'Autriche, et de Marie-Thérèse d'Autriche.


Manteau était au moment des faits contrôleur du dépôt des transports militaires établi dans les bâtiments de l’ancienne abbaye de Saint-Denis.



Par une heureuse coïncidence, il avait retrouvé à Saint-Denis Dom Druon dont il avait été élève au collège de Laon.



C’est grâce à la complaisance de ce religieux qu’il put pénétrer le lundi 14 octobre 1793 dans le caveau des Bourbons et assister aux premières profanations des cercueils qui s’y trouvaient.



Il réussit à descendre dans la fosse commune creusée dans le cimetère au Nord de l’église, puis déroba pieusement quelques parcelles des corps royaux: un ongle de Louis XIV, un ongle d’Henri IV, des cheveux de Marie de Médicis.



En 1816, Manteau, devenu bibliothécaire de la ville de Laon, remit à Louis XVIII ces reliques sur les conseils du marquis de Nicolay, préfet de l’Aisne.



Il joignit à la restitution le récit détaillé de ces événements.



Une enquête poussée permit de garantir le sérieux des souvenirs de Manteau, homme probe et rigoureux.

C’est lors de l’inhumation de Louis XVIII à Saint-Denis le 25 octobre 1824 que trois boites contenant les reliques furent amenées à Saint-Denis, en présence du Prince de Croy, grand aumônier de France, de l’abbé de Grand-champ, doyen de Saint-Denis, du baron de La Ferté, directeur de cérémonies de la cour et du chanoine de Cugnac, gardien des tombeaux.



Elles furent déposées dans l’Armoire des Cœurs au fond de la crypte et y restèrent jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.



Après les travaux de l’architecte Formigé et la destruction de l’Armoire des Cœurs, elles gagnèrent les étagères de l’actuelle chapelle des Princes où elles se trouvent toujours... à l’exception des cheveux de Marie de Médicis qui semblent avoir disparu vers 1980.

Le témoignage de Manteau figure sur certains sites ou forums dans une version déformée et un style qui n’a rien à voir avec l’original.



Le récit a été ici rétabli dans sa forme primitive, celle de la Restauration.


RECIT DE MANTEAU


"Je soussigné Henri-Martin Manteau aîné, domicilié à Laon, département de l'Aisne, bibliothécaire de la mairie de ladite ville, déclare dans ma conscience la véracité des faits qui suivent.

Je suis le possesseur de parcelles et fragments extraits des corps exhumés dans l’église de Saint-Denis en 1793. Ces objets sont:
1) L’ongle du pouce de la main droite de Louis quatorze
2) L’ongle du pouce du pied droit de Henry quatre
3) Des cheveux de Marie de Médicis, femme de Henry quatre 

Voici le détail des circonstances et particularités relatives à cette exhumation dont j'ai été le témoin oculaire. J'exposerai comment je suis parvenu à faire l'extraction des restes que j'ai religieusement conservés.

J'exerçais en 1793 les fonctions de contrôleur du dépôt des transports militaires, établi dans l'ancienne abbaye de Saint-Denis. Je résidais dans la même enceinte. Un ancien religieux de la congrégation de Saint-Maur y avait trouvé asile. C’était Dom Charles Druon, d’abord prieur de l’abbaye de Rebais, célèbre par son école militaire, en dernier lieu prieur de l’abbaye Saint-Jean de Laon et principal du collège qu’on y avait récemment établi. Je reconnus en lui mon ancien maître.
Dom Druon avait obtenu pour sa sauvegarde le titre d’archiviste ou gardien du chartrier, précieux dépôt des monuments et chartes antiques qui remontaient au temps de la fondation de cette première abbaye de France

Nous étions liés par la conformité des opinions et des sentiments. Nous gémissions ensemble des horreurs de la profanation exercée sur les restes sacrés de tant de rois qui représentaient les différents âges de la Monarchie.

Je témoignai à Dom Druon le désir de visiter le caveau des sépultures royales; il me conduisit dans l'église par une petite porte de communication située dans l'intérieur de l'abbaye. Nous vîmes tous les magnifiques tombeaux, ces monuments des arts, dispersés et mutilés par les mains du vandalisme.
Nous descendîmes dans le caveau des Bourbons, dont les voûtes sépulcrales, éclairées de torches, retentissaient des cris d'une troupe sacrilège.

On venait d'ouvrir le cercueil de Marie de Médicis qui mourut à Cologne et dont le corps fut transféré à Saint-Denis. Il était en putréfaction liquide. Les ouvriers avide du plomb destiné à la fonderie s’empressaient de ramasser avec des pelles la matière fangueuse dont la couleur et la consistance ressemblaient au mortier de ciment. La tête de cette reine était entière et garnie de beaucoup de cheveux. Aussitôt j'entendis les imprécations des ouvriers et autres assistants qui accusaient cette princesse du meurtre de son époux; je ne discuterai pas ce point d'histoire réservé à la plume, à la critique judicieuse de nos annalistes modernes. Cette rage, ces imprécations signifiaient néanmoins un hommage très énergique rendu à la mémoire de Henri IV toujours chérie, malgré la haine prononcée contre le nom de roi.


Les ouvriers, animés pour ainsi dire par un esprit de rage, arrachèrent et distribuèrent au hasard les cheveux de cette reine. Je tendis, au milieu du groupe, une main incertaine, qui parvint à en saisir une petite touffe que j'eus soin de conserver. Dans le même temps, on ouvrit le cercueil d'une princesse qui ne fut pas nommée; le corps était putrifié, une étoffe très épaisse et de couleur rousse annonçait une abbesse ensevelie avec l'habit de son ordre. (Ce corps était celui d'Anne d'Autriche, morte en 1666 et ensevelie en costume du tiers ordre de Saint François).

J'aperçus nombre de cercueils placés chacun sur deux barres de fer parallèles, ils avaient des formes différentes, quelques-uns figuraient la tête dans la partie supérieure, ensuite le cou par le rapprochement des côtés et les épaules par une plus grande dimension; le reste du corps se terminait en gaine comme les momies d’Égypte.

Toujours sous la conduite de Dom Druon, je portai mes pas vers le cercueil ouvert de Turenne, placé sous une arcade, la tête vers la gauche, les pieds à droite - les curieux s'y étaient réunis. Le linceul replié sur les deux côtés et formé d'une étoffe de satin, laissait voir le corps dans un état parfait de conservation, la bouche ouverte, présentant presque toutes les dents; on observa que quelques-unes avaient été détachées. C'est ce qui peut avoir lieu à l'ouverture très prononcée de la bouche. Je crus remarquer, au bas des côtes, à gauche, un dérangement des chairs qui semblait désigner l'endroit frappé par le coup de canon qui ravit ce héros à la France. Ceci a pu être le sujet d'un examen particulier pour la personne qui, par un pieux artifice, fit de ce corps une momie oubliée jusqu'au jour où un tombeau digne de ce grand homme rendit son ombre présente à nos anciens guerriers.
Telle fut la première scène dont je fus témoins et qui prépara mon esprit à un spectacle plus frappant et plus déplorable. Je sortis du caveau avec mon respectable guide et je revis la lumière qui semblait pâlir comme les torches éclairant les voûtes que je venais de quitter. Dom Druon me conduisit au cimetière attenant à l’église vers le Nord.

Le corps du grand homme serait allé rejoindre ceux des Bourbons dans la fosse commune sans l'intervention de plusieurs assistants. (1)





Au Nord de la basilique, les fosses communes ont été creusées.


La fosse dite des Valois est à gauche, celle des Bourbons en haut à droite


(emplacements représentés par un rectangle hachuré)

Là, on avait creusé une large fosse pour y jeter confusément tous ces corps exhumés et assurer leur destruction totale comme si les restes de ces rois inanimés importunaient encore les farouches apôtres d’une liberté fantastique; mais je ne voyais dans ce moment que les exécuteurs et les aveugles instruments des arrêts barbares de nos affreux dominateurs ensevelis eux-mêmes aujourd’hui sous les laves brûlantes du volcan révolutionnaire.

Déjà on avait apporté et jeté dans cette fosse le corps de Henri IV et celui de Louis XIII.

Le premier était resté pendant douze heures dans la chapelle basse, exposé à la vénération des uns, à la curiosité du plus grand nombre. Il semblait qu’il dut échapper à la destruction ; mais comme roi, Henri IV fut proscrit ainsi que les autres, et condamné à périr une seconde fois entre des mains régicides. On remarquait, dans les dissertations, la variété et même les nuances des opinions populaires que la contrainte plutôt que le sentiment faisait exprimer. L’éloge d’Henri IV eût été alors un crime, un acte liberticide.


Les deux princes étaient placés dans la fosse l'un à côté de l'autre. Louis XIII à la droite de Henri IV, mais en sens inverse pour l'observateur. Louis XIII ne fut nommé que pour faire connaître son corps aux commissaires qui verbalisaient. Il était mince de corps et de taille médiocre; la stature de Henri IV était moyenne et les épaules larges. (2)

Tout à coup, on apporta et on déposa sur l'herbe un grand cercueil qui en couvrait un autre ; l’un était de chêne et l’autre de plomb; l'inscription fixée sur le haut de la partie latérale à gauche et que j'ai lue, annonçait le corps de Louis XIV.


A l'ouverture de ce cercueil, on reconnut ce monarque. Sa haute taille, son âge au temps de sa mort et ces mêmes traits caractéristiques que les arts ont fait revivre; le corps, bien conservé, était d'une couleur d'ébène. On développa une très longue bandelette qui entourait le cou pour mieux assujettir la tête; il semblait que jusque dans la mort, ce prince commandait le respect et que, par la sévérité de ses traits, il menaçait alors ses profanateurs. Incertains quelques instants et bientôt indignés de cette majesté survivante à elle-même, ils s'empressèrent de précipiter le corps dans la fosse commune. Il tomba sur celui de Henri IV, le couvrit presque tout entier et lui servit comme de rempart pour le dérober à de nouveaux outrages.

Nos deux plus grands princes furent ainsi réunis: ce fut une consolation pour leurs ombres.

Il se passa un assez long intervalle, qui permit aux spectateurs de satisfaire leur curiosité. Plusieurs descendirent dans la fosse avec une échelle appliquée sur une des extrémités. J'y descendis moi-même pour contempler les traits historiques de ces monarques dont les règnes ont occupé la renommée pendant un siècle et demi et assuré la gloire de la monarchie.

Non content d’une froide et stérile contemplation j’eus voulu envelopper d’un nuage mystérieux et soustraire au néant ces images encore vivantes de la royauté; mais le zèle et la pensée n’opèrent pas de miracles.

En vain, je m'approchai religieusement et à plusieurs reprises de ces corps serrés, en vain, d'une main timide, je soulevai les bras, les jambes même, toutes parties solides et d'une parfaite consistance; je n'osai entreprendre un pieux larcin dont l'acte ostensible eût fixé l'attention des commissaires dont j' observais les mouvements.

Il me fallut feindre l'indifférence du vulgaire en portant la main sur la bouche de Louis XIV pour détacher furtivement une de ses dents; ce fut sans succès, à cause de l'adhérence des lèvres. Enfin, après un moment d'hésitation, je saisis à la main droite un ongle qui se détacha facilement. Encouragé par ce début, je ne voulus pas me retirer sans avoir quelque fragment de Henri IV. Son corps un peu découvert par la position transversale de celui de Louis XIV présentait le pied droit; je saisis l'ongle du pouce... Il me fallut me borner à cette légère dépouille, qui pour moi était un trésor, et je sortis de la fosse pour jouir en sûreté de cette conquête, obtenue non sur des morts, mais sur des vivants dont j’avais trompé les regards inquisiteurs.

Au même instant, je vis descendre un charretier du dépôt, dont le dessein n'était pas équivoque - c'était pour outrager de nouveau Louis XIV qui, dans le sein de la terre, ne devait plus redouter aucune main profane. Cet homme lui fit avec son couteau une large entaille au ventre du prince; il en retira une grande quantité d'étoupe qui remplaçait les entrailles et servait à tenir les chairs. Avec le même instrument il ouvrit la bouche qui était aussi garnie d'étoupe. Ce spectacle donna lieu aux bruyantes et insultantes acclamations de la multitude.

Aussitôt on apporta une autre victime du vandalisme: c'était celle de Marie-Thérèse d'Autriche, épouse de Louis XIV. Elle fut condamnée à cette même et peu digne sépulture. Son corps bien conservé fut précipité sur celui de Louis XIV; il tomba dans la fosse d'une manière qui signalait l'outrage; la tête, renversée, se trouva prise entre les parois de la fosse, tandis que les jambes étaient élevées presque perpendiculairement. La taille de cette princesse était petite; j'ai remarqué la délicatesse de ses pieds.

Ces quatre corps réunis furent les seuls que j'ai vus dans la fosse. Tous ceux qui restaient dans le caveau plus ou moins conservés, vinrent ensuite combler cet abîme qui parut engloutir, avec ces rois, toutes les générations qu’ils avaient gouvernées. La chaux vive fut employée pour consumer jusqu’aux éléments de ces corps que le temps avait épargnés; et c’est en vain qu’on chercherait aujourd’hui les moindres vestiges.

Pour ne rien omettre de cette scène, je dirai qu'une femme, que je présumai être l'épouse d'un des commissaires, assise sur une pierre près de la fosse, prenait des notes avec un crayon. C' est ce personnage qui me donna le plus d'inquiétude lors de mes tentatives de soustraction. Les commissaires, donnant des ordres, se précipitaient partout alternativement, et leurs regards ne venaient pas toujours importuner mon entreprise.

Enfin, je quittai le cimetière. Dom Druon s’était retiré pendant ma longue station pour remplir ses devoirs religieux; j’allai le rejoindre et lui présenter mes riches dépouilles, en lui rendant compte de toutes les circonstances.


Je n’ai pu dans ces temps de terreur lui demander sa signature, pour servir d’authentique. Le secret devait être renfermé dans notre pensée. Lorsque dans un temps plus calme j’aurais pu sans danger me procurer son attestation écrite, le vénérable vieillard n’existait plus ( Dom Druon est mort à Saint-Denis le jeudi 2 juin 1796) Séparé de lui par mon éloignement de Saint-Denis, j’appris sa mort subite causée par les fatigues que lui imposaient son zèle apostolique, dans les premiers moments de la liberté rendue au culte. [...]


Fin de l'extrait. On pourra lire la suite, complète, par le lien suivant :
http://fr.calameo.com/read/00010704450a1a0333cc3


(1) " Il fut remis, dit le Dr Billard au gardien ( de l'édifice ) nommé Host, qui conserva cette momie dans sa boîte et la déposa dans la petite sacristie de l'église. Il exposa les restes du héros pendant plus de huit mois aux regards des curieux moyennant une petite rétribution. " Cet homme se permit même tout un trafic. Il ôta toutes les dents de Turenne pour les vendre tour à tour aux visiteurs. Au nombre de ceux-ci, se trouva un jour Camille Desmoulins. Le jeune orateur révolutionnaire voulut posséder un souvenir du grand Capitaine, et à défaut de dents, épuisées, se fit céder un doigt, que Host détacha du cadavre desséché.
L'année suivante, en messidor an II, un professeur du Muséum se trouvant au nombre des visiteurs du cadavre de Turenne, fut frappé de la conservation du corps. Il réclama la momie qui fut déposée dans une galerie d'histoire naturelle du jardin des Plantes, entre les restes d'un éléphant et d'un rhinocéros. Ce ne fut qu'en 1800 et sur l'ordre du Premier Consul, que le corps du grand Capitaine fut transféré aux Invalides.

(2) Puisque Manteau n'était pas présent à l'ouverture du cercueil de Henri IV le samedi, reportons-nous sur ce point à la relation de Dom Druon :
"Lorsque l'on fit sauter à coups de marteau le cercueil de Henri IV, le corps du roi apparut enveloppé d'un suaire blanc encore intact. On dégagea la tête; le visage de Henri était admirablement conservé, la barbe presque blanche, les traits à peine altérés. On le dressa contre un pilier, et chacun eut la liberté de le contempler. Les scènes les plus diverses se produisirent. Un soldat se précipita sur le cadavre et, tirant son sabre, coupa une longue mèche de la barbe royale, qu'il plaça sur ses lèvres en guise de moustache. Une mégère à la figure hautaine, voulant braver le vainqueur d'Ivry, avança le poing vers le visage du toi, et le souffleta si fort que le corps tomba à terre."

L'emplacement des deux fosses où furent jetés les corps des rois, reines et princes de France.

Elles étaient creusées entre les anciennes fondations de la rotonde des Valois, devant le portail Nord de la basilique.
Un dallage délimite les anciennes bases de celle-ci depuis la fin des années 1990.


http://saintdenis-tombeaux.forumculture.net

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MessageSujet: Re: 14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis   14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Icon_minitimeDim 13 Oct - 19:07

14 octobre:



  • Louis XIII, cercueil ouvert vers 15 heures, corps dégradé mais reconnaissable à sa moustache noire. Son corps est, comme celui d'Henri IV, jeté face contre terre dans la fosse commune, sur un lit de chaux vive pour accélérer la putréfaction
  • Louis XIV, corps bien conservé reconnaissable bien qu'il soit « noir comme de l’encre »
  • Marie de Médicis, les ouvriers ouvrant son cercueil l’auraient injuriée, ils l’accusent du meurtre d’Henri IV et lui arrachent les cheveux
  • Anne d'Autriche, corps putréfié enveloppé d'une étoffe très épaisse de couleur rousse. C'est le costume du tiers ordre de saint François
  • Marie-Thérèse d'Autriche, épouse de Louis XIV
  • Louis de France, fils de Louis XIV


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MessageSujet: Re: 14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis   14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis Icon_minitimeMer 14 Oct - 14:51

LES PROFANATIONS DU LUNDI 14 OCTOBRE 1793, PAR HENRI-MARTIN MANTEAU

Le témoignage de Henri-Martin Manteau est l'un des plus importants sur la violation des sépultures royales par les révolutionnaires en 1793.


Avec ceux de Dom Poirier, Dom Druon, Alexandre Lenoir et de quelques autres, ce témoignage est le plus précis mais portant sur un temps très court: une seule journée.


Il n'a donc assisté qu'à la chute des corps suivants dans la fosse commune: Henri IV, Louis XIV, Louis XIII, Marie de Médicis, Anne d'Autriche, et de Marie-Thérèse d'Autriche.

Manteau était au moment des faits contrôleur du dépôt des transports militaires établi dans les bâtiments de l’ancienne abbaye de Saint-Denis.


Par une heureuse coïncidence, il avait retrouvé à Saint-Denis Dom Druon dont il avait été élève au collège de Laon.


C’est grâce à la complaisance de ce religieux qu’il put pénétrer le lundi 14 octobre 1793 dans le caveau des Bourbons et assister aux premières profanations des cercueils qui s’y trouvaient.


Il réussit à descendre dans la fosse commune creusée dans le cimetère au Nord de l’église, puis déroba pieusement quelques parcelles des corps royaux: un ongle de Louis XIV, un ongle d’Henri IV, des cheveux de Marie de Médicis.


En 1816, Manteau, devenu bibliothécaire de la ville de Laon, remit à Louis XVIII ces reliques sur les conseils du marquis de Nicolay, préfet de l’Aisne.


Il joignit à la restitution le récit détaillé de ces événements.


Une enquête poussée permit de garantir le sérieux des souvenirs de Manteau, homme probe et rigoureux.

C’est lors de l’inhumation de Louis XVIII à Saint-Denis le 25 octobre 1824 que trois boites contenant les reliques furent amenées à Saint-Denis, en présence du Prince de Croy, grand aumônier de France, de l’abbé de Grand-champ, doyen de Saint-Denis, du baron de La Ferté, directeur de cérémonies de la cour et du chanoine de Cugnac, gardien des tombeaux.


Elles furent déposées dans l’Armoire des Cœurs au fond de la crypte et y restèrent jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.


Après les travaux de l’architecte Formigé et la destruction de l’Armoire des Cœurs, elles gagnèrent les étagères de l’actuelle chapelle des Princes où elles se trouvent toujours... à l’exception des cheveux de Marie de Médicis qui semblent avoir disparu vers 1980.

Le témoignage de Manteau figure sur certains sites ou forums dans une version déformée et un style qui n’a rien à voir avec l’original.


Le récit a été ici rétabli dans sa forme primitive, celle de la Restauration.

RECIT DE MANTEAU


"Je soussigné Henri-Martin Manteau aîné, domicilié à Laon, département de l'Aisne, bibliothécaire de la mairie de ladite ville, déclare dans ma conscience la véracité des faits qui suivent.

Je suis le possesseur de parcelles et fragments extraits des corps exhumés dans l’église de Saint-Denis en 1793. Ces objets sont:
1) L’ongle du pouce de la main droite de Louis quatorze
2) L’ongle du pouce du pied droit de Henry quatre
3) Des cheveux de Marie de Médicis, femme de Henry quatre 

Voici le détail des circonstances et particularités relatives à cette exhumation dont j'ai été le témoin oculaire. J'exposerai comment je suis parvenu à faire l'extraction des restes que j'ai religieusement conservés.

J'exerçais en 1793 les fonctions de contrôleur du dépôt des transports militaires, établi dans l'ancienne abbaye de Saint-Denis. Je résidais dans la même enceinte. Un ancien religieux de la congrégation de Saint-Maur y avait trouvé asile. C’était Dom Charles Druon, d’abord prieur de l’abbaye de Rebais, célèbre par son école militaire, en dernier lieu prieur de l’abbaye Saint-Jean de Laon et principal du collège qu’on y avait récemment établi. Je reconnus en lui mon ancien maître.
Dom Druon avait obtenu pour sa sauvegarde le titre d’archiviste ou gardien du chartrier, précieux dépôt des monuments et chartes antiques qui remontaient au temps de la fondation de cette première abbaye de France

Nous étions liés par la conformité des opinions et des sentiments. Nous gémissions ensemble des horreurs de la profanation exercée sur les restes sacrés de tant de rois qui représentaient les différents âges de la Monarchie.

Je témoignai à Dom Druon le désir de visiter le caveau des sépultures royales; il me conduisit dans l'église par une petite porte de communication située dans l'intérieur de l'abbaye. Nous vîmes tous les magnifiques tombeaux, ces monuments des arts, dispersés et mutilés par les mains du vandalisme.
Nous descendîmes dans le caveau des Bourbons, dont les voûtes sépulcrales, éclairées de torches, retentissaient des cris d'une troupe sacrilège.

On venait d'ouvrir le cercueil de Marie de Médicis qui mourut à Cologne et dont le corps fut transféré à Saint-Denis. Il était en putréfaction liquide. Les ouvriers avide du plomb destiné à la fonderie s’empressaient de ramasser avec des pelles la matière fangueuse dont la couleur et la consistance ressemblaient au mortier de ciment. La tête de cette reine était entière et garnie de beaucoup de cheveux. Aussitôt j'entendis les imprécations des ouvriers et autres assistants qui accusaient cette princesse du meurtre de son époux; je ne discuterai pas ce point d'histoire réservé à la plume, à la critique judicieuse de nos annalistes modernes. Cette rage, ces imprécations signifiaient néanmoins un hommage très énergique rendu à la mémoire de Henri IV toujours chérie, malgré la haine prononcée contre le nom de roi.

Les ouvriers, animés pour ainsi dire par un esprit de rage, arrachèrent et distribuèrent au hasard les cheveux de cette reine. Je tendis, au milieu du groupe, une main incertaine, qui parvint à en saisir une petite touffe que j'eus soin de conserver. Dans le même temps, on ouvrit le cercueil d'une princesse qui ne fut pas nommée; le corps était putrifié, une étoffe très épaisse et de couleur rousse annonçait une abbesse ensevelie avec l'habit de son ordre. (Ce corps était celui d'Anne d'Autriche, morte en 1666 et ensevelie en costume du tiers ordre de Saint François).

J'aperçus nombre de cercueils placés chacun sur deux barres de fer parallèles, ils avaient des formes différentes, quelques-uns figuraient la tête dans la partie supérieure, ensuite le cou par le rapprochement des côtés et les épaules par une plus grande dimension; le reste du corps se terminait en gaine comme les momies d’Égypte.

Toujours sous la conduite de Dom Druon, je portai mes pas vers le cercueil ouvert de Turenne, placé sous une arcade, la tête vers la gauche, les pieds à droite - les curieux s'y étaient réunis. Le linceul replié sur les deux côtés et formé d'une étoffe de satin, laissait voir le corps dans un état parfait de conservation, la bouche ouverte, présentant presque toutes les dents; on observa que quelques-unes avaient été détachées. C'est ce qui peut avoir lieu à l'ouverture très prononcée de la bouche. Je crus remarquer, au bas des côtes, à gauche, un dérangement des chairs qui semblait désigner l'endroit frappé par le coup de canon qui ravit ce héros à la France. Ceci a pu être le sujet d'un examen particulier pour la personne qui, par un pieux artifice, fit de ce corps une momie oubliée jusqu'au jour où un tombeau digne de ce grand homme rendit son ombre présente à nos anciens guerriers.
Telle fut la première scène dont je fus témoins et qui prépara mon esprit à un spectacle plus frappant et plus déplorable. Je sortis du caveau avec mon respectable guide et je revis la lumière qui semblait pâlir comme les torches éclairant les voûtes que je venais de quitter. Dom Druon me conduisit au cimetière attenant à l’église vers le Nord.

Le corps du grand homme serait allé rejoindre ceux des Bourbons dans la fosse commune sans l'intervention de plusieurs assistants. (1)


14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis 2czy32b


Au Nord de la basilique, les fosses communes ont été creusées.


La fosse dite des Valois est à gauche, celle des Bourbons en haut à droite


(emplacements représentés par un rectangle hachuré)

Là, on avait creusé une large fosse pour y jeter confusément tous ces corps exhumés et assurer leur destruction totale comme si les restes de ces rois inanimés importunaient encore les farouches apôtres d’une liberté fantastique; mais je ne voyais dans ce moment que les exécuteurs et les aveugles instruments des arrêts barbares de nos affreux dominateurs ensevelis eux-mêmes aujourd’hui sous les laves brûlantes du volcan révolutionnaire.

Déjà on avait apporté et jeté dans cette fosse le corps de Henri IV et celui de Louis XIII.

Le premier était resté pendant douze heures dans la chapelle basse, exposé à la vénération des uns, à la curiosité du plus grand nombre. Il semblait qu’il dut échapper à la destruction ; mais comme roi, Henri IV fut proscrit ainsi que les autres, et condamné à périr une seconde fois entre des mains régicides. On remarquait, dans les dissertations, la variété et même les nuances des opinions populaires que la contrainte plutôt que le sentiment faisait exprimer. L’éloge d’Henri IV eût été alors un crime, un acte liberticide.

Les deux princes étaient placés dans la fosse l'un à côté de l'autre. Louis XIII à la droite de Henri IV, mais en sens inverse pour l'observateur. Louis XIII ne fut nommé que pour faire connaître son corps aux commissaires qui verbalisaient. Il était mince de corps et de taille médiocre; la stature de Henri IV était moyenne et les épaules larges. (2)

Tout à coup, on apporta et on déposa sur l'herbe un grand cercueil qui en couvrait un autre ; l’un était de chêne et l’autre de plomb; l'inscription fixée sur le haut de la partie latérale à gauche et que j'ai lue, annonçait le corps de Louis XIV.

A l'ouverture de ce cercueil, on reconnut ce monarque. Sa haute taille, son âge au temps de sa mort et ces mêmes traits caractéristiques que les arts ont fait revivre; le corps, bien conservé, était d'une couleur d'ébène. On développa une très longue bandelette qui entourait le cou pour mieux assujettir la tête; il semblait que jusque dans la mort, ce prince commandait le respect et que, par la sévérité de ses traits, il menaçait alors ses profanateurs. Incertains quelques instants et bientôt indignés de cette majesté survivante à elle-même, ils s'empressèrent de précipiter le corps dans la fosse commune. Il tomba sur celui de Henri IV, le couvrit presque tout entier et lui servit comme de rempart pour le dérober à de nouveaux outrages.

Nos deux plus grands princes furent ainsi réunis: ce fut une consolation pour leurs ombres.

Il se passa un assez long intervalle, qui permit aux spectateurs de satisfaire leur curiosité. Plusieurs descendirent dans la fosse avec une échelle appliquée sur une des extrémités. J'y descendis moi-même pour contempler les traits historiques de ces monarques dont les règnes ont occupé la renommée pendant un siècle et demi et assuré la gloire de la monarchie.

Non content d’une froide et stérile contemplation j’eus voulu envelopper d’un nuage mystérieux et soustraire au néant ces images encore vivantes de la royauté; mais le zèle et la pensée n’opèrent pas de miracles.

En vain, je m'approchai religieusement et à plusieurs reprises de ces corps serrés, en vain, d'une main timide, je soulevai les bras, les jambes même, toutes parties solides et d'une parfaite consistance; je n'osai entreprendre un pieux larcin dont l'acte ostensible eût fixé l'attention des commissaires dont j' observais les mouvements.

Il me fallut feindre l'indifférence du vulgaire en portant la main sur la bouche de Louis XIV pour détacher furtivement une de ses dents; ce fut sans succès, à cause de l'adhérence des lèvres. Enfin, après un moment d'hésitation, je saisis à la main droite un ongle qui se détacha facilement. Encouragé par ce début, je ne voulus pas me retirer sans avoir quelque fragment de Henri IV. Son corps un peu découvert par la position transversale de celui de Louis XIV présentait le pied droit; je saisis l'ongle du pouce... Il me fallut me borner à cette légère dépouille, qui pour moi était un trésor, et je sortis de la fosse pour jouir en sûreté de cette conquête, obtenue non sur des morts, mais sur des vivants dont j’avais trompé les regards inquisiteurs.

Au même instant, je vis descendre un charretier du dépôt, dont le dessein n'était pas équivoque - c'était pour outrager de nouveau Louis XIV qui, dans le sein de la terre, ne devait plus redouter aucune main profane. Cet homme lui fit avec son couteau une large entaille au ventre du prince; il en retira une grande quantité d'étoupe qui remplaçait les entrailles et servait à tenir les chairs. Avec le même instrument il ouvrit la bouche qui était aussi garnie d'étoupe. Ce spectacle donna lieu aux bruyantes et insultantes acclamations de la multitude.

Aussitôt on apporta une autre victime du vandalisme: c'était celle de Marie-Thérèse d'Autriche, épouse de Louis XIV. Elle fut condamnée à cette même et peu digne sépulture. Son corps bien conservé fut précipité sur celui de Louis XIV; il tomba dans la fosse d'une manière qui signalait l'outrage; la tête, renversée, se trouva prise entre les parois de la fosse, tandis que les jambes étaient élevées presque perpendiculairement. La taille de cette princesse était petite; j'ai remarqué la délicatesse de ses pieds.

Ces quatre corps réunis furent les seuls que j'ai vus dans la fosse. Tous ceux qui restaient dans le caveau plus ou moins conservés, vinrent ensuite combler cet abîme qui parut engloutir, avec ces rois, toutes les générations qu’ils avaient gouvernées. La chaux vive fut employée pour consumer jusqu’aux éléments de ces corps que le temps avait épargnés; et c’est en vain qu’on chercherait aujourd’hui les moindres vestiges.

Pour ne rien omettre de cette scène, je dirai qu'une femme, que je présumai être l'épouse d'un des commissaires, assise sur une pierre près de la fosse, prenait des notes avec un crayon. C' est ce personnage qui me donna le plus d'inquiétude lors de mes tentatives de soustraction. Les commissaires, donnant des ordres, se précipitaient partout alternativement, et leurs regards ne venaient pas toujours importuner mon entreprise.

Enfin, je quittai le cimetière. Dom Druon s’était retiré pendant ma longue station pour remplir ses devoirs religieux; j’allai le rejoindre et lui présenter mes riches dépouilles, en lui rendant compte de toutes les circonstances.

Je n’ai pu dans ces temps de terreur lui demander sa signature, pour servir d’authentique. Le secret devait être renfermé dans notre pensée. Lorsque dans un temps plus calme j’aurais pu sans danger me procurer son attestation écrite, le vénérable vieillard n’existait plus ( Dom Druon est mort à Saint-Denis le jeudi 2 juin 1796) Séparé de lui par mon éloignement de Saint-Denis, j’appris sa mort subite causée par les fatigues que lui imposaient son zèle apostolique, dans les premiers moments de la liberté rendue au culte. [...]


Fin de l'extrait. On pourra lire la suite, complète, par le lien suivant :
http://fr.calameo.com/read/00010704450a1a0333cc3


(1) " Il fut remis, dit le Dr Billard au gardien ( de l'édifice ) nommé Host, qui conserva cette momie dans sa boîte et la déposa dans la petite sacristie de l'église. Il exposa les restes du héros pendant plus de huit mois aux regards des curieux moyennant une petite rétribution. " Cet homme se permit même tout un trafic. Il ôta toutes les dents de Turenne pour les vendre tour à tour aux visiteurs. Au nombre de ceux-ci, se trouva un jour Camille Desmoulins. Le jeune orateur révolutionnaire voulut posséder un souvenir du grand Capitaine, et à défaut de dents, épuisées, se fit céder un doigt, que Host détacha du cadavre desséché.
L'année suivante, en messidor an II, un professeur du Muséum se trouvant au nombre des visiteurs du cadavre de Turenne, fut frappé de la conservation du corps. Il réclama la momie qui fut déposée dans une galerie d'histoire naturelle du jardin des Plantes, entre les restes d'un éléphant et d'un rhinocéros. Ce ne fut qu'en 1800 et sur l'ordre du Premier Consul, que le corps du grand Capitaine fut transféré aux Invalides.

(2) Puisque Manteau n'était pas présent à l'ouverture du cercueil de Henri IV le samedi, reportons-nous sur ce point à la relation de Dom Druon :
"Lorsque l'on fit sauter à coups de marteau le cercueil de Henri IV, le corps du roi apparut enveloppé d'un suaire blanc encore intact. On dégagea la tête; le visage de Henri était admirablement conservé, la barbe presque blanche, les traits à peine altérés. On le dressa contre un pilier, et chacun eut la liberté de le contempler. Les scènes les plus diverses se produisirent. Un soldat se précipita sur le cadavre et, tirant son sabre, coupa une longue mèche de la barbe royale, qu'il plaça sur ses lèvres en guise de moustache. Une mégère à la figure hautaine, voulant braver le vainqueur d'Ivry, avança le poing vers le visage du toi, et le souffleta si fort que le corps tomba à terre."
14 octobre 1793 (23 vendémiaire an II): 15H: Basilique Saint-Denis 2n9e1s8
L'emplacement des deux fosses où furent jetés les corps des rois, reines et princes de France.
Elles étaient creusées entre les anciennes fondations de la rotonde des Valois, devant le portail Nord de la basilique.
Un dallage délimite les anciennes bases de celle-ci depuis la fin des années 1990.


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