1986: Carcassonne: Mgr de Grignan chez les Ursulines

Tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, dans notre ville, le seul enseignement destiné aux jeunes filles fut celui délivré à partir de 1633 par les sœurs ursulines, établies six ans auparavant au 77 de la rue Aimé-Ramond, dans un couvent spacieux, immeuble occupé aujourd’hui par le lycée Saint-Louis.

Cette congrégation enseignante avait été fondée en Italie, et c’est l’évêque Vitalis de Lestang, qui, dans le cadre de la Contre-Réforme catholique, les avait fait venir de Bordeaux. Les sœurs assurèrent jusqu’à la Révolution l’édification des jeunes filles de bonne famille, tout en distribuant les dimanches et jours de fêtes quelques rudiments d’instruction religieuse à certaines enfants issues du peuple.

Si les internes payaient des frais de pension, l’enseignement était en principe gratuit, mais nous sommes dans l’ignorance de la pédagogie pratiquée. Cependant, lorsqu’en 1790 le couvent fut supprimé, les commissaires chargés de l’inventaire trouvèrent seulement 300 volumes "tronqués et de peu de valeur", ce qui laisse mal augurer du niveau de l’enseignement, lequel devait essentiellement viser à former des dames sachant tenir leur rang dans la bonne société et pratiquer quelques arts d’agrément.

Or, dans le cadre des visites épiscopales faites du XVe au XIXe siècle, en 1686, Mgr de Grignan (1681-1722) se rendit dans ledit couvent. Ce prélat, frère du gendre de Mme de Sévigné, était très soucieux du sort matériel des pauvres, mais tenait des discours fort rigoristes envers les dames. C’est ainsi qu’il entendait "défendre aux femmes, surtout celles qu’on appelle femmes du monde, les spectacles, les danses, les mascarades… leurs dépenses superflues en habits, leur affectation criminelle à suivre les modes les moins tolérables"

Dans leur rôle de mère, elles devaient interdire à leur progéniture "toutes les parures et coiffures immodestes… les bras et les épaules découvertes… encore moins ces promenades nocturnes et sans témoin, ces tête à tête scandaleux, ces liaisons dangereuses… ce mépris volontaire des bonnes mœurs"

Nous verrons prochainement sa réaction lors de cette visite au couvent et les mesures qu’il ordonna.

Claude Marquié