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 Aménager les Landes

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Cochevis de Thekla

Cochevis de Thekla


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MessageSujet: Aménager les Landes   Aménager les Landes Icon_minitimeMar 9 Juin - 23:24

Il y eut d’abord Nicolas Brémontier, qui à la fin du XVIIIe siècle, commença à fixer les dunes du littoral aquitain avec les pins maritimes, dans cette vaste lande qui s’étend sur le département éponyme et le sud de la Gironde. De 1801, date de l’arrêté des trois consuls (dont Napoléon Bonaparte) prolongeant l’œuvre de Brémontier pour « continuer de fixer et planter en bois les dunes des côtes de Gascogne » à 1849, 6 000 hectares sont plantés. Il restait d’immenses territoires marécageux dans l’arrière-pays : plus de 800 000 hectares.

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Vint alors Jules Chambrelent, qui avança l’idée d’un drainage systématique et de plantations de ces mêmes pins à l’intérieur des terres. L’expérimentation eut lieu à Cestas, en Gironde, sur un domaine que l’ingénieur avait acheté. Napoléon III, qui eut connaissance de ses travaux à l’Exposition universelle de 1855, le décora de la Légion d’honneur. Ces deux noms, Brémontier et Chambrelent, sont, pour le grand public, des symboles de la transformation en profondeur de la lande, et plus spécifiquement du département des Landes. Une idée qu’il faut pour le moins nuancer.


Henri Crouzet et Napoléon III, action en profondeur

D’abord parce que cette révolution s’est appuyée sur les transformations que les agriculteurs landais ont réalisées depuis le XVIIIe siècle. Et surtout parce que l’évolution en profondeur du département en ce milieu du XIXe siècle repose sur deux hommes, Henri Crouzet, ingénieur des Ponts et Chaussées et, rendons à César ce qui est à César, Napoléon III lui-même. Car, plus encore qu’un partisan de la révolution des transports, qui lui tient pourtant si fondamentalement à cœur, Napoléon III est un aménageur, préoccupé tant par l’aménagement rural (Sologne, Algérie, Landes) qu’urbain (Paris, mais aussi Marseille et même Bordeaux). C’est pourquoi il a été si proche des frères Péreire. Pour lui comme pour eux, dans l’agriculture comme dans l’industrie, les « dépenses productives », ces investissements fondés sur de grands emprunts, doivent développer l’économie.

L’idée d’aménager des territoires conquis sur la nature, des zones peu peuplées ou abandonnées lui tient à cœur depuis longtemps. Il reprend cette idée dans son discours de Bordeaux, se référant à Napoléon Ier : « Ce que mon oncle avait projeté en faveur des Landes "faire […] des Landes […] un jardin pour ma vieille garde", je le réaliserai. » Il va s’y intéresser tout au long de son règne.


Solférino et Orx, opérations pilote

Il faut dire que ce « Sahara français poudré de sable blanc » comme l’écrivait Théophile Gautier dans son poème Le Pin des Landes de 1845 est un immense territoire qui lui paraît, peut-être un peu sommairement, vide d’hommes, vide de cultures, essentiellement marécageux. D’où l’hommage à Chambrelent. D’où le choix original de Napoléon III en matière de désenclavement routier et ferroviaire. D’où les investissements personnels : c’est sur ses finances propres, par la Maison de l’Empereur, que les achats de terres sont faits – dans deux domaines où il veut faire émerger les implantations agricoles et humaines en lieu et place des marécages : Solférino et Orx. Il veut donc poursuivre l’effort engagé, assécher, reboiser, cultiver, et faire appel, une fois de plus, à Émile Pereire et la Compagnie du Midi et à ces techniciens sur lesquels il s’est beaucoup appuyé, et notamment le corps des Ponts et Chaussées.

Napoléon III a une obsession : le chemin de fer. Et c’est lui qui décide. Ne tenant pas compte du vœu bien naturel du Conseil général qui veut faire passer la ligne de chemin de fer de Bordeaux à Bayonne par Mont-de Marsan, il prend le parti, le 24 août 1852 de la faire passer dans une zone déserte, pire, marécageuse, droit entre Lamothe et Dax, en passant par Morcenx et Labouheyre. L’empereur a en tête de faire assainir et cultiver les Landes. Il va s’appuyer sur le corps des Ponts et Chaussées et sur l’ingénieur Henri Crouzet.


Un polytechnicien dans les Landes, Crouzet contre Chambrelent

Ce Dacquois, membre de la Société d’agriculture, à la réputation de bon technicien, a fait carrière dans les Landes. De son vrai prénom, Jean-Baptiste Henri, il est né à Lescure dans le Tarn en 1817. Polytechnicien, ingénieur des Ponts, il devient ingénieur ordinaire à Dax en 1844. Il construit des ponts et des passerelles à Peyrehorade, à Tartas, à Magescq, travaille à la fixation des dunes littorales, fixe le tracé errant du courant de Contis, construit le grand pont de Dax sur l’Adour. Et il s’attaque au dessèchement de 400 hectares de marais à Lit et à Saint-Julien-en-Born. En 1853, Crouzet, en qui ses supérieurs ne tardent pas à reconnaître « une intelligence supérieure et un zèle des plus louable » est nommé chef du service hydraulique des Landes.

Et c’est là que commence le combat Crouzet contre Chambrelent. Les ingénieurs des Ponts et Chaussées girondins – Chambrelent en est – regardent sans aucun doute les Landais avec un peu de condescendance. Les expérimentations de Chambrelent dans les Landes de Gironde semblent avoir été probantes. Il a mis au point un système de quadrillage de canaux pour drainer les sols, qui semble le plus efficace, et lance la plantation de forêts de pins. En 1855, à l’Exposition universelle, sa Légion d’honneur ne vaut-elle pas reconnaissance ? C’est compter sans Henri Crouzet, chef du service hydraulique des Landes, qui sait que l’avenir n’est plus dans les ponts – il en a beaucoup construit – mais dans le drainage.


Un enjeu capital, le drainage

Tout indique en effet que c’est un enjeu majeur. En 1852, les deux hommes savent – comment ne le sauraient-ils pas ? – qu’Émile Pereire a acheté 10 000 hectares à Lanton en Gironde, 1 000 hectares à Sainte-Eulalie-en-Born, et 1 150 au Teich. Les achats landais continuent et sont regroupés dans la société Pereire. Les deux hommes savent aussi l’intérêt que Napoléon III porte à la question. Les premières expérimentations ont lieu, et Émile Pereire fait appel au plus connu des deux, Chambrelent, qui expérimente sur leurs terres la méthode qu’il a mise au point : un quadrillage systématique superficiel. Mais les résultats ne sont pas à la hauteur et l’empereur, qui le sait, s’impatiente. Il veut faire assécher, cultiver, et peupler de vastes zones humides, à la fois pour développer l’agriculture mais aussi pour des raisons de santé publique. Car les marais sont les grands ennemis du XIXe siècle. Ils apportent les moustiques, la malaria, empêchent les cultures des terres. Il faut les drainer, les assécher, les aménager, les cultiver.

Critique devant les tentatives de Chambrelent, qui ne réussissent pas, Henri Crouzet commence à lancer sa propre méthode. Ses idées partent de plusieurs constats. Il rappelle que la couche d’alios, que l’on dit imperméable, ne l’est pas ; que le sol des Landes n’est pas plat mais accidenté, créant de vastes lagunes bloquées par des dunes de quatre ou cinq mètres de haut, qui en font des cuvettes sans issue. Enfin il lie l’importance des zones humides à l’absence d’un réseau fluvial qui draine les eaux.


Le creusement d’un réseau de canaux

Crouzet fait un autre constat, alors que la voie ferrée qui traverse les Landes est mise en service : la pose des rails s’est accompagnée du creusement de fossés de part et d’autre. Or les propriétaires des terres situées de chaque côté de la voie ferrée ont constaté qu’une très large bande de terres était asséchée. Il propose donc de creuser des canaux entourés de buttes, des fossés profonds et rares, un système d’évacuation des eaux des lagunes vers les lacs et les rivières existantes, comme il le fera vers l’Adour pour les marais d’Orx, ou vers le courant de Contis, dont il va faire le déversoir des eaux stagnantes. Les premiers essais sont concluants.

En 1853, il est officiellement chargé par le service hydraulique des Ponts et Chaussées du lancement de l’assèchement des Landes (…). Aux manettes dans les Landes, il envoie en 1856 un rapport « à l’appui d’un projet de loi […] relatif à l’assainissement et à la mise en culture des Landes de Gascogne », préconisant de demander aux communes de faire assécher les communaux et les propriétés communales et de mettre en culture ou en plantation de pins. C’est ce que va mettre en place la loi de 1857 « relative à l’assainissement et à la mise en culture des Landes de Gascogne » qui a pour but d’assécher les zones marécageuses des Landes et de faciliter l’exploitation des terres.


La loi de 1857 sur l’aménagement des Landes

« On peut considérer, écrit Christiane Filloles-Allex, que la loi du 19 juin 1857 relative à la mise en valeur des Landes de Gascogne est l’aboutissement des différentes recommandations émises pendant des années par le Conseil général et par la Société d’agriculture, et que les rapports de l’ingénieur Crouzet ont servi de socle à cette loi, dont il va devenir le principal exécutant. » Cette loi concerne une centaine de communes de l’ouest de la Gironde et du nord des Landes, qui ont l’obligation d’installer à leurs frais des systèmes de drainage dans leurs communaux, puis de vendre (sur douze ans) les terrains aux enchères, à charge pour les propriétaires de boiser les parcelles. « Les communes devront assainir et planter d’arbres les landes communales soumises au parcours du bétail », ce qui est une dérogation à leur droit « d’en jouir et disposer […] comme bon leur semblerait. »

La même année 1857, preuve que l’idée est en marche, un roman d’Edmond About, Maître Pierre, raconte comment dans ce « désert » landais, comparé au Sahara, un ingénieur – maître Pierre – transforme le paysage en drainant les marais. Le « Sahara », naguère ignoré, devient un objet d’intérêt et de convoitise, une terre dont il est possible de tirer des bénéfices. Les investissements fonciers se multiplient. Il y a ceux des frères Pereire, ceux de notables bordelais, comme Pierre Guestier, un négociant en vins, actionnaire du Courrier de la Gironde, qui fait de gros investissements fonciers dans les Landes. Il y a enfin ceux de l’empereur lui-même.


Les années de réussite d’Henri Crouzet

Ce sont les années de la réussite pour Crouzet. Il gère le domaine impérial de Solférino, draine les marais d’Orx et, outre les travaux d’assainissement effectués dans le département des Landes, assure la réalisation de centaines de kilomètres de « routes agricoles » pour la Compagnie du Midi, dont il est nommé ingénieur en chef. Ces routes, prévues par la loi de 1857 et décidées par Napoléon III, organisent l’espace landais.

Si les « routes agricoles », largement prises en charge par la Compagnie du Midi servent bien entendu au développement du chemin de fer, amenant au rail les usagers des villages desservis, elles ont largement contribué aussi au développement du département. Mais c’est sur deux autres entreprises qu’Henri Crouzet va se signaler, Solférino et les marais d’Orx, deux investissements personnels de Napoléon III. Les années 60, pour Henri Crouzet, alors que Chambrelent est un peu sur la touche, ce sont vraiment les heures de gloire.
Par Joëlle Dusseau et Pierre Brana
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