Présentation du livre De la tiare du Louvre aux chaises de Versailles, depuis plus d’un siècle le monde de l’art a été ébranlé par de nombreuses affaires de faux qui ont mis en cause l’autorité des experts et des marchands, et ont parfois atteint les plus honorables institutions comme le Metropolitan Museum de New York et le British Museum, le musée du Louvre et le château de Versailles. La presse s’en est emparée, le public s’en est délecté.
Des Gauguin, Otto Dix, Léonard et autres princesses amarniennes de Shaun Greenhalgh au millier de toiles de l’avant-garde russe saisies en Allemagne, des faux Cranach, Vélasquez, Frans Hals, Corrège réalisés en Italie aux expressionnistes abstraits concoctés dans le Queens et écoulés à Manhattan par la galerie Knoedler, aucun domaine de l’art n’a été épargné.
Les différentes histoires évoquées ici cherchent à expliquer comment les faussaires s’y prennent pour trouver le point faible des collectionneurs et des spécialistes et leur fabriquer l’objet ou le tableau « trop beau pour être vrai » dont ils rêvaient. Mais il suffit parfois d’une analyse scientifique ou d’une enquête parallèle sur d’étranges mouvements d’argent pour que le rêve devienne cauchemar.
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Etienne Dumont nous en dit plusVersailles bernéGaillemin reprend pour le lecteur un certain nombre de cas célèbres. On n’échappe pas à l’affaire Beltracchi ou à l’incroyable histoire des tableaux modernes réalisés pour 2000 ou 3000 dollars par le Chinois Pei-Shen Qian pour une galeriste américaine obscure. Celle-ci les revendait autour du million à la prestigieuse maison Knoedler de New York, qui en tirait une dizaine de millions. Voilà, en terme utilisés par la profession, ce qui s’appelle une «culbute». Il est aussi question des chaises acquises par Versailles, sur lesquelles Marie-Antoinette ne s’est jamais assise. Il s’agissait de meubles commandités aux meilleurs artisans parisien par l’expert Bill Palot. Ce dernier est tombé, je le rappelle, sur l’insistance de son ex-disciple Charles Hooreman. Le Château refusait de croire qu’il avait été entôlé. C’était le mouton noir contre le chevalier blanc. Bill a fini en taule. La sympathie allait pour une fois à Monsieur Propre. Il faut dire que Charles se révèle bien plus agréable que Bill (je les connais un tout petit peu les deux), et que ce genre de sentiments joue dans ces histoires tenant fatalement du théâtre guignol.
"Louisland"Mais ce n’est pas tout! L’auteur sait toujours remettre des faits dans leur contexte. Celui-ci peut rester psychologique. Le faux comble un désir de croyance et des possession. Il y a aussi des relativisations. Ravageur, le chapitre intitulé «Louisland» montre que bien des choses sont des copies dans le Versailles actuel. A la Galerie des Glaces, sous les vraies peintures de Charles Le Brun restaurées grâce au mécénat de Vinci, se trouvent des lustres sortis tout droit du commerce et des torchères dorées en résine moulées sur un exemplaire authentique appartenant au MAD (ex-Musée des arts décoratifs). Le lit de Louis XIV est une reconstitution recouverte d’un somptueux brocart à fils d’or retissé d’après un modèle créé sous… Louis XV. Alors, de fausses chaises de Marie-Antoinette, pourquoi pas? Mais pas à ce prix-là, payé par le contribuable ou par des mécènes échaudés.
Mais que deviennent au fait les faux démasqués? Tout dépend des réactions de la dupe. Versailles a retiré les chaises. Le Louvre n’a toujours pas digéré l’achat ruineux de la «Tiare de Saïtapharnès» en 1896. Il cache cette interprétation par un orfèvre russe virtuose de l’ar tscythe antique. J’avoue n’avoir vu qu’une fois cette chose, qui aurait normalement dû finir à Orsay. Le Quai Branly a présenté en vedette un crâne précolombien en cristal de roche provenant d’Alphonse Pinart. Ce grand collectionneur avait été berné. L’objet était récent quand il l’a acquis vers 1880. "Reste que c’est un chef-d’œuvre", disait le musée des arts premiers. Le «Met» de New York a lui aussi eu la bonne réaction. Apprenant que l’un de ses plus beaux objets orfévrés de la Renaissance était dû à Reinhold Vasters, qui œuvrait à la fin du XIXe siècle, il a eu deux gestes. L’étiquette a été refaite. L’objet a changé de salle. Il vaudrait du reste de nos jours très cher en vente publique.
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