globule Administrateur
Nombre de messages : 2243 Date d'inscription : 04/10/2017
| Sujet: La Révolution française est-elle encore un événement historique ? Ven 30 Oct - 12:43 | |
| On se pose la question avec France Culture https://www.franceculture.fr/emissions/la-chronique-daurelien-bellanger/la-chronique-daurelien-bellanger-chronique-du-lundi-19-octobre-2020 - Si on avait demandé à un historien, il y a encore cinquante ans, quel était le plus grand événement de l’histoire, il aurait sans doute répondu : la Révolution française. Mais est-ce encore le cas aujourd'hui ?
Prise de la Bastille le 14 juillet 1789 par Jean-Pierre Houël
Les révolutionnaires, en inventant un nouveau calendrier, avaient conscience d’oeuvrer dans une dimension messianique, et mettaient au même niveau la Fête de l’être suprême et la Passion du christ. Révolution contre révolution : la Révolution française parvint seule à perturber la balade quotidienne de Kant, sur laquelle les habitants de Königsberg réglait leurs montres.
J’en profite aussi pour avouer que dans un toute autre genre de dérèglement, je dois à la Révolution française une part de mon initiation sexuelle, grâce au double vinyl de l’opéra-rock qui lui avait été consacré, et que je trouvai un jour dans une vieille armoire... On devait alors être l’année du bicentenaire. J’avais à peine 9 ans.
Quatre mois plus tard, une nuit de novembre à Berlin, la Révolution russe de 1917, sa seule rivale, aurait cessé de vivre, et la Révolution française retrouverait son statut d'événement unique, glorieux, indépassable. Mais ce n’est pas du tout ce qui s’est produit. La Révolution française a au contraire presque disparu. L’historiographie l’a rangée rapidement aux rangs d'événement annexe, ou tout juste assez sanguinaire pour qu’on s’en souvienne un peu, à titre préventif.
Le principal événement de l'histoire de l’humanité, la destitution des rois et l'avènement des peuples, le triomphe de la liberté et de la raison dans l’histoire est devenu d’un seul coup un complot médiocre, et même un sale coup porté à la modernisation inéluctable de la France, une modernisation par lui considérablement entravée.
Révolution industrielle contre Révolution française
La Révolution française serait-elle apparue comme un événement réactionnaire ? Autrement dit, oui, comme un non événement. Et le modèle, le grand modèle de ces années de triomphe politique du libéralisme, c’est plutôt la Révolution anglaise, voire la révolution industrielle tout court : non seulement la gauche la plus moderne, la plus sociétale est au pouvoir en France, mais elle fait en plus, à peu de choses près, une politique de droite, économiquement parlant — en tout cas elle ne croit plus à la lutte des classes et s’est lassée à force de faire des nationalisations.
La Révolution française, c’est peut-être le sens caché des commémorations un peu kitsch du bicentenaire, doit désormais nous faire un peu honte : faire une révolution, c’est du dernier mauvais goût, c’est une perte de temps et ça ne sert de toute façon jamais les intérêts de la bonne classe. On assiste alors à une convergence étonnante entre les analyses de Marx sur le caractère bourgeois de cette révolution, et celles des libéraux, pas loin de la sauver quand même, mais à ce titre, justement.
Le livre-programme du futur président Macron pur enfant du bicentenaire, pourra ainsi s’appeler : Révolution. Vous avez renversé l’ancien régime, pas mal, mais moi j’ai fait les bus Macron et aboli le dernier des privilèges de la SNCF. Et ouais.
La révolution française ne fait plus peur à personne ?
La guillotine n'intéresse en tout cas plus trop nos historiens. Machine pour machine, donnez leur plutôt un régulateur de Watt ou un moteur diesel : là, il sauront retrouver le sens perdu du mot événement, et rêver à haute voix des grandes heures de l’anthropocène.
Il n’y aurait plus personne pour considérer la révolution française comme un événement historique ? Si, les Gilets jaunes, quand ils penètrent dans l’Arc de Triomphe. Et encore. L'historiographie retient déjà, comme déclencheur de cette ultime révolte populaire, le souci du prix des carburants plutôt que celui de la liberté. Comme on a pu faire du prix des farines celui de la révolution, cet insignifiant soufflé historique.
Référence : "L’horrible assassinat du citoyen Marat" La Révolution française, 1973
Bah moi, toujours à fond _________________ - Je ne vous jette pas la pierre, Pierre -
|
|