"Le collier de la reine" par Frances Mossiker, Julliard, collection "Il y toujours un reporter", 1963
Pour une critique de l'édition originale américaine, voir ici :
https://maria-antonia.forumactif.com/t3014-the-queen-s-necklace-frances-mossikerFrances Mossiker donne ici la parole aux acteurs de ce drame, directs ou indirects, le livre étant en effet principalement constitué des témoignages divers (lettres, mémoires, etc...), présentés dans une approche chronologique, des différents protagonistes de cette affaire, éclairés par l'analyse de l'auteure.
Le livre est de ce fait d'une lecture assez ardue, puisqu'il faut suivre le cheminement tortueux de cette histoire, à travers ici des voix qui se répondent, et résonnent d'outre-tombe ! Le lecteur est alors emporté dans ce vertige, et comprend la fascination que cette affaire a pu exercer sur Alexandre Dumas, tant ici la fiction dépasse la réalité !
Le livre ne propose pas de conclusion définitive, mais nous laisse en proie à une foule de questions, notamment entre autres :
- comment Rohan, ambassadeur plein de célérité pour démêler les intrigues de la Cour d'Autriche, a-t-il pu sombrer dans cet océan de stupidité, à ce stade d'en être à ce point aveuglé (rien ne l'a choqué dans cette signature "Marie-Antoinette de France" ??
) ?
- comment la Comtesse de la Motte a-t-elle pu s'échapper aussi facilement de prison ? Qui la poursuivait quand elle a "sauté" par la fenêtre ? Est-elle bien morte à ce moment-là (l'histoire de la Comtesse Gachet
) ?
- pourquoi la Princesse de Lamballe voulait-elle aller la voir en prison ? D'où venait cet argent qu'elle souhaitait lui remettre (Orléans ?)
- pourquoi cette même Princesse, la Duchesse de Polignac et l'Abbé de Vermond se sont-ils rendus en Angleterre si ce n'est pour rencontrer le Comte de la Motte et faire cesser son chantage ? La Reine était-elle au courant de ces tractations ?
- pourquoi Mademoiselle d'Oliva a-t-elle toujours témoigné, lors de toutes ces auditions, que le Comte de la Motte l'avait fait raccompagner par une voiture de la Cour, après la scène du bosquet ?
- pourquoi les pièces 2, 3 et 4 (contrat portant sur acquisition du collier avec la fameuse signature "Marie-Antoinette de France" ; mémorandum explicatif de Rohan, écrit de sa main, le jour de son arrestation ; le document de quinze articles envoyé par Marie-Antoinette au Parlement de Paris) ont-elles disparu des pièces à conviction du procès ? Est-ce l'oeuvre du baron de Breteuil ?
- Cagliostro a-t-il prédit ou prévu (organisé) les événements premiers de la Révolution Française ?
Nous pourrions continuer d'énumérer longtemps ce chapelet de questions, sans jamais y répondre toutes.
Il reste une évidence mise en lumière par cette affaire, soulignée ici par ce livre : au moment de ces événements, l'opinion publique avait déjà détruit l'image (et la crédibilité) de Marie-Antoinette, et cette histoire, dont aucune des ramifications n'aurait pu atteindre l'image de la précédente reine, Marie Leszczynska, s'est ici renfermée comme une toile d'araignée, une pieuvre qui a englouti l'image de la Reine dans les ténèbres. Comme le souligne Frances Mossiker, même le Parlement de Paris ne croyait plus à l'inviolabilité de Marie-Antoinette, tant elle avait été entachée par les dérives pamphlétaires, tant les esprits étaient embrumés de ces supposées turpitudes. C'est en cela que Goethe avait raison d'écrire que l'histoire du collier forme la préface immédiate de la Révolution, qu'elle en est le fondement : après cette affaire, Marie-Antoinette n'a plus jamais été vue comme la Reine de France, son inviolabilité a disparu dans ce cauchemar et seule est alors restée la personne du Roi, de Louis XVI, que la Révolution se devait de renverser.
L'exécution de Marie-Antoinette n'a pas eu pour but de mettre fin à la monarchie, n'a pas eu pour but de mettre fin à son inviolabilité : elle n'était que vengeance, une vengeance entretenue par les libelles et pamphlets, un monstre vengeur né de l'Affaire du collier.