de Casanova, le bourreau des cœurs
De tous les libertins de l'Ancien Régime, Giacomo Casanova est le plus célèbre.
Sa vie exubérante, sa curiosité et ses talents ne sauraient cependant se réduire à ce cliché d'éternel séducteur...
Giacomo Casanova (1725 - 1798)
Bourreau des cœurs
De tous les libertins de l'Ancien Régime, Giacomo Casanova est le plus célèbre. C'est au point que son nom est devenu un mot commun pour désigner un séducteur à la fois aimable et troublant. Sa vie exubérante, sa curiosité et ses talents ne sauraient cependant se réduire à ce cliché.
Auteur de mémoires à succès,
Histoire de ma vie, il a inspiré Mozart pour son personnage de
Don Juan et continue de nous séduire et nous intriguer par le canal du cinéma...
Contrairement à l'image laissée par le personnage de
Don Juan, Casanova n'est pas un cynique ou un dominant. Chaque conquête renouvelle son désir et sa passion. Chaque rupture est ressentie comme un échec. Sans doute est-ce qui lui vaut d'être apprécié par les soubrettes comme par les princesses.
À Thérèse, l'une de ses premières amours, il confesse :
« Tu me supposes riche ; je ne le suis pas. Je n’aurai plus rien quand j’aurai fini de vider ma bourse. Tu me supposes, peut être, homme de grande naissance, et je suis d’une condition ou inferieure, ou egale à la tienne. Je n’ai aucun talent lucratif, aucun emploi, aucun fondement pour être certain que j’aurai de quoi manger dans quelques mois. Je n’ai ni parens, ni amis, ni aucun droit pour pretendre, et je n’ai aucun projet solide. Tout ce que j’ai à la fin n’est que jeunesse, santé, courage, un peu d’esprit, des sentimens d’honneur, et de probité, et quelques commencemens de bonne littérature. Mon grand tresor est que je suis mon maitre, que je ne depens de personne, et que je ne crains pas les malheurs » (
Histoire de ma vie).
En prison pour de bon !
Le 26 juillet 1755, le jeune homme se fait arrêter par la police pour ses activités libertines et ésotériques. Il passe un peu plus d'un an enfermé dans la
« prison des Plombs ». Il s'en évade le 31 octobre 1756. C'est un exploit : ce serait la seule fuite connue de cette prison réputée redoutable.
Le séducteur se réfugie alors à Paris. Il lance une loterie royale pour financer la réalisation de l'École militaire. Cet ancêtre du Loto lui vaut de gagner beaucoup d'argent.
Mais après quelques nouvelles déconvenues, il doit fuir la France. Sa réputation lui vaut d'être reçu par plusieurs souverains : Catherine II de Russie, Georges III en Angleterre et Frédéric II de Prusse.
Vieux rat de bibliothèque
L'âge venant, le séducteur se place sous la protection du prince de Ligne qui l'installe comme bibliothécaire dans son château de Dux, en Bohême.
Homme d’esprit et libertin, le prince se décrit comme athée. Il admire Casanova et le jalouse. Voici ce qu'il en dit :
« Il est fier, parce qu’il n’est rien et qu’il n’arien. Rentier, ou financier, ou grand seigneur, il aurait été peut-être facile à vivre. Mais, qu’on ne le contrarie point, surtout que l’on ne rie point, mais qu’on le lise ou qu’on l’écoute, car son amour-propre est toujours sous les armes : ne lui dites jamais que vous savez l’histoire qu’il va vous conter; ayez l’air de l’entendre pour la première fois »À Dux, Casanova est saisi par la fièvre de l'écriture. Il écrit sans trêve des lettres, ouvrages et mémoires qui témoignent de l'étendue de ses connaissances et de sa curiosité insatiable :
« Il n’y a point d’homme au monde qui parvienne à savoir tout; mais tout homme doit aspirer à tout savoir » (
Histoire de ma vie).
Lui, le Vénitien qui a bourlingué dans toute l'Europe, il a soin d'écrire en français, la langue commune à tous les cercles cultivés de l'époque. Il manie la langue avec aisance, dans le style fleuri et alerte des Lumières.
Parmi ses oeuvres, un roman utopique verbeux qui aboutit à un échec financier et littéraire :
Icosaméron (1788). Il y a aussi l'
Histoire de ma fuite des prisons de la République de Venise qu’on appelle les Plombs.
Le prélude n'est pas sans rappeler les
Confessions de Jean-Jacques Rousseau, autre enfant du siècle :
« Pour captiver le suffrage de tout le monde j’ai cru de devoir me montrer avec toutes mes faiblesses, tel que je me suis trouvé moi-même, en parvenant par là à me connaître ; j’ai reconnu dans mon épouvantable situation mes égarements, et j’ai trouvé des raisons pour me les pardonner ; ayant besoin de la même indulgence de la part de ceux qui me liront, je n’ai rien voulu leur cacher, car je préfère un jugement fondé sur la vérité, et qui me condamne, à un qui pourrait m’être favorable fondé sur le faux. »
Enfin vient l'ouvrage qui assurera sa renommmée post-mortem :
Histoire de ma vie, un manuscrit de 3700 pages (aujourd'hui à la BNF) nourri par sa mémoire phénoménale et quantité de notes et de lettres qu'il a eu soin de conserver... et a détruites après les avoir exploitées.
Casanova meurt le 4 juin 1798, ignoré de tous, enterré à la va-vite près de l'église Santa-Barbara de Dux.
Le cinéma nous a fait redécouvrir ce personnage haut en couleurs et attachant avec
Casanova (Federico Fellini, 1977) et
Dernier amour (Benoît Jacquot, 2019).