Dimanche 04 septembre 1729
A 2 heures, Marie Leszczyńska commence à souffrir beaucoup; le Roi s’étant levé, on envoie chercher les princes et les princesses du sang, le cardinal de Fleury, le Chancelier de France, M. d’Aguesseau, et le Garde des Sceaux, M. Chauvelin, qui se rendent aussitôt dans la chambre de la Reine.
Son appartement est dans l’instant rempli de seigneurs et dames de la Cour.
La Reine sent de grandes douleurs pendant 1h30, et à 3h40, elle accouche heureusement d’un prince, dont la santé et la force donnent de grandes espérances pour la conservation de ses jours.
Louis XV, qui n’avait pas quitté la Reine pendant ses douleurs, et qui lui avait donné des preuves de sa tendresse, paraît dans le moment de la naissance de M. le Dauphin, touché d’une vive joie; et toutes les personnes qui étaient dans la chambre ou dans l’appartement de la Reine, en apprenant cette nouvelle, font paraître leur amour au Roi, et la sincérité de leurs vœux pour la satisfaction de Leurs Majestés.
Aussitôt que M. le Dauphin fût né, il est ondoyé par le cardinal de Rohan, Grand Aumônier de France, en présence du curé de la paroisse de Versailles.
Louis XV assiste à cette cérémonie, après laquelle la duchesse de Ventadour, Gouvernante des Enfants de France, accompagnée des trois sous-gouvernantes, porte M. le Dauphin dans l’appartement qui lui avait été préparé, et dans lequel les personnes, destinées à le servir, se trouvent.
Lorsque M. le Dauphin est arrivé dans son appartement, le marquis de Breteuil, commandeur-prévôt et maître des cérémonies des Ordres du Roi, lui porte le cordon et la croix de l’Ordre du Saint-Esprit, qui ne lui avait pas été donné dans la chambre de la Reine, parce que Louis XV, par attention pour la santé de celle-ci, n’avait pas voulu qu’elle peut apprendre trop tôt qu’elle était accouchée d’un prince. Le marquis de Breteuil fait cette fonction à cause l’absence du Grand Trésorier.
Louis XV sort de l’appartement de la Reine, vers 4h30.
En rentrant dans le sien, il envoie M. Le Fouin, l’un de ses gentilshommes ordinaires, au château de Chambord, porter au Roi Stanislas et à la Reine Catherine Opalinska, son épouse, la nouvelle de l’heureux accouchement de leur fille et de la naissance d’un prince.
Dès que l’on sut à Versailles, que la Reine était accouchée d’un prince, les cours du château et toute la ville retentissent des plus grandes acclamations, et se renouvellent avec plus de vivacité sous les fenêtres du Roi lorsqu’il est éveillé.
Louis XV va, à midi, entendre la messe, pendant laquelle on chante un Te Deum, en action de grâces de la naissance de M. le Dauphin.
L’après-midi, Louis XV reçoit les compliments de Mme la duchesse d’Orléans, des princesses du sang et des dames de la Cour.
Après le Salut, il repasse dans sa chambre où il voit les ambassadeurs et ministres étrangers, qui s’étaient rendus à Versailles, sans avoir attendu l’annonce de cette nouvelle.
Louis XV passe plusieurs fois, dans la journée, chez la Reine et va voir son fils.
Le soir après souper, on tire sur l’esplanade, qui est entre la grande grille et les écuries, une grande quantité de fusées, et un feu d’artifice aussi beau que le peu de temps qu’on avait eu pour préparer, et pût le permettre; et ce feu est accompagné d’une grande illumination formée par des girandoles de lumières, et une grande quantité de terrines; il y a en même temps dans toutes les rues de Versailles, des illuminations, des feux et toutes les autres marques de la plus grande joie.
Naissance au château de Versailles de Louis Dauphin de France fils de Louis XV et de Marie Leszczynska