Le Boudoir de Marie-Antoinette

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 23 juillet 1789: Marie-Antoinette adresse une lettre à Madame de Tourzel

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yann sinclair

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MessageSujet: 23 juillet 1789: Marie-Antoinette adresse une lettre à Madame de Tourzel   23 juillet 1789: Marie-Antoinette adresse une lettre à Madame de Tourzel Icon_minitimeMer 9 Nov - 11:19

23 juillet 1789: Marie-Antoinette adresse une lettre à Madame de Tourzel Capt2801

Voici lettre que Marie-Antoinette adressa à Madame de Tourzel le 23 juillet 1789 alors qu'elle remplaçait Madame de Polignac dans la charge de gouvernante des Enfants royaux

"Mon fils à quatre ans, quatre mois moins deux jours
Je ne parle pas ni de sa taille ni de son extérieur: il n'y a qu'à le voir
Sa santé a toujours été bonne, mais, même au berceau, on s'est aperçu que ses nerfs étaient très délicats, et que le moindre bruit extraordinaire faisait effet sur lui
Il a été tardif pour ses premières dents, mais elles sont venues sans maladie ni accident
Ce n'est qu'aux dernières, et je crois que c'était la sixième, qu'à Fontainebleau il a eu une convulsion
Depuis, il en a eu deux: une dans l'hiver de 87 à 88, et l'autre à son inoculation, mais cette dernière a été très petite
La délicatesse de ses nerfs fait qu'un bruit auquel il n'est pas accoutumé lui fait toujours peur
Il a peur, par exemple, des chiens, parce qu'il en a entendu aboyer près de lui
Je ne l'ai jamais forcé à en voir, parce que je crois qu'à mesure que sa raison viendra, ses craintes passeront
il est, comme tous les enfants forts et bien portants, très étourdi, très léger et violent dans ses colères, mais il est bon enfant, tendre et caressant même, quand son étourderie ne l'emporte pas
Il a un amour-propre, démesuré qui, en le conduisant bien, peut tourner un jour à son avantage
Jusqu'à ce qu'il soit bien à son aise avec quelqu'un, il sait prendre sur lui, et même dévorer ses impatiences et colères, pour paraître doux et aimable
Il est d'une grande fidélité quand il a promis une chose, mais il est très indiscret
Il répète aisément ce qu'il a entendu dire et souvent, sans vouloir mentir, il y ajoute ce que son imagination lui fait voir
C'est son plus grand défaut et sur lequel il faut bien le corriger
Du reste, je le répète, il est bon enfant, et avec de la sensibilité, et en même temps de la fermeté, sans être trop sévère, on fera toujours de lui ce qu'on voudra
Mais la sévérité le révolterait, car il a beaucoup de caractère pour son âge
Et, pour en donner un exemple, dès sa plus petite enfance, le pot "pardon" l'a toujours choqué
Il fera et dira tout ce qu'on voudra quand il a tort, mais le mot "pardon" il ne le prononce qu'avec des larmes et des peines infinies
On a toujours accoutumé mes enfants à avoir grande confiance en moi et, quand ils ont ds torts, à me le dire eux-mêmes
Cela fait qu'en les grondant, j'ai l'air plus peinée et affligée de ce qu'ils ont fait que fâchée
Je les ai accoutumés tous à ce que oui ou non prononcé par moi est irrévocable; mais je leur donne toujours une raison à la portée de leur âge, pour qu'ils ne puissent pas croire que c'est l'humeur de ma part
Mon fils ne sait pas lire et apprend fort mal, mais il est trop étourdi pour s'appliquer
Il n'a aucune idée de la hauteur dans la tête, et je désire dort que cela continue: nos  enfants apprennent toujours assez tôt ce qu'ils sont
il aime sa sœur beaucoup, et a bon cœur
Toutes les fois qu'une chose lui fait plaisir, soit d'aller quelque part ou qu'on lui donne quelque chose, son premier mouvement est toujours de demander pour sa sœur de m^me
il est né gai: il a besoin pour sa santé d'être beaucoup à l'air, et je crois qu'il vaut mieux le laisser jouer et travailler  à la terre sur les terrasses que de le mener plus loin
L'exercice que les petits enfants prennent en courant et jouant à l'air est plus sain que d'être forcés de marcher, ce qui souvent leur fatigue les reins
Je vais maintenant parler de ce qui l'entoure

Trois sous-gouvernantes:
Mme Louise Elisabeth Le Noirde Soucy, belle-mère et belle-fille, et Mme de Villefort
Mme de Soucy la mère, fort bonne femme, très instruite, exacte, mais mauvais ton
La belle-fille, même ton, point d'esprit
il y a déjà quelques années qu'elle n'est plus avec ma fille
Mais, avec le petit garçon, il n'y a pas d'inconvénient
Du reste, elle est très fidèle, et même un peu sévère avec l'enfant
Mme de Villefort est tout le contraire, car elle le gâte
Elle a au moins aussi mauvais ton, et plus même que les autres
celle-ci n'est pas aimée des autres, mais à l'extérieur, toutes sont bien ensemble
Les deux premières femmes, toutes deux fort attachées à l'enfant, mais Mme Lemoine de Clermant (née Chardon), une caillette et bavarde insoutenable, contant tout ce qu'elle sait dans la chambre devant l'enfant ou non
Cela est égal, Mme Neuville (Marie-Madeleine Ruol, femme de Pierre-Edme Leschevin de billy de Neuville) (Mme de Neuville fut l'une des deux femmes qui accompagnèrent la famille royale dans la fuite de Varennes) a un extérieur agréable, de l'esprit, de l'honnêteté, mais on la dit dominée par sa mère, qui est très intrigante
Pierre-Edouard Brunier (1730-1811), médecin des Enfants de France. (La reine avait grande confiance dans ses talents médicaux. A plusieurs reprises, elle l'appela au Temple pour soigner ses enfants malades et Brunier répondit toujours à ses appels, ce qui n'était pas sans danger) Il faut le tenir à sa place. Il est familier, humoriste et clabaudeur (aboyeur, cancanier, médisant, potinier)

L'abbé Avaux (Guillaume Davaux ou d'Avaux. Abbé de Quimperlé (1740-1822) instituteur des Enfants Royaux . Il peut-être fort bon pour apprendre les lettres à mon fils, mais du reste, il n'a ni le ton ni même ce qu'il faudrait pour être auprès de mes enfants
C'est ce qui m'a décidée, dans ce moment, à lui retirer ma fille
il faut bien prendre garde qu'il ne s'établisse hors des heures des leçons chez mon fils
C'est une des choses qui a donné le plus de peine à Mme de Polignac, et encore n'en venait-elle pas toujours à bout, car c'était la société des sous-gouvernantes
Depuis dix jours, j'ai appris des propos d'ingratitude de cet abbé qui m'ont fort déplu
mon fils a huit femmes de chambre. Mme Misselier, Belliard de Batz, de Saint-Brice, Caqueray de Bonicour, van Blarenherghe, Mme Mollet-Ramban et Thouin. Elles le servent avec zèle, mais je ne peux pas compter beaucoup sur elles
Dans ces dernier temps, il s'est tenu beaucoup de mauvais propos dans la chambre, mais je ne saurais pas dire exactement par qui
il y a pourtant une Mme Belliard qui ne se cache pas sur ses sentiments et, sans soupçonner personne, on peut s'en méfier
Tout son service en hommes est fidèle, attaché et tranquille.
(Les deux valets de chambre étaient Cléry et Villette)
Ma fille a à elle deux premières femmes et sept femmes de chambre. Mme Brunier, femme du médecin (Antoinette Chapuy) (Elle suivi la reine également à Varennes). Elle la sert depuis sa naissance avec zèle.
Mais sans avoir rien à lui reprocher, je ne la chargerais jamais que de son service
Elle tient du caractère de son mari
De plus, elle est avare et avide des petits gains qu'il y a à faire dans la chambre
Sa fille, Mme Freminville  est une personne d'un vrai mérite (sans doute d'un 1er mariage car elle s'appelait Christine Dufour) Elle avait épousé M. de Montlouis de Freminville.
Quoique âgée seulement de 27 ans, elle a toutes les qualités d'un âge mûr
Elle est à ma fille depuis sa naissance et je ne l'ai pas perdue de vue
Je l'ai mariée et le temps qu'elle n'est pas avec ma fille, elle l'occupe en entier à l'éducation de ses trois petites filles
Elle a un caractère doux et liant, est fort instruite et, c'est elle que je désire charger de continuer les leçons à la place de l'abbé d'Avaux
Elle en est fort en état; et puisque j'ai le bonheur d'en être sûre, je trouve qu'elle est préférable à tout
Au reste, ma fille l'aime beaucoup et y a confiance
Les sept autres femmes sont de bons sujets (L'état de la maison de Madame Royale en comptait dix: Marie Bar de Lisle, Nicole Barbier, veuve Marchand, Anne Françoise Antoine Bazire, Marie Laurent, femme du sieur Indrion, Marie-Antoinette Julien, femme du sieur de Tourmont, Sophie Genet, femme du sieur Pannellier, Mme Schilick, Amélie Gabrielle Sergent, Anne Bazire, Mme Blanchard Le Moine
Les hommes sont à elle depuis sa naissance
Ce sont des êtres absolument insignifiants, mais comme ils n'ont rien à faire que le service, et qu'ils ne restent point dans la chambre par-delà, cela est insignifiant
                                                                                                                       Bien à vous

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